m...,k « ^ ■m'f^ ♦ è v-^' ^ ¥ '-'mm ^t"l e conte TONNEAU, Contenant tout ce que les ARTS, &les SCIENCES Ont de plus sublime. Et de plus MYSTERIEUX; Avec plufieurs autres Pieces très- curieufes. Par J O N A T H A is s W Î F T5 Doien de St. Patrick en Irlande. Traduit de I'Anglois. ^ "TOME SECOND. JÎ LA HAYE Chez HENRI SCHEURLEER, M. Dec. XXXII. J > ^ ^ ^> ^^ •-^•J -yCi ^C-:, -j^S -^ v^^ ^ ..^û^ yS> ^^ .^j yf^ §c SC^R^r ^- ^c >c z-r* >^ ^ ^^ bv ^^^'•- ^;^ s^ -e. Sv V** V«* Vh'^V*'- Vk*^*^..^ Vk*-*â'- W ^yv.* Vh^ Vk'^ • i>* v.* Vw v*" PREFACE D U TRADUCTEUR. p:^SSE fais fâché qu'il faille encore M J M retenir ici' le Lecteur par un g.,^^.^|^. Dilcûurs préliminaire; mais, miM^'y^ il faut abfolument , qu'il paf- fe par-la , s'il veut lire les Pièces fiii- vantes, avec fruit , & avec agrénienc. Elles pafTent toutes pour être de l'Au- teur du CorJe du Tonneau \ &, s'il ed pofllble de fonder un jugement folide fur le llile & fur le tour d'Eiprit, elles en doivent être de necefTité. Comme elles font prefque toutes iro- niques, & que les Le6leurs d'une péné- tration mediocre , qui font le grand nombre, ont bien delà peine à démêler le veritable fens d'une Ironie un peu poulTée , il fera bon de leur faciliter rintelligence de celles-ci, en difant ua mot de chacun de ces Detits Ouvrages. l'Orne IL ^^ "Le PREFACE. Le premier ell une DilTertation fur TOperaîlon Mccharàque de ÏEfprit, De faux Dévots , & d autres gens peu ju- dicieux , ont regardé cette Pièce com- me un Chef-d'Oeuvre de Profanation, quoique l'Auteur ait pris tous les foins imaginables , pour qu'il fût impoifible de s'écarter de fon Veritable But. Il défi- nit l'Enthoufiafme en general par une Elevation de fame ^ ly de [es facilitez , au- dejjus de la matière. Enfuite, il indique trois différentes Branches de l'Enthou- fiafme, defquelles il ne prétend pas par- ler. La preniiere ell un Acle immédiat de la Divinité , qu'on apelle Efprit de Prophétie ^on Infpiration. La féconde elt un A6le immédiat du Diable : on l'ap- pelle PoJJeJJïon, La troifiémxe eft l'Effet de quelques Caufes naturelles. Force d'I- magination , Mélancolie , Pajjions l'iolen- tes, (^c. Le véritable & unique Sujet de fon Difcours eit cette Efpece d'Enthoufiaf. me , où l'on parvient fimplement par ArL5& par une Operation méchanique, par laquelle , en étourdiffant les Sens, Ôc en étouffant la Raifon , on réiiffit à remplir leCerv^eaude Vifions & de Chi- mères. Par confequent, rien au monde n'elt DU TRADUCTEUR. n'eft plus mal fondé , que le prétendu Libertinage , qu'on trouve dans une Pic- ce, qui ne tend qu'à débaraffer la Reli- gion du Fanatidiie le plus honteux , aul'ii bien que le plus ordinaire. La Dijjh'tatlon fur les ^Edifies f tur- lupine les Fanatiques &i \qs faux Infpirez en général. Celle-ci n'en veut qu'a ces "Malheureux, qui adorent les Chimères, dont ils font eux-m.émes les Auteurs. Des perfonnes fenfées s'imagineront peut-être , que la Suppofition , qu'on peut fe jetter dans rEnthoufiafme par certains Mouvemens , & par certaines Contoriions.eit une Chimère elie-mcmc. llsfetromperoient aiTeurément. Un peu de Réflexion furla Liaifon étroite, qu'il y a entre Flmagination , & \ts Aiouve- mens du Corps , le fait voir évidemmient. Comme ces Mouvemens difFerens, ces Grimaces, ces Contorfions, répondenc toujours à certaines Images, qui font de profondes imprefiions dans le cerveau- les Contorfions & les Grim.aces font à leur tour naître dans le Cerveau les Images, qui Y répondent. Non feulement toutes les t Cette DilTcrtation fe trou\'edans le Tome I, Sed. VIII. PREFACE Regies de la Phyfionoraie font fondées fur celte Vérité: elle efl encore prouvée évidemment , par ce qui fe pafFe tous les jours fur le Théâtre, ôc dans les Ga- letas où logent les Poètes. Un bon Ac- teur ride fon front , &. fe donne l'air d'un Furieux, afin de fentir lui-même la Fureur, & la Rage, qu'il veut repré- fenter. Si l'Imagination d'un Poète cherche en vain les Traits , dont il a befoin , pour dépeindre le Dépit ou l'Indignation, il fe levé avec précipita- tion ,Te promené dans fa Chanibre , &. fe met dans toutes les i\ttitudes, qui con- viennent à ces différentes Pafions. D'a- bord, les Images dont il a befoin entrent en foule dans fon Cerveau, comme au- tant de Marionettes attachées à des fils d'archal. Cell de la miCme manière, que ceux d'entre les petits Prophètes t -, ^[ui n'a- voient pas l'intention détromper les au- tres,mais qui étoient leurs propres dupes, n'ont été redevables de leurs ridicules Infpirations, qu'aux Contorfions violen- tes, qu'ils apprenaient à fe donner, à l'exemple de Iciu's Compagnons In^pof- teurs. La f Ce; tr.fns Fous , oui ont courus la Hollande ncnccment de ce Siècle. DU TRADUCTEUR. La féconde Pièce efl d'une nature toute différente : elle a pour titre Récit exaSl £5? fidelîe d'une Bataille entre les Livres Anciens , ^ Modernes , iyc. Cell une des plus heureufes Allégories, qui foient jamais forties de TEfprit Humain j & elle fert fur-tout à tourner en ridicule deux groiTiers Ennemis de FAntiquité , le Docleur Bentley, & M. M^otton. J'ai héfité pendant quelque tems , avant que de me réfoudre à traduire cet- te Pièce en François, parce que, parmi les Combatans modernes , on ne voit prefque que des Auteurs Anglois. J'y ai remédié de mon mieux, en donnant dans mes Remarques les Caractères de la plupart de ces Ecrivains ; & rien n'eft plus facile à un Lecteur François, que de mettre, à la place des Etrangers qu'on turlupine ici, des Auteurs de fa Nation. Il n'y aura que le Choix,quii'embaraffera. Le Nombre de ceux , qui méritent d'ocu- per un Rang honorable ici dans les Trou- pes des Modernes,eit prodigieux enFran- ce à l'heure qu'il eft. Excepté quelques Auteurs de la vieille Roche,un Fontenelle^ MXiLa il/(5//^,tous les Auteurs François de nos jours pouroient figurer admirable- ment à la place de nos Guerriers Anglois. ** j Tou- PREFACE Toute la France fourmille de gens , qui ont de TEfprit , & qui n'ont que de rEfprit. A voir la plupart des Produc- tions nouvelles , qui nous viennent de ce Païs-là , on diroit , que rien n'eft plus ridicule que l'Erudition ; & que , parmi les nombreux Arrêts de la Cour, il doit en avoir eu quelqu'un qui ait prof- crit la Logique. La troiiiéme Pièce efl une Comparai- fon entre un Balay ly un Homme , faite dans leStile&dans le Gout des Médita- tions de M, Boyk. Ceux , qui trouve- ront d'abord cette Idée-là bifarre, n'ont qu'à lire ce petit Ouvrage avec atten- tion, pour voir avec étonnement, que cette Idée n'eil que trop juite. Je me fuis fait un plaifir de traduire les Penfées morales £5? dhertijfantes q ui fuivent , afin que les François puiiTent comparer cet Echantillon avec les Ré- flexions de M. de la Rochefoucault , & avec les Cara6îeres de laBruiere. Je fai que ces Livres font excellens dans leur genre, & qu'ils méritent la grande Ré- putation qu'ils ont acquife, & dans la France , & dans toute l'Europe. J'ôfe dire pourtant, qu'un Volume femblable à cetEflay de notre Auteur Angloisde- vroiî: DU TRADUCTEUR. vroit être naturellement d'un Gout plus général , ôc plus propre à repondre au But de ces fortes d'Ouvrages. Il y a une heureufe Variété , qui entretient l'attention , ôc qui femble la délafler. Et c'ellce qui manque , à mon Avis , aux Livres François dont je viens de faire mention. Ces Réflexions, & ces Carac- tères, font d'un tour concis, ferré, un peu obfcur, toujours férieux. Ce font autant d'Oracles, pour ainfi dire. On en peut lire quelques pages; mais, infenfi- blement, TEfprit fe rebute de ces Sen- tences 5 & de ces Portraits , Qui fîtr tin même ton feynhhnt -pfaîmodier. \JEJjay dans le Gout Je plus 7noderne eil une des plus plaifantes Pièces , qu'il efl pofTiblede voir. L'Auteur y imite ad- mirablement bien certains Ecrivains no- vices, qui , avec la mince provifion de dix ou de douze Lieux-communs, ont la démangeaifon infurmontable de fe faire imprimer \ & qui fe-mblent s'imaginer, que ce qu'ils viennent fraîchement d'a- prendre aura pour le Public la même grace de la Nouveauté , dont ils font charmez eux-mêmes. L'Auteur fait f^mblant de prendre pour PREFACE pour Sujet \tsFacuJtcz de V Ame ^ dont il ne dit pourtant qu'un feu! motparhaiard: tout le relie confille enPenfées inciden- tes, à qui la moindre relTemblance de mots donne une efpece de Liaifon for- tuite. Il brode tout cet AiTemblage ri- dicule, de quelques PaiTages Latins, qui fervent d'ordinaire d'Exemples dans la Grammaire, & dans la Syntaxe, qu'on aprend dans les plus baiîes Claltes ; & il allaifonne tout ce rare Ouvrage de cette Ollentationpedantefque, que les aprentifs Auteurs aifeclent , pour reC- fembler aux Ecrivains dlm^portance. Je confidere la Pièce qui fuit com- me le Chef-d'Oeuvre du Dofteur Swift. Cell imQDiJfertaiicfi contre le Projet d'à- bulir le Chriftianifme en Angleterre, Ceux , quifavent fuivre les Idées d'un Auteur, <&: faifir le veritable Sens d'une Ironie , en la confidérant de tous fes differens cotez , n'auront garde de trouver de l'Irréligion dans cet Ouvrage. Ils le regarderont, au contraire, comme une Satyre fanglante de VEfprit fort & du Libertinage, On ne parle pas ici du Chriftianifme réel: on le confidere com- me banni de la Grande-Bretagne , de- puis très-long- tems. Il ne s'agit que de DU TRADUCTEUR. de QQChrijlîarà;me de Nc'ffi^ qui confide en certaines Cérénionies, &en certains Devoirs extérieurs. L'Auteur fait fem- blant de croire, que tout le Peuple ell du Sentiment unanime, que le Bien pu- blic exige qu'on renonce entièrement a ce Cbyijii^nifine ; & , en faiGmt fentir, que les Avantages qu'on attend de ce Projet ne feront pas fi confidérables qu'on l'efpere , il découvre avec une AJreile infinie le Ridicule de I'Efprit fore, ck de rirreligion, qui fe font ré- pandus £i généralement dans fa Patrie. Pour mettre le Public en état de de- veloper entièrement le Génie de nôtre Auteur, j'ai joint à cette Pièce badine un Ouvrage très-ferieux , intitulé : Projet peur az'aricer la Religion ^ la Pieté en J-ngleterre , ^c, il contient , d'un côté , un détail afreux des Progrès que le Vice ^ l'Irréligion ont faits dans la Grande-Bre- tagne • & , de l'autre , des Aloïens effica- ces . pour en arrêter le Cours , & pour fai- re fleurir dans ce Pais la Religion 6c les bonnes Mœurs. L'Auteur y fait voir fort au long , qu'une pareille Réforme dépend abfolument du Souverain , qui , étant Maitre de toutes les Charges, peut te- nir le Crime & le Vice en bride , en les fai- PREFACE faifant confidérer comme des Obflacles invincibles à la Fortune. Ce fécond Tome finit par les Prédic- tions pour Van 1 708 , que l'Auteur publia fous le Nom ^ IJaac Bickerfiaf Ecuïer , & par deux autres petites Pièces , qui en furent les Suites. Ces Pronoflics ont été traduits dans prefque toutes les Langues de FEurope. Elles étonnèrent les Efprits foibles , & ne Jaiiférent pas d'intriguer un peu les gens fenfez. Quoiqu'il fût allez naturel de croi- re, que ces Prophéties n'avoient pour bue que de badiner avecla Crédulité deshom- ine;la manière, dont elles étoient débi- tées, avoit quelque chofe de fi particulier, quelle ne pouvoit qu'embaraffer TEfprit. Non feulement l'Auteur parloit de la manière du monde la plus grave & la plus férieufe, mais il particularifoit les Evenemens, comme s'il en donnoit l'Hif- toire, plutôt que la Prédi6lion. D'ail- leurs, rien de plus clair, de plus net , de plus éloigné de cette Obfcurir.é épaif. fe, que le fot Peuple, charmé d'aider rimpollure , interprète toujours d'une manière favorable aux Allrologues, & à tous ceux qui fe miêlent de dévoiler l'iV- venir. Ce qui furprenoit le plus , c'efl que le DU TRADUCTEUR. le prétendu Bickerfraf^ paroit fur de fou Faic^ & qu'avec un air de confiance, il n'exige du Public, que de vouloir bien fufpendre fon Jugement, pour un petit nombre de Semaines. Le premier Article de ces Prédic- tions prophétifoit la Mort d'un cer- tain Partrige , Faifeur d'Almanacs ^ prétendu A Urologue -, ce qui fut caufe d'une des plus divertillantes Farces , qui ait jamais diverti tout un Peuple , aux dépens d'un Particulier. On dit que le Pronoilic fit de fi profondes Impref^ fions furie Cerveau du pauvre Partrige^ qu'il en tomba effedlivement dans une grande Maladie. Quoiqu'il n'en mourût point , l'Au- teur ne laifTa pas de donner au Public une Lettre adreffée à un Homme de Qualité,contenant la Relation delà Mort de ce ridicule Aflrologue, avec toutes fes Circonftances. Cette Lettre courut par toute la Ville ; & un Garçon, qui crioit à pleine tcte, Relation fidèle delà Mort de M. Partrige^ fut rencontré malheureufement par le pauvre X)/;'7/;?^ lui-même, qui le roua de coups. Peu content encore de cette Ven- geance , il fut affez extravagant pour vo- mir PREFACE mir mille & mille Injures , dans Ton Alma- nac fuivant , contre le Sieur Bickerfiaf\ & pour déclarer formellement au Public , qu iîvivoit encore^ ^ qii il a'voit 'uécu le mê' me jour on Clmpopeur ai:oit jïxéfa Mort, Une Déclaration fi plaifante donna lieu à l'Auteur de poufTer la Plaifanterie plus loin. Il prit le même Air ferieux,pour faire Ton Apologie ; &iire fervitdeplu- fieurs Argumens aufll ingénieux , que co- miques , pour prouver à Parîrige , qu'il étoit réellement défuncl. L' Affaire n'en refla pas-là. Toute cette Hifloire fournit aux Auteurs ànTatkr ou Babillard^ Ouvrage de la même nature que le Spe5îatcur ^ le Sujet du monde le plus particulier, & le plus utile. Ils y font voir qu'un grand nombre de Gens ont le plus grand tort du monde de fe ranger par- mi les vivans \ & ils foutiennent, que tout Homm.e inutile à la Société, &à lui mê- me, elt réellement mort. J'ai .vu dans le Mercure de Paris une de cesPiéces fur cet Article, traduite en François. On la don- ne comme l'Echantillon d'uneTradu6lion générale de tout cet Ouvrage. S'il en faut juger par ce petit lMorceau,le Tradufteur eft très-capable d'y réiifTir, & ce feroit dommage qu'il n'exécutât pas fon Projet. DIS- ♦> ♦> ♦j* *,« ♦A ♦j* ♦> »A ♦ > *.j€ ♦ .* • ♦ .« *_,% ♦% ^ « ♦•{ «T^ T^ y^ -1^5 T^ T^^ y^ '-/o y^ y^i yTi • y^j t^:) t^ y:^> Ytf> DISSERTATION en forme de Lettre SUR L'OPERATION MECHANIQUE DE l;esprit. A Monfieur T, H, Eaiïer , dans Jon Appartement à P Académie des Beaux-EfpritSj dans /^Nou- velle Hollande. Monsieur, pSSi^L y a déjà long-tems que j'ai ^ I ^ la tête chargée d'une Non- ^o.^-^-^}^ veauté fort importante pour ^^<^i^i^i^ le Public, & de laquelle il faut que je me délivre au plus vite, fi je veux avoir foin de ma fanté. Il ne s'agit plus que de favoirdans quelle forme elle pa- "Tome IL A roitra 2 Operation Mechank^ue roitra le plus h Ton avantage. Pour pren- dre un parti là-deiTus , j'ai employétrois jours entiers à parcourir la Sale de JVeft- rnunfter ^ le Cimetière de St. Paul, Fleet" ftreet , £5? tous les autres Endroits qui fourmillent de Boutiques de Libraires^ pour voir quels Titres font le plus à la Mode; & je n'en ai point trouvé qui eut une aufli grande vogue, que Lettre à un*Jmi. Rien n'efl plus commun à préfent que de voir de longues Epitres adreflees à certaines Perfonnes, &deflinées pour certains Endroits, fans qu'on puiffe s'i- maginer la moindre raifon qui ait porté leurs Auteurs à les écrire. Telles font une Lettre à mon plus jro:he Voifin. Epitre à un Etranger , que je ne connois ni d'E've ni d''Adam. Lettre à un Homme de ^lalité réfident dans les Nuées. Ces Pièces, d'ailleurs, roulent la plupart fur des Sujets , qui naturelle- ment n'ont rien à démêler avec la Pofte. Ce font de longs Syftémes de Philofcphie , à'ohfcurs £5? mer^'cilkux 'Traitez de Poli^ tique \ àts Dijj'ertations lahorieufes fur la Critique 13 fur les Antiquiîez \ des Avis donnez au Parlement > & d'autres Ouvra- ges de cette nature. Je DE L'E S P R I T. l Je n'ai pas héfité un moment à imi- ter de il excellens Modèles^ &, puif- que je fuis perfuadé qye vous publierez cette Lettre , dès que vous l'aurez re- ,. çûë 5 quelque chofe que je puiiTe dire pour vous en détourner, j'ai une grace a vous demander , fans laquelle il ne me fera pas poffible de figurer, comme il faut, avec mes Collègues les Auteurs Epiftolaires de nos jours. Cell: , Monfieur , de vouloir bien témoigner en ma faveur, devant le Tri- bunal du Public, que cette Lettre a été griffonnée à la hate, que je n'ai com- mencé à fonger -i cette matière que hier , lorfqu'en difcourant enfemble de chofes & d'autres nous tombâmes par hazard fur ce Sujet; que je ne me por- tois pas trop bien , quand nous nous feparames ; & que, 'pour ne pas man- quer la pofle, je n'ai pas eu le loifir de bien arranger mes ^Iatériaux , & de corriger mxon Stile. Enfin, Monfieur, je vous conjure de ne pas négliger la moindre de ces fortes ^Exciifes raoclcr- nés , qui puifiie être de quelque ufa- ge , pour pallier la Négligence d'un Auteur. Je vous prie , Monfieur , que , lorf- que 4 Operation Mechanique que vous écrirez aux Virtnofi Iroquois^ vous les afieuriez de mes Refpecls , & de la promtitude avec laquelle je leur enverrai V Explication des Phénomènes que vous favez , dès qu'elle aura été réglée dans notre Collège de Gresham, Je n'ai pas reçu , les trois derniers ordinaires , un feul mot de Lettre des Savans de T^opinaynhou. En voila bien affez , Monfieur , pour ce qui regarde les Affaires , & les Formalitez requifes. Vous ne trou- verez pas mauvais, j'efpere, que j'en vienne au Sujet , en lailTant-là le Stile Epiflolaire , jufqu'à la Conclufion de ma Lettre. SECTION I. L'Hilloire de Mahomet nous rapor- te 5 qu'aïant un jour une Vifite à rendre dans le Ciel, il rejeta toutes les Voitures qu'on lui ofîroit , comme Cha- riots enflammex , Chevaux aiîcz , &c j & qu'il aima mieux y être porté par fon j^ne. Ce Choix de Mahomet , quel- que fmgulier qu'il paroifTe, a été imité par un grand nombre de Chrétiens dé- vots. DE L' Esprit. % vots, avec beaucoup de raifon, a mon avis; car, comme cet Arabe a emprunté des Chrétiens une grande moitié de fon Sylléme de Religion , il e(l jufte qu'on ufe de Répréfailles fur lui en tems èc lieux. Notre bon Peuple Anglois , fur-tout, n'y a pas manqué^ &, quoiqu'il n'y ait point de Nation dans le Mon- de 11 bien fournie de toutes fortes de Voitures pour ce Voïage *, aufïï fùres que commodes, il y a pourtant beau- coup de Gens parmi nous , qui préfèrent celle de Mahomet à toutes les au- tres. Pour moi , je dois avouer que j'ai une vénération toute particulière pour fani- mal en queflion,qui,à mon avis, reprefen- te parfaitement bien la Nature humaine dans toutes fes qualitez , aufïï bien que dans toutes fes opérations. Je ne man- que jamais de placer dans mon Recueil de Lieux Com-fVuns tout ce que je trouve dans ma Le6lure fur fon Chapitre ^ & quand j'ai occafion de m'étendre fur la . Raifon humaine , la Politique , V Eloquence , * Il efl: aparent que l'Auteur recommande ici la Méthode d'aller au Ciel , établie par l'Eglifc Anglicane. 6 Operation Mechanique £^ T Erudition , j'en trouve rAplication la plusailee, &la plus exa6le du mon- de. Cependant, je ne me fouviens pas d'avoir jimais vu dans les Anciens, ni dans les Modernes , parmi les qualitez qui compofent le Cara6lere de YAne^ au- cune mention faite du talent de porter [on Cavalier au Ciel ., fi Ton en excep- te les deux exemples que je viens de ra- porter. Par confequent, c'eft ici une Matiè- re, qui peut palier pour toute neuve , & je ne doute pas que le public ne fou- haite avec ardeur d'etre éclairci fur tout ce qui regarde ce merveilleux talent , ÔL fur la manière dont il doit être mis en œuvre. Cell-là ce que j'ai entre- pris de faire dansle Difcoursfuivant. Le fujet e(î: vaile & demande de profon- des Recherches; puifque, pour réiiffir dans le voïage dont il s'agit ici, il faut un grand nombre de proprietez très- particulières, tant dans l'Ane, que dans le Cavalier. Je ferai tous mes efforts , pour en donner le détail, avec toute la clarté qu'il me fera pofTible. La crainte d'offenfer qui que ce foit m'oblige à ne pas continuer la Tra6ta- tion de cette Matière auffi littéralement , que D E L'E SPRIT. 7 que je Tai commencée 3 & à Tenvelo- per pÎLitôc dans une Allégorie. Je m'y prendrai pourtant d'une telle manière , que le Lecteur judicieux fera toiijours en état de pafTer du fens figuré au fens propre ôc naturel, fans être obligé de donner long-tems la torture à fon ef- prit. A la place du terme à'Anc^ j'em- ploierai déformais celui de Do^îcur illii' nâné ^ & je troquerai celui de Cavalier contre celui à' auditoire fanatique , ou contre quelqu'autre Denomination de la même force. Après avoir aplani ainfî toutes les difficultez préliminaires, le grand point quirefleà éclaircir efl Ja Méthode, par laquelle lei)(jf?f//r parvient à fes Dons fpi^ rituels^ ou à fon Illumimîion , & par quelle route il les communique à fon Au- ditoire. Mon grand But a été dans tous mes Ouvrages, non de les appropriera quel- ques circonflances particulières de tems , de lieux , ou de perfonnes \ mais de les -deftiner à futilité de tous les fiécles , &de tousles hommes en général. Pour êtreperfuadé que la Differtation préfen- te fera du même genre , on n'a qu'à réfléchir fur la nature du fujet. Il efl cer- 8 Operation Mechaniq^ue certain , qu'il n'y a point de difpofition du corps , ou de qualité de Fefprit , qui aient été fi fort le centre de toutes les inclinations humaines, qu'une poin- te deFanatifme, & une teinture d'En- thoufiafme. Ce Penchant univerfel , ani- mé & cultivé par de certaines focietez d'hommes, a été capable de produire dans l'Univers les Révolutions les plus étonnantes , comme il efl connu par tous ceux qui ont une légère idée de ce qui s'efl jamais palTé de plus remar- quable , dans VJrahie , dans la Perfe , dans les Indes ^ dans la Chine ^ dans le Maroc ^ & dans le Pérou, Cette noble Inclination a eu fur-tout de grandes influences fur l'empire du Savoir , où il eft difficile d'indiquer une feule Science particulière , qui ne foitpas relevée par quelque Broderie de Fanatifme. Du nombre de ces Ornemens font la Pierre Philo fophale , le grand E- llxlr , les Mondes Planétaires , la ^ladra- îure du Cercle , le Souverain Bien , les Républiques Utopiennes^ & quelques au- tres , qui n'ont d'autres ufage dans le Monde, que d'entretenir, & d'amufer ce Penchant vers le Fanatifme , dont cha- DE UE S P R I T. 5? chaque individu humain ell fi heureu- fement animé. Mais fi cette pla/ite a trouvé un ter- roir convenable dans les Campagnes de la Politique ^ des Sciences , elle a fur-tout jette de profondes racines en T'erre Sainte , où elle a été connue fous le nom general à^ Enthoufiafme , quoi qu'elle y ait pouffé plufieurs branches d'une nature fort différente , qu'on a pourtant plufieurs fois confondues. Le terme, dans fa fignification la plus générale , peut être défini , par une Elevation de l' Ame ^ ou de [es Facultez^ au dejjus de la matière. Si l'on veut l'aphquer particulièrement à la Reli- gion , on verra , que par trois differens moïens l'âme prend l'elfor, & fe tranf^ porte au-deifus de la Sphere des chofes matérielles. Le premier fe fait par un Acle immédiat de la Divinité ; & elle eft apeliée Infpiration , ou Efprit Pro- phc tique. Le fécond provient d'un A6le immédiat du Diable ; & on le nomme Pojfejjîon. Le troifiéme a fa fource dans certaines caufes naturelles, comme force d'imagination^ ratte^ colère >^fr aïe ur^ douleur 'violente^ &c. Ces trois forces d'Enthoufiafme, trai- Tome IL B tées lo Operation Mechanique tees à fond par d'antres Auteurs, n'oc- cuperont point ici mes recherches ; mais, il y a une quatrième méthode de donner à Fame un eflbr religieux, par une operation artificielle , fondée fur les fimples règles du Mechanifme. Ce fujet a été négligé , ou du moins traité fort maigrement jufqu'ici , quoi que ce foit un Art d'une très-grande Antiquité, mais borné pendant long-tems dans un petit nombre deperfonnes. Il n'a acquis que depuis peu ces ralinemens , & cette vogue , qui le rendent à prefent 11 refpec- table , & fi digne de notre curiofité. C'eil cette Operation Alecbanique de TEfprit^ telle qu'elle ell pratiquée dans nos jours par nos Ouvriers Britanniques, qui fera le fujet de la prefente DifTer- tation. Je communiquerai à mes Lec- teurs plufieurs Remarques judicieufes, que j'ai faites fur cette matière; je dé- veloperai avec toute Texactitude, qui me lèra pofTible , tous les fecrcts de ce métier \ j en éclaircirai toutes les par- ticularitez par des exemples parallèles , & je gratifierai le public de plufieurs belles découvertes , fur ce fujet, qu'un heureux hazard m'a fait rencontrer. J'ai dit qu'il y a une certaine branche DE L' E S P R I T. 1 r à' Enîhoiifiafh^e Religieux , qui efl un fimple effet de la Nature \ au lieu que celle dont je vais parler provient uni- quement de Xylrt , qui ne laiffe pas de travailler avec plus de fucccs fur cer- tains temper am ens , que fur d'autres. Il efl vrai qu'il y a plufieurs operations , qui, purement ^r///zaV//é'j dans leur origi- ne , deviennent naturelles par une longue habitude. Hypocrate raporte , par exem- ple,que, parmi nos Ancêtres X^'^Scythes ^ il y avoit un Peuple apellé Tètes-longues, 11 commença à mériter cette dénomi^ nation^ par la coutume, qu'avoient les fages-femmes &' \^i> nourrices, de chan- ger la forme naturelle des tètes des En- fans nouveau-neX , en les preiTant par certains bandages , par lefquels les ef- prits-animaux, détournez de leur Cours ordinaire , étoieni forcez à fe poufler en haut , où ils ne trouvoient aucuns reiiftance , & de donner à ces tètes h figure dimipam de f acre. ■ La Nature aïant été obligée par force de prendre cette route pendant quel- ques generations , la fat trouver enfin d'elle-même , fans avoir befoin du fe- cours de l'Art, Voilà l'origine des Scy- B i thés Il Operation Mechanique ihcs à ^ête-Jongue^ ôc c'elt ainfi qu'une coutume peut, d'une /?^o^;^^ fuiture^ de- venir la nature même. Il elt arrivé quelque chofe de fort femblable parmi les Anglois modernes, veritable pollerité de cette nation re- nomm.ée & polie, dont je viens de par- ler. Du tems de nos Peres, une efpece d'hommes fe fit diftinguer dans cette Ile fous le nom de Tétes-rondcs , dont à préfent la race efl répandue dans tous les trois Roïaumesj. Elle fut produite au commencement par une pure opéra- tion de l'Art : une certaine manière de leur f Ceux 5 qui ont lu avec quelque attention l'Hiftoirc /ingloife , ou du moins l'Ouvrage de M. Rapin fur les Whigs & les Torys , enten- dront facilement ce Paifage. Pour les autres , je leur dirai en peu ce mots, que, pendant les Troubles , qui arrivèrent en Angleterre, fous le règne du malheureux Charles I. , ceux qui fuivoient le PartiduPvoi furent appeliez Ca-valiers , au lieu que les Partifans du prétendu Parlement furent appeliez Têtes rondes. Ce nom leur vint fans doute de ce qu'étant Presbytériens pour la plu- part , oC ennemis du luxe , ils fe coeffoient fort uniment, & fe faifoient couper les cheveux près de l'oreille ; ce qui fait paroitre une tète dans toute fa rondeur. Les Torys d'à-préfent font ve- ijus des Cavaliers , comme les Whigs y dçs Têtej itndes» DE L'E S P R I T. IJ leur preffer le viilige,un coup de cifeau dans les cheveux, ëc un bonnet noir, en faifoienc l'alhiii-e. Ces têtes ipheri- ques s'attiroient dans toutes les AOem- blées une atteniion particulière de la part du beau-Sexe, ils le finifîent, & recommencent, à cer- taines périodes, à mefure que hmayce de r£/^r/V eft haute , oubafle, dans le cer- veau du Dofteiir. Cette pratique n'eft pas 'il finguliere & fi dellituée de fens com.mun , qu'on n'en puiiïe trouver des exemples chez d'autres Nations. Les Tanguis.^ ou Saints illuminez des Indes ^ fe mettent en état d'avoir des vifions, en tournant & en comprimant leurs yeux de la mcm.e manière *. D'ail- leurs, l'art àtï^ procurer des Qxtafes ar^ tificieîles^ tnÇo. dandinant fur une poutre fufpenduc, ou fur une corde, eil encor foit en vogue parmi \ts Femmes Scyîbe.^ j: * Bernier , Mémoires du IMa^ol, t Cagniîit Hifl; Scirm, î8 Operation Mechaniciue 6c il eft très-poffible que les fecoujfes méthodiques^ que nos Saints fe donnent dans la même intention, foient dérivées de cette Nation jufqu'à Nous leur Pofterité. Les Irlandois naturels ont encor ra- finé là-deflus; auflî eft-ce un fait con- llant, que cet illuftre Peuple a moins dégénéré que tout les autres de la Pure- té des anciens 'Tartares ^. On y voit fouvent une troupe d'Hommes & de Femmes arracher leur ame de la ?naîie- re , étourdir tous leurs fens , devenir vi- /ionaires, ^ fpirituels, par l'influence d'une pipe de Tabac, qui fait le tour de la Compagnie. Chacun garde la fumée dans la bouche , jufqu'à ce que fon tour revienne, & qu'il enpuilTe prendre de fraîche. En même tems , on entend un concert de bourdonnement interrompu & renouvelle de tems en tems, par un pur inftinél, & Ton voit continuelle- ment leur corps, tantôt fe baiiTer , & tantôt fe lever aflez haut , pour que la tête & les pieds foient parallèles à l'Ho- rifon. Vous voïez leurs paupières tour- nées * Tartares 5c Scythes j c'efl: la même Na- tion. D E L'E SPRIT. ip nées en haut, avec la même contrainte qu'on remarque aux yeux d'un hom- me, qui fait tous fes efforts pour ne pas fuccomber au fommeil. Par tous ces Symtomes, il paroit évidemment, que la Faculté de raifonner ell alors en- tièrement fuipenduë dans leurs âmes, & que rimagination s'étant rendu Maî- treiie du cerveau y répand par- tout une foule de chimères. Je laiffe-là cette Digreffion, pour dé- crire les degrés, parlefquels XEfpvit ap- proche, peu à peu, vers la region fupe- rieure des cerveaux aiïemblez dans un même lieu. Dès que vos yeux font dans la difpolition requife , vous ne voïez rien d'abord j mais, après un court intervalle, une petite lumière tremblante commen- ce à paroitre, oc femble dancer dans l'air devant vous. Enfuite , à force de hauffer & de bailler votre corps, les vapeurs commencent à monter vers le cerveau avec rapidité, à un tel point que vous vous Tentez appelanti 5 & étourdi, com- me un hamme quia trop bu à jeun. Le Do6leur commence Ton operation en mê- me tems , & il débute par un bourdonne- ment d'un beau-creux^ qui vous perce l'ame de part en part. L'Auditoire le lui B 6 rend 20 Ofe?vATion Mechaniq^ue rend aniTi-tot, poufle à Fimker par un motiPdont iln'eitpas]eMaitre,& qui le force à agir , fans fa voir ce qu'il fait. Les intervalles de ce bourdonnement réci- proque font remplis par le Do6teur, afin que par une trop longue paufe \ Efprit ne vienne pas à languir , & à fe dif- fiper. Voilà tout ce qui m'eft permis de découvrir du progrès de l'efprit, autant que ce myflere efl relatif h l'opération de l'auditoire; mais, je ferai plus éten- du, & j'entrerai dans un plus grand dé- tail, à l'égard du rôle que joue le Doc- teur dans cette affaire. SECTION IL SI vous voulez lire avec attention \ts Livres de ces hommes véritable- rnent éloquens appeliez Voyageurs moder- nes , vous y verrez cette Obfervation remarquable, que la difference ^ïitn- tielle de notre Religion, & de celle des Indiens, confifte en ce que nous adorons 7 ara- 22 Operation MECHANiauE arache des Prières aux Idolâtres , & à nous des Imprécations. Mais , ce que j'aprouve extrêmement dans les Indiens^ c'efl leur exa6litude à renfermer chacu- ne de leurs Divinitez dans les bornes de leurs différentes jurifdiclions ^ à ne jamais confondre l'amour, qu'ils doivent à l'une, avec les fraïeurs, que l'autre leur infpire; & à ne jamais mêler la Liturgie, qui concerne leur Dieu blanc ^ avec celle , qui regarde leur Dieu noir. Nous fommes bien éloignez d'une con- duite fi prudente , nous, qui, graces à nos lumières acquifes , étendant les do- maines dîme de ces puiflances invifibles, & reflerrant celles de lautre, avons, par une ignorance impardonnable, confondu groiTierement les frontières du bien Se du nîal. Nous avons élevé le Trône de notre Dieu , jufqu'au Ciel Empyrée : nous avons orné cet Etre de tous les attributs, & de toutes les perfedlions, que nous confiderons comme les plus eflimables. En même tems', nous avons rabaifle le Principe du ;;;^z/ jufqu'au centre de l'uni- vers : nous l'avons accablé de charnes , chargé de malediêlions ; & , après l'avoir fourni de toutes les abominables quali- tez. D E L'E s P R I T. 23 tez d'un Scélérat de dillinclion, nous lui avons donné une queue ^ des cornes , des griffes , ^ des yeux horribles. Ce- pendant, ce qu'il va de rifible aufuprê- me degré , nous dilputons fort férieufe- ment tous les jours , pour favoir fi certains cheynins , & certaines routes , font du Territoire de Dieu , ou du Diable ; fi telles ou telles influences viennent dans notre ame d'en haut^ ou cTen bas ^ fi certaines paiTions , & certaines difpo- fitions du cœur , font guidées par le bon Principe , ou par le mauvais ? Dum fas at que nef as exiguo fine libidinum Difcernunt avidi Cefl ainli que ces beaux raifonneurs confondent Chrill avec Belial, de brouil- lent enfemble Iqs pieds fendus & les lan- gues fendues. Du nombre de ces points dilputezeil le fujet que j'ai à-préfent entre les mains : depuis plus de cent ans on s'efl ba- tu à forces égales fur les gejies emportez^ & far le jargon, de nos Orateurs Enthou- fajîes , fans qu'il foit décidé jufqu'ici û c'eii poffeffîon , ou infpiration ; &L les armées de Syllogifmes^ qu'on a mifes en Cam- 24 Operation Mec^haniclue Campagne, pour vuider cette querelle 5 fe font en vaindifputé la viéloire. On veut abfclument, que ce foit l'un ou l'autre, quoique dans la Vie humai- ne, tout comme dans une Tragédie, ce foit un grand défaut de juflefle d'efprit, & d'imagination d'emploier le fecours de quelque être furnaturel, fans une ne- cefiîté abfoluè. Notre vanité mène pourtant-là tout droit. Il n'y a point d'individu humain fi vil & li meprifa- ble , qui ne s'imagine que tout funi- vers s'interefle dans le moindre acci- dent , qui lui arrive. S'il a le bonheur de fauter un ruiffeau , fans fe crotter les bas, il ne faut pas douter, qu'un Ange ne foit défcendu du Ciel exprès , pour avoir foin de la propreté de fes habits. S'il fe coigne la tcte contre un poteau , il efl certain que TEnfer a lâché quel- que petit Diable poliiTon , pour lui fai- re piece. En vérité, il ne fe peut rien deplusfot, qu'une pareille imagination. Coniment peut- on fe mettre dans l'ef- prit avec un feul grain de bon fens, que quand un chetif Aîortel fe démène , crie , rêve , au milieu d'une miUltitu- de, le Ciel, ou l'Enfer, doivent fe don- ner la peine de fe mêler de fes extrava- gan- DE L'E S P R I T. 2jf gances ? Pour moi, je ne donnerai ja- mais dans une abfurdké ii rifible ; ôi je ne négligerai rien, pour déraciner cet- te impertinence de Fefpritdes hommes, en faifant voir clairement: , que tout le Miflere de communiquer à un Audi- toire les Dof^s fpiritidels n'eil rien qu'un Métier, qu'on apprend, & qu'on exerce, commiC tous les autres. On n'en doutera pas un moment, quand j'aurai arrangé par ordre toute la fuite de cette Operation, felon lesivlethodes différen- tes qu'on y employe. Ici étoit expofé tout le Plan du Mechanifme fpirituel , avec toute la parade nécef- faire d'une grande leclure & d'une force fuperieure de raifonnement ; mais , des rai- fons très - fortes l'ont em- pêché de voir le jour Je ne ferai pas mxal, je crois, de di- re ici quelque chofe de la loiiable Cou- tume de nos Saints du premier ordre , de i6 Operation Mechanïque de porter des Calottes matelaffées *. Ce n'ell pas -là uniquement une mode, comme des gens fuperficiels pourroient le p enfer : c'ell une invention d'une grande utilité ; & celui qui en ell l'Au- teur mérite de grands éloges , par fa fagacité & par fon induflrie. Ces Ca- lottes, duement humeélées par la Sueur, empêchent la tranfpiration, en fermant tout palfage par en haut à la chaleur de l'efprit \ &5 par là, elles le forcent à ne s'é- vaporer que par la bouche: tout de mê- me qu'on couvre le deifus d'un four- neau d'un torchon mouillé , pour faire fortir toute la chaleur par en bas. On verra encore plus évidemment les grands ufages , qu'on tire de ces ibrtes de Couvre-chefs ^ fi l'on veut 'bien examiner avec attention certain Syflême formé par quelques virtuoft du premier ca- * Les Presbytériens , & d'autres Seftes enco- re plus bigottes , ont en horreur tout ce qui fert d'ornement au corps , "Et de péché mo)-iel traitent chaque peyrupte. Cependant , pour défendre une tête chenue contre les injures de l'air, il faut quelque Cou- vre-chef y & ils en trouvent un fort bon & fort «levot dans une Calottç double. DE L'E S r R I T. 27 calibre. Ils croient, que le cerveau n'efl autre chofe, qu'une grande quantité de petits animaux, armez de dents & de griffes extrêmement aiguës , lefquels par ce moïen s'atachent les uns aux au- tres , comme s'ils ne faifoiént tous en- femble qu'un leul & même corps ^ femblables, à un elTai d'abeilles qu'on découvre fur un arbre, ou bien, à une charogne changée en vermine , qui ne laiile pas de conferver fa figure primi- tive. Toute brcenîion^ felon l'opinion decesilluftres, procède de la morfure de quelques-uns de ces Jnmaïcuks fur cer- tains nerfs capillaires , qui répandent deux de leurs petites branches dans la langue, & un troifiéme dans la main droite *. Ces animaux font d'une (Jon-» ilitution extrêmement froide : Leur nourriture efl l'air , que nous relpirons. Les flegmes font leur excrement, & ce que nous apellons d'ordinaire Rhume n'efl autre chofe, qu'un cours de ventre épidemique , auquel ce petit Peuple eft * Une des gr.mdes parties de la Rhétorique devote, c'cil lefimple mouvement delà langue, &de la main droite, dirigées l'un elle manque les organes de l'Auditeur , & elle force l'artifan lui- même à raille contorfions inefficaces , pour y fuppléer. 11 faut favoir,que5 dans le langage fpi- rituel^ un certain chanty & un certain bourdonnement ^ tiennent la place qu'oc- cupent , dans le langage humain , le bon-fens , <& la raifon \ & que , dans les harangues fanélifiantes , la difpofi- tiondes termes conforme aux règles de la grammiaire n'efl d'aucune utilité. Toute la Rhétorique y confiite dans le choix & dans l'harmonie des fyilabes ; & l'Orateur s'y doit prendre de la mê- me manière , qu'un profond Muficien , qui 5 pour faire un air fur des paroles, en change tellement l'ordre , qu'il en fait du Galimatias, avant que d'en fai- re une chanfon. Auiïi y a-t-il d'habi- les gens, qui foutiennent, que l'art de produire ce chant fpirituel n'efl jamais dans toute fa perfection, que quand il efl conduit & dirigé par l'ignorance. Ils prétendent même , que Plutarque s'eft expliqué là-delTus d'une manière enigmatique , en difant, que les meil- leurs go Operation Mec h an i que leurs inftrumens deMudque fe fontd'^s à'jîne. Le mot dont il fe fert défigne , felon fa fig.ffication propre & natu- relle, une Mâchoire^ quoique d'autres avancent, que dans ce palTage il s'a- git de Vos pubis. Je ne fuis pas affez té- méraire, pour décider d'un point de Cri- tique fi délicat , & fi épineux j & je laifTe au Leéleur pénétrant à fuivre l'opinion, qu'il trouvera la plus pro- bable. Le premier ingredient, qui doit en- trer dans la compofition de ce chant dévot , eft une grande doze de lumière intérieure. C'eft-k-dire, en ftile ordi- naire , une vafle Mémoire, richement aflortie de Phrafes Theologiques , & des Textes les plus myllerieux defEcri- ture Sainte , appliquez , & digérez , par les Opérations Mechaniques , dont j'ai déjà fait mention. Les Porteurs de cette lumière doivent reifembler par- faitement à ces lanternes faites de feuil- les de vieilles Bibles de Gene^ce , & il fort recommandées par le Chevalier Hu77îphry Echvin de Sainte mémoire , qui 5 pendant qu'il étoit Lord Maire , ne négligea rien , pour en introduire fu- fage, fous prétexte d'accomplir par-là à la DE L' Esprit. ^i la Lettre le Texte que voici : ^a Pa- role eft une lanterne à mes peds £5? une lumière à mes [entiers f. Qiiand on efl bien & duement four- ni de cette provifion, il ne s'agit plus, comme je l'ai déjà infmué, que d'aju- fier le ton de la voix à chaque parole que Ycfprit dicle , afin qu'elle frape les oreilles de l'Auditoire , par la cadence la plus fignificative. La force & l'é- nergie de cette forte d'Eloquence ne confifle pas , comme dans les Haran- gues des anciens Orateurs , dans le tour concis & laconnique d'une fenten- ce , ni dans le nombre harmonieux qu'on ménage à des périodes entières ; mais, fe conformant aux roulemens rafi- nez , & favans, de la Mufique moder- ne, elle s'atachë à répandre du pathé- tique fur des Lettres, & fur des Sylla- bes. Vous voïez fouvent une feule voyelle aracher de profonds foupirs des entrailles de tous les Auditeurs : fou- vent t II eil fort naturel de croire qu'effeclive- mcnt ce Lord Maire poulToit l'Extravagance devote , jiifqu'a fandifîer les lanternes, & qu'il alleguoit le pafTage cité ici, pour y fonder fa bifarrcrie. 32 Operation Mechanique vent la mufique touehante d'une leule liquide fait fanglotter tout un Peuple ; & même on obferve, que des fons in- articulez ne produifent pas des effets d'une moindre force. Quelquefois, un Maître Jrîifan fe mouche le nez avec fes doits , d'une manière fi efficace , qu'il perce lame de tous fes Auditeurs sortez à recevoir, avec un refpecléga- ement religieux , les excremens & \ es produ6lions de fon cerveau : éternuer , cracher^ rotter^ défauts fi marquez de l'Eloquence humaine , font les orne- mens, les figures , & les fieurs de cet- te Rhétorique fpirituelle. Cell tou- jours le même efprit, qui fe comamiUni- que par-là , à la multitude^ & il n'im- porte, par quel véhicule il y paffe. Ce feroit une affaire d'une difficulté qui aprocheroit de fimpodible , que d'entreprendre de renfermer les princ - pes de cet Art fameux, dans les bornes de quelques règles convenables. Cepen- dant, je poiirrois bien un jour favori- fer le Public de mon EJJay fur le jar gun dévot confideré Phyf.quement Philojh^hi^ quement^ t> Muficak'ment ^. Par- * Voyez 5 devant la I. Partie , le Catalogue des livres 3 eue l'Auteur promet au Public. DE L'E S P R I T. ^3 Parmi tous les fecours, que TEiprit tire de la voix, il n'y en a point, qui puiOe être comparé à TArt de faire pal" fer les fons par le nez ; Art merveil- leux, qui a eu une reception il favo- rable dans le monde , fous la déno- mination de NafiUonnemenî . L'origine de cette pieufe inflitution efl fort ténébreufe \ mais , comme j'ai été ini- tié dans ce My Here , & qu'on nra donné permiflion d'en inflruire le pu- blic 5 je vais en donner la Relation la plus exacle, qu'il me fera pofTibîe. Cet Art , comme plufieurs autres inventions célèbres , doit fa nailTan- ce , ou du moins fa perfedtlon, au hafard ; m.ais , il ne laiffe pas d'être fondé fur des raifons trcs-folides , qui l'ont fait fleurir dans toute notre \\(^^ depuis qu'ilja été connu, jufques àpré- fcnt. Tout le monde convient , que l'Epoque de fa naifiance eft la dé- cadence des Mufettes ^ qui, après a- voir foufert long-tems lous la^ perfe- cution des Frères fpiritueîs , chancelè- rent à la fin , & tombèrent entièrement avec la Monarchie 7. Avant ■j" On a déjà vu dnns le Conte du TonntMt-i que tome IL C la 34 Operation Mechanique Avant que le Saint Nafillonncment fût encore en réputation , il arriva un jour, qu'un Béat de la premiere Clafle, s'étant engagé fort avant , parmi les 'tabernacles des Méchans , fentit fon Homme extérieur ému par des agitations violentes , & fortement excité mém.e par X Homme intérieur : Symtome aiTez ordinaire aux /;///?/V^;2 modernes \ car, on prétend que \Efprit eft capable de fe jetter fur la Chair, comme des guêpes affamées fur la viande crue. D'autres s'imaginent que YEjprit , & la Chair ^ jouent enfemble , fans difcontinuer, à ^porter ï Ane \ & qu'ils font tour à tour tantôt le Cheval , & tantôt le Cava- lier "t". Ils y ajoutent , que quand la Chair la Muflqué cft la cKofe du monde , qui choque le plus les Oreilles devotes des Enthoufîafl:es. L'Auteur dit ici, que les Mufettes tombèrent en Angleterre avec la Monarchie. Il veut parler du kegne du Fanatifme , qui fut prefque defpo- tique 5 dans la Grande-Bretagne , fous Olivier Cromti'el -i après la mort àc Charles Premier , qui entraîna avec elle celle de l'Eglife Anglicane. f C efl un Jeu fort ufité parmi les jeunes Gar- çons, qui fautent les uns fur les autres, & qui de cette maî.iere font tour à tour les Clniaux , & les Céiijliers. DE L'E S P R I T. 3f Chair monte TEfprit , elle efl armée d'énormes éperons^ & que , lorfque cell fon tour de porter , elle a la bouche prodigieufement dure. Qiioi qu'il en foit , il arriva, que, par un effet naturel d'une forte Infpira- tion , le Béat fentit fon Vaijfcau s'éten- dre terriblement de tous cotez \ & le tems & le lieu fe trouvant également peu convenables , pour évaporer ^Ef- p-it fiiperflu 5 par en haut , moïennant la levure , la prier e , y la repetition , il fat forcé de lui ouvrir un paiîaged'un autre côté. En un mot , il lutta fi long-tems contre fa chair rebelle , qu'il la domta à la fin , & qu'il fortit victo- rieux du combat avec des bleffures glo- rieufes. Le Chirurgien vint bientôt à bout de guérir les parties affeftées : mais 5 le mal^ chafféde fon pofle, mon- ta dans la tête; &, femblable à un ha- bile Général 5 qui 5 battu en raze Cam- pagne , fe retii'e avec rapidité vers la Ville capitale , pour y faire tête à l'ennemi , il fe fortifia tout auprès du cerveau. Voïant qu'on faifoit des préparatifs pour l'attaquer par le nez , il abatit le pont , boucha le pafTa- ge , & fe retira dans les conduits C i les ^6 Operation Mechanique les plus reculez du cerveau même. Or, les Naturaliftes obfervent , qu'il y a dans les nez humains une efpece d^Idiofyncrane ^ par la vertu de laquel- le , plus ils font bouchez , & plus la voix fe dele6î:e à y chercher un paiTa- gej tout de même que la mufique ne paÔe par une flute , que lorfque plu- fieurs trous en font exactement fermiez. C'efl par-là que ce bourdonnement de nez reliemble parfaitement à celui d'u- ne m.ufette , & qu'il flatte aufli agréa- blement les oreilles Britanniques, que faifoit jadis le fon de cet inllrument dif. gracié. Le Béat en queftion en fut bientôt convaincu par fa propre experience; & , dans l'Opération Mechanique de TEfprit , il em.ploia avec tout le fuc- cès imaginable fheureufe faculté qu'il venoic d'aquerir. En peu de tems aucune Doctrine ne mérita les Epi- thetes de faine , & d'orthodoxe , à moins de pafTer par le nez ; bientôt chaque Artifan fe mit à copier ce bienheureux original : & ceux, qui ne pouvoient pas atteindre à ce haut degré de Nafillonnement par l'Art feul , pouffez par un noble zèle, eurent recours à DE L'E S P R I T. 97 h la Nature, & imitèrent exa6lement la Sainte Lute du premier Inventeur. Cell ainfi, qu'on peut foutenir à la Let- tre , que les Spiritualifez ont acquis l'Em- pire de la Sainteté , par le NaftUonne- 7Keut d'un animar , comme Darius acquit celui de Pcrfc^ par le HanniiTe- ment d'un autre -f. La comparaifon efl d'autant plus jufte, quelaBcte Periienne avoit couvert une Cavalle le jour avant réleétion 5 & que par -la il avoit atra- pé la Faculté de liannir à propos. Je mettrois ici des bornes à cette Dif^ fertation auiïl curieufe qu'importan- te, f Hérodote & d'autres Hiftoriens nous appre- nent, qu'après la mort des Mages , qui par four- berie avoient placé un d'entreux fur le Trône de Cyrus , fous le nom de Smerdis , Fvere de Carnbyfe^ Darius , Fils à' Hyfiafpe ^ & fix autres Seigneurs , qui avoient délivré leur Patrie de cette Tyrannie infâme , refolurent de donner la Royauté à celui des fept, dont le Cheval auroit hanni le premier. Pour abandonner de cette manière ce choix important au fort , ils dévoient s'rlTembler tous hors- de la Ville au lever du So- leil. L'Ecuier de Darius .y inftruit de cette con- vention, y mena , le foir avant Teleclion ,1e Che- val de fon Maître , & le lit aprocher d'une Ca- valle ; ce qui porta la Bétc a faire de grands HanniiTemens , des que le lendemain il fut arrive dans le même endroit. C3 38 Operation Mechanique te, fi je n'étois pas convaincu que tout ce que j'ai avancé fur ce lujet doit ctre de neceffité défendu , contre une Ob- je6licn d^s pius fortes. En fupoiantvrai tout ce que j'ai dit , on peut foutenir que Y Enthoujiaffrie artificiel ne fauroit réiiiïïr , fans quelques Difpofitions na- turelles dans la Conftitution de certains individus , qui ne fe trouvent pas dans le temperamment de certains au- tres. Cette Obje61ion ne paroit pas entiè- rement deftituée de folidité. Obfervez le geile , l'aclion , le mouvement ,. &. la contenance, de quelques Artizansdu premier ordre , même dans \ts circon- ftances ordinaires de la vie, vous \c^ prendrez pour une race différente du relie des créatures humaines. Je dis plus : jettez les yeux fur les prétendans les plus communs de la Ltmiere inîe- rieiire \ voïez comme ils font fombres, ténébreux , & fales en dehors. Ils font comme ces Lanternes , qui, plus elles font ilîumjnées en dedans , plus elles répandent de la fumée, & plus le dehors en ed couvert de fuie, & d'autres ma- tières fuligineufes. Prêtez l'oreille à leurs difcours les plus ordinaires , & exa- DE L'E S P R I T. 39 examinez la manière, dont ils \qs pro- noncent , vous croirez entendre un an- cien Oracle, 6»: vous en deviendrez tout aufli favant. Par ces raifons, & par d'autres fem- blables , on prétend prouver d'une manière invincible , qu'une fource na- turelle de YEfprit doit précéder Y ^rt , & occuper déjà la tête des Saints , avant qu'ils commencent l'opération. Il y en a même qui foutiennent , que ce fond naturel n'efl autre chofe , que la chaleur du zèle, qui fait fortir i'Efprit de la lie de l'ignorance , comme de certaines lies on fait tirer d'autres Eiprits , par la chaleur du feu. Pour placer ce fujet dans fon verita- ble jour, je déduirai ici d'une manière concife toute THiftoire du Fanatifine des tems les plus anciens, jufques àfâge préfent. Si nous y trouvons quelque point fondamental , fur lequel tous \^^ ProfelTeurs de cet Art merveilleux s'a- cordent unanimement, jepenfe que nous pouvons nous en faifir fans fcrupule, & le prendre hardiment, pour la femen- ce, ou pour le principe, de YEfprit. Cell parmi les Egyptiens , que les I îlf- toires anciennes nous decou\Tent les C 4 pré- 40 Operation Mechaniq^ue premieres traces da Fanatifme. lis ont inflicué ces fetes connues dans la Grèce fous les noms cCOrgyes^ Panegyres^ y Dicr^yjîcs. Si elles ont été introduites par Orphée^ ou par Melampis^ c'eft ce que nous n'examinerons pas pour le prt- fent, & que probablement nous n'exa- minerons pas non plus dans la fuite. Elles étoient célébrées à l'honneur d'O- fyris ^ que les Grecs appelloient Dlony- fins ^ C^ qui eil le même que Bacchus, £Q fameux Conquérant des I;:^^es. De-la quelques Lefteurs fuperficiels ont con- clu mal-k-propos , qu'il ne s'agiffoit dans ces ceremonies, que des extrava- gances d'une troupe de briiïants yvro- gnes. Mais , c'efl-là une erreur grofïïe- re jettée à la tête des hommes , par quel- ques Auteurs modernes, qui, croianc que l'Antiquité doit être faifie par la queue , lifent à la manière des Juifs , en commençant par la fin. Ces gens , d'un entendement trop lit- téral , prétendent conquérir tout un Livre, en battant lellradedans Vlridex-^ tout comme fi un Voyageur vouloit nous donner la defcription d'un Palais dontiln'auroit vu. qnt Its privez. Qu'ils fâchent, ces ignorans-lîi, que lors de fin- DE L'E S P R I T. 41 l'inflitution de ces Mylleres , Tufage qu'on pouvoir tirer du fruit de la vigne n'étoit pas encore connu dans l'Egyp- te , &. que les gens du Pais ne bu- voient que de la groire bierre, qui a fervi de boiflbn aux hommes long-tems avant le vin. Cette liqueur, non feule- ment doit fon origine aux Egyptiens , mais à Ojyris ou Bacchus lui-niéme , qui, dans fa fameuie expédition, en avoitla recepte dans fa poche , & la communi- quoit genereufement aux Nations , à mefure qu'il les foumettoit à fon pou- voir. D'ailleurs, Bacchus ne doit pas avoir été fort fouvent y vre , parce qu'il étoic l'inventeur de la Mitre , qu'il portoic to(!jours aulfi bien que tous fes compa- gnons 5 pour prévenir par-là hes va- peu.s, c\ les maux de tête, quifuivent d "oxdmaire l'ufage excellif des liqueurs fortes. C'eli: pjur cette raifon , feloa quelques Auteurs, que la grande PcaU larde ^ quand elle enyvre les Rois de la Terre de fa Coiioe d Ahminaîlon , ne fe foule pas elle-même, quoiqu'elle ne refufe jamais de vuider le verre à fon tour. LTlle fe foutient, ô: elle demeure C f ferme 42 Operation MECHANiauE ferine fur fes pieds , par la vertu de Ton triple Diadème. Quoiqu'il en foit, ces fetes appellees Bacchanales ont été inftituées en mé- moire de cette fameufe expedition de Bacchus , & toutes \qs Ceremonies de ces fetes en étoient autant de Symbo- les, & d'Images. 11 ell; clair par con- fequent, que les Rites fanatiques de ces Bacchanales , au lieu d'etre mis fur le compte de la vigne, doivent ctre at- tribuez h une fource plus profonde, & plus difficile à déterrer. Pour y réiiiTir, il ell bon de prendre garde à quelques circon (lances de ces fameux Mylleres , il faut remarquer d'abord, que, dans ces Proccjjïons céré- 7tionielles ^ il y avoit un mélange confus des deux Sexes , qui aife6loient de cou- rir enfemble par les montagnes , & par les deferts. Ils étoient couronnez de Guirlandes faites de Lierre & de Pam- pre , emblèmes de Tunion & de l'atache- ment, & quelquefois aulli de branches defapin, proche parent du Therebinthe û reconnu par fa chaleur. Ils imitoienc les Satyres, ils avoient des Boucs à leur fuite, "& ils montoient des Anes, qui font tous des drôles renommez pour leurs DE L'E S P R I T. 43 leurs Lalens en madère de galanterie. Au lieu de drapeaux, ils portoienc cer- taines machines très-curieufes, drefiees au haut de queiques perches, 6l très» femblables aux Armes du Dieu des Jar- dins, avec leurs dépendances. Cetoient autant d'ombres , ou de figures, de tout le Myftere amoureux , ou bien autant de trophées érigés par le beau Sexe en mémoire de fes triomphes. Une autre circonflance plus remarquable encore, c'ell que dans une certaine Ville de \Atîl^iic^ toute la Cérémonie fedépouil- Joit de tout ce qu'elle avoit d'embléma- tique , & de figuré. On \qs celebroit in pur is naturaJibus-^ & les Pèlerins ne s'arrangeoient pas en différentes bandes , mais en diilerens couples. On peut tirer la même concîufion de la Mort ^Orphée , un d^s Fonda- teurs de ces Rites , qui fut déchiré par les Femmes , parce qu'il refufoit de leur communiquer fes Orgycs^ow^ comme di- fent les autres , parce qu'il s'étoit privé des témoins àQ.s plaifirs qu'il avoit goûtez avec fa Femme, pouiî'é à cette inhu- manité par la douleur de l'avoir perdue. Sans m'arréter plus long-tems aux Fa- natiques du Paganifme , je remarque- C 6 rai N 44 Operation Meciianique rai, que les premiers Euthoufiafles de dirtinélion, qu'on a trouvez parmi les Chrétiens , ont été ces Se6ies nom- breufes diurétiques , qui ont paru dans les cinq premiers Siècles, depuis Simon le Alagicien , jufqu'à Entiches. J'ai raiîèmblé leurs Syllêmes differens par le travail d'une le6lure infinie; &, en les comparant avec ceux qui ont fuivi leurs traces dans les tems plus mo- dernes, je trouve que les irregularitez & les extravagances même de l'Efprit humain ont leurs bornes , & que s'é- îoignant les, uns des autres dans la plu- part de leurs reveries, ils nelaifientpas de fe rencontrer dans un point capital , favoir la Comm.unauté des Femmes. Plufieurs de leurs idées fe font toujours abouties-là ; & il y a dans tous leurs Syflêmes quelques articles , *qui ten- dent à établir cette agréable confu- fion. Les derniers Fanatiques de marque furent ceux, qui fe levèrent tn Allema- gne qouïw.q à^s Champignons, peu de tems après la Réformation de Luther. Tels furent y^.^;; deLeyden^ David Geor- ge ^ Adam Ncufer ^ & plufieurs autres, dont les Vilions & les Revelations fe ter- D E L'E SPRIT. 4f terminoient toutes à la liberté de me- ner chacun avec foi une demi-douzaine de Fem?neS'Sœurs , & à faire de cette pratique une partie effentielle de leur Syileme. La vie humaine efl une navigation perpétuelle : & , fi nous voulons que nos Vaijjeaux paffent en fureté, au tra- vers des vagues & des tempêtes de ce monde orageux , il faut de neceflité faire une bonne provifion de ce qu'on appelle, en langage dévot, la Chair \ comme les Mariniers , qui ont à faire un Voyage de long cours , fe fournif. fent d'une ample quantité de Bœuf falé. Je laifle-là les Mahometans , & d'auv très, qui pourroient donner une nouvel- le force à mon Argument , & je pafle encore fous filence plufieurs fubidivi- fions de Se6les parmi nous , comme la Famille de T Amour ^ les dou:< Chantres d'Ifrad , & d'autres t- il n^^ f^ffit du court Examen que je viens de faire des principales Secles de Fanatiques an- ciennes, & modernes 5 pour conclure , du t Ce font de petites Seâ:cs fubdivifées de Fa- natiques dans la Grande-Bretagne. c? 4<^ Operation Mechaniqe du point de do6Lrine fondamental , dans lequel ils fe font tous acordez unani- mement , que le principe ou la fe- mence des vifions , touchant les matiè- res invifibles , a toujours été d'une na- ture corporelle : auiïï les plus pro- fonds Chymiites nous afTeurent , que les Efpits les plus forts peuvent être tirez de la chair humaine. D'ailleurs , la moelle fpinale n'étant autre chofe , que la continuation du cerveau , doit de necefïïté faire une communication fort hbre entre les facultez fuperieu- res & inférieures de l'homme ; & par-là l'éguilîon dans la Chair peut de- venir un éperon pour animer ^Ef- prit. Ajoutons à toutes ces veritez incon- teftables , que tous les Médecins con- viennent 5 que rien n affe6le d'avanta- ge le cerveau, que les Eiprits amoureux détournez de leur Cours ordinaire, & renvoïez vers la tête \ & qu'ils y cau- fent fou vent la Frénéfie , & la Fu- reur. Un illuftre Membre de la Faculté m'affeuraun jour, que, quand l^s^ua- kres commencèrent à paroitre dans no- tre lie, il lui vint des Patiens Féminins en DE L'E S P R I T. 47 en foule , toutes très-propres à ocuper les petites Maifons de Cyîhere. Il n'y a rien-là d'étonnant: en general, il n'y a point de perfonnes d'une complexion plus araoureufe , que les Dévots vi- fionnaires de l'un & de l'autre Sexe. Le Zélé emprunte fa chaleur bien fouvent de la même caufe , que l'A- mour; &, de la TendrelTe fraternelle , à la Galanterie , il n'y a que la main. 11 eil certain même, que rien ne reilemble mieux à la conduite des Spiriîualifés , que le procédé des Amans. Le commencement de la Galanterie coniifle d'ordinaire dans une manière devote de tourner \ts yeux; le ton des amants eft un efpecede chant plantif entrecoupé , par intervalles bien compaiTez , de foupirs & de gemiffe- mens. LeurStile eil un Galimatias élo- quent, un tas de paroles confufes, & très'fujettes à la repetition. Ce font- là certainement les manières les plus propres à gagner les cœurs des Fem- mes ; & tout le monde conviendra , je croi , que les Béats les favent em- ploier avec plus de dextérité, que les Galans les plus ftilez à conter fleurettes au beau Sexe. Si 48 Operation Mechaniq^ue Si, après tant de demonflrations d'u- ne force invincible , quelqu'un efl en- core alTez flupide, pour douter de ma Thefe, je lui dirai, que je fuis informé moi-même par quelques Ffrres Sanguins de la premiere Sainteté, qu'il leureit ar- rivé fréquemment , dans le plus haut degré de leur orgafme fpirituel , de , & de fentir aufli-tôt que l'ef. prit s'affoibliflbit avec les nerfs \ ce qui les forçoit à fe hâter de conclure leurs difcours. Cette experience efl encore confir- mée par le penchant merveilleux , & furprenant, que tout le beau Sexe en général a pour les Prédicateurs fanati- ques 5 quelque defagréables qu'ils puifTent être , dans leur figure , & dans leurs airs. On fuppofe d'ordinaire, que cette efpece de tendrefle n'eft fon- dée , que fur des vues purement fpirituel- les, fans aucun mélange de la Chair: mais 5 mille petits accidcns font capables de prouver le contraire > & je fuis per- fuadé quant à moi, que les Femmes ju- gent des talens des Hommes par certain nés marques caraélerifliques , dont nous n'avons pas la moindre idée nous mêmes 3 nous autres mâles. Sans D E L'E SPRIT. 4^ Sans aller à la recherche des caufes de ceire habileté dans le beau Sexe , je conclurai de toutes mes preuves pré- cédentes, que les Litrigues fpirituelles finiflenn généralement comme toutes les autres -, & que la TendreiTe devote , quoi qu elle pouffa quelque branches vers le Ciel , ne lailTe pas d'avoir fa ra- cine dans la terre. Une contemplation trop forte n'efl pas Taffaire de la chair & du fang : elle a beau s'atacher à Tel- prit; en peu de tems , elle eil obligée de lâcher prife , & de tomber dans la matière. Ceux qui s'aiment , fous pré- texte d'un Commerce ipirituel qui n'a que le Ciel en vue , ne font qu'une Se6le de Platoniques , qui croient voir le Firmament & les Etoiles dans les yeux des Belles , uns fonger feulement à des Vues plus baffes. Mais , le même puits s'ouvre fous \2i fublimité cf Efprit des uns & des autres : ils reprefentent parfaite- ment bien ce Philofophe , qui , pen- dant que fes yeux & fon efprit étoient fixez fur des Conftellations , futentrainé dans une folle par la pefanteur de ce (^u'iî a voit de materiel. Je m'étendrois d'avantage fur cette par- ^0 Operation MECHANiauE partie de mon Sujet; mais, la Polie va partir , & je fuis contraint de mettre des bornes à ma Lettre. Je fuis , &c. Je 'VOUS prie de brûler cette Lette dès ^ue vous T aurez lue. RE- RECIT VERITABLE, ET EXACT, d'u n e BATAILLE ENTRE LES LIVRES ANCIENS ET MODERNES, Donnée Vendredi passe' DANS LA BIBLIOTHEQUE D E St. JAMES. AVERTISSEMENT D U LIBRAIRE. LE Difcours fiiivant ell inconteila- blemeni du même Auteur , que les Ouvrages qui précèdent : 6: il a vu le jour pour ia premiere fois à peu près dans le même tems que les autres j je veux dire l'an i(îp75 lorque la fameu- fè Difpute fur les Anciens, & fur lea Modernes , étoit dans fon plus haut point de chaleur. Cette Contro verfe tira fon O - rigine d'un ElTay du Chevalier Guillaume 5^e77ipk fur ce fuje t. M. ÎVotton y répondit » & le fameux "^iT/. Bentley ajouta à cet- te Réponfe un Appendix, dans lequel il s'efforce de décrediter JEfope & Fha- lavis , que le Chevalier avoit extrê- mement louez dans fon Elîay. Cet jîppendix fe jette avec fureur fur une nouvelle Edition de Phalaris, publiée par Monfieur Charles Boyle , à préfent Comte d'Orery , qui réfuta le Do6teur ver- tement, mais avec beaucoup d'Efprit & d'Erudition. M. Bentley rifpofta par un grand Volume , où le Chevalier ne fut A'vcrtijfemcnt du Libraire. f 3 fut pas épargné , non plus qu'il J'avoit été par la DilTertation du Sieur Wot- ton. Tout le monde favant & poli fut offenfé de voir un homme du Caraéle- re du Chevalier Temple traité avec tant de rudefle, de ces deux Champions des iModernes , ilms jamiais avoir reçu la moindre ofTenfe de cet homme illuilre> (Se l'on fouhaita ardemm.ent, que quel- que bonne plume les fit repentir de leur groiïiereté. Notre Auteur l'entreprit, & l'exécuta avec tout le fuccès imagina- ble. Il nous dit que les Livres de la Bi- bliothèque de St. Jayi'îes , fe confide- rant comme parties extrêmement inte- relTées dans cette Difpute, entreprirent eux-mêmes de la décider par le fort &t% armes, & qu'ils en vinrent à une Ba- taille décifive. Il en décrit plufieurs Particiilaritez \ mais , malheureufement, le Manufcrit , n'importe par quel acci- dent, eft tellement gâté, qu'il y a plu- fieurs Lacunes confiderables, & que le Lecteur curieux ne fauroit aprendre pour quel parti la Vicloire s'étoit dé- clarée. Je 5*4 An)ertïjfement du Libraire. Je fuis obligé en confcience d'avertir ici le Public , que tout ce qui fe dit ici doit être apliqué, dans le fens le plus literal, au Caractère des Livres, dont il s'agit , & non pas à celui de leurs Auteurs. Qiiand , par exemple , il efl par- lé de Virgile , il ne faut pas entendre par-là le fameux Poète, qui a porté ce Nom • mais, uniquement, certaines feuil- les de Papier reliées, qui contiennent fes Ouvrages. Le But de l'Auteur n'efl que de perfonalifer les Livres , & de les faire agir d'une manière conforme au tour d'Efprit qu'on y trouve. PRE- PRE FACE D E L' A U T E U R. LA Satyre efi une efpece de Miroir^ oh ton 'voit les vifages de tout le monde , fans y découvrir [es propres traits ; c' eft 'là la raifon principale de la reception fa'vorable , quelle rencontre , dans le monde , £5? du peu de chagrin , quelle y donne à ceux-là même , qui en font les objets. Si ce que je donne ici au public na pas le même heureux Jort , contre la règle générale , je ni en mettrai fort peu en peine. J'ai appris par une longue ex- perience^ quil 7iy a pas de grands incon- 'veniens à craindre , de la part de cer- tains génies , tels que ceux que jataque ici, La colcre £5? la fureur y quoi quelles ajoutent de nouvelles forces au corps ^ ne font quaffoiblir VEjprit i^ rendre tous fes efforts vains ^ ^ inutiles. Il y a tel cerveau., qui ne faiiroit^ pour ainfi dire., être écrémé, qu' une feule fois \ [on propriétaire fait bien d'afjembler cette hcureuj'e crème avec foin^ {^ de r em- ploi er avec œconomie , 772ais , quil ne fe ha- f6 Préface de TAuteur. bazarde pas à Té.^pofcr aux coups de fouet de plus habiles gens que lui^ s il ne 'veut pas quelle tourne toute en impertinences , fans quil ait le 7^ oindre moïen d'y fupléer de nouveau. JOefprit , fans ï érudition , «V/ effccîi" cernent quune efpece de crème , quune feule nuit peut faire furyiagcr fur la fu- perficie du cerveau \ inais , fouettée par une main habile , elle fe met bientôt en- tièrement en vent £5? en écume , fous la- quelle^ ilnya que du petit lait ^ qui n eft bon quà être jette aux cochons. RE- 1/^/^ . Zr./!7U^. ^67 : -• ^ ^^ -»^ «; s»; ;Sr, «; ,•%, . ,«-, .-», ^ ,■*, *, ^ ;», ,*, TlV^ ♦31%' % '-»' » '# %' '•* -5' "* '*■ ■*■ '? "*'*"»'''# â*^ RECIT FID ELLE ET EXACT DE LA BATAILLE DES LIVRES. [Lufieurs Livres, remplis de Philofophie & de Morale , dé- bitent gravement , que la Guerre eft ÏEnfant de rOr- gueiî , y que r Orgueil eft celui de la Ri^ chejfe. On peut en quelque forte fouf^ dire à la premiere partie de cette Pro^ foftîion fe',}tentieufe\ mais , la féconde eft certainement très - contraire à l'expé- rience. UOrgueii eft apparenté de près au Befoin , & à la Mendicité , tant du coté paternel , que du coté maternel : &, pour parler naturellement , la Guerre s'excite rarement parmi les gens, qui Tome IL D croient ^8 BATAILLE croient avoir tout ce qu'il leur faut* elle étend d'ordinaire fa courfe du Nord vers le Sud, c'efl- à-dire, de la Pauvreté vers V Abonda'fice. Les fources les plus anciennes , & les plus naturelles ,fdes querelles , & des combats , font XiiîcontineHce , & Y ava- rice , qu'on peut apeller Sœurs de Xor- gueil , & qui font fans contredit Filles du befoin. Pour parler ici le langage^ des Auteurs Politiques, on peut obfer- ver dans la République pes Chiens, qui paroit être originairement une Dé- mocratie, que tout l'Etat eft en pleine Paix après un bom^diner , &: que la Guerre Civile s'y allume dès qu'il arri- ve qu un Os fucculant , & de bonne taille , eft faifi par quelque Chien à grand Collier, S'il en fait part à quelques-uns de fes Camarades , le Gouvernement fe change twOllgarcbie^^^-^ & , s'il gar-de tout le'butin pour lui feul, il introduit le Defpotipûie ^. ou la Tyra?mie. On peut faire la même remarque fur les diffenfions qui fe lèvent parmi eux il l'ûccafion de quelque belle du quar- tier, ♦ C'eft le Gouvernement d'un fetit ?2omhye. . DES LIVRES. S9 tier , que la nature porte à la propaga- tion de l'Elpece. Dans un cas il déli- cat , il n elt pas poiuble d'établir le moindre titre depoilellion- 6: il vaut mieux ibutenir , que tous \qs chiens voifins ont fur elle des prc:cntions éga- lement bien fondées ^ ce qui excite parmi tous les rivaux tant de Ibupcons, & une fi grande jaloufie , que la Répir hiique Ciiiiine de toute cette rue elt ré- duite à un état de Guerre ouverte, où chaque citoïen a tout à craindre de tous \ts autres. Ces troubles & cet- te émeute dure, jufqu'à ce qu un mem- bre de cette Société, plus heureux, plus brave , ou plus fin , que les autres , failliTe la proie , di en faiTe Tes Ch«ux gras -, ce qui attire à ce galant favori la jalou- fie & les gycghcries de tous les amans difgraciez. Si nous jettons les yeux fur de pa- reilles Képubîiqaes engagées dans une Guerre étrangère, ofFenuve , oudéfen- five , nous y découvrirons les mém.es motifs ; la pauvreté ou le befoin réel ou imaginaire , car c eft la même cho- fe par raport aux effets , y iniiuc tou- jours , tout autant que l'orgueil , du moins du coté de ra^grefleur. 'b 1 Si 6o BATAILLE Si l'on veut bien apliquer ceSyllé- me à un Etas intelligent , ou République de Lettres , on découvrira bientôt la fource de la Guerre , qu'on pouiTe à préfent avec tant de vigueur de coté & d'autre; & l'on pourra juger fans pei- ne , quel parti a la caufe la plus julte. Il eft vrai que la vi6i:oire ne panche pas toujours du même coté que la jut- tice: IjCS Dieux font pour Céfar , mais Catcn fuit Pompée, Et il efl difficile de deviner, jufqu'à préfent , à quoi aboutiront tant de cruels combats. Chaque parti voit à fa tête des Chefs tellement animez , & les prétenfions réciproques font fi exor- bitantes , qu elles ne font pas fufcepti- bles de la moindre ouverture d'accom- modement. Le fujet de la querelle n'efl autre choie qu'un terrain de petite étendue, fitué fur une des collines du Parnafe, Celle , qui efl la plus fpacieufe, & la plus haute, a été de tems immemorial dans la poiTefiion de certaines gens nom- mez les JjKiens ; & \z plus baffe efl .pof- DES LIVRES. 6i poffedée par ceux , qui prennent le titre de Modernes» Ces derniers , mé- contens du poRe , qu'ils ocupoient , s'aviférent un jour d'envoïer des Am- bafladeurs aux anciens , pour fe plain- dre . comme d'un grief confiderable , de ce que la hauteur de la partie du Parnafie ocupée par leurs voifins , leur bornoit la vue , principalement du co- té de FEil f. Pour éviter tout fujet de querelle , ils leur propoférent cette al- ternative gracieufe ; ou de délo'ger de cette colline élevée, & de fetranfporter, avec tous leurs effets , fur le coupeau le plus bas , que les Modernes leur ce- deroient avec plaifir; ou bien, de per- mettre auxdits Modernes , de venir avec des pelles- & des bêches^ pour abaiiTerla colline la plus élevée , comme ils le trouveroient à propos. Les Anciens répondirent aux Ambaf- fadeurs , qulls ne s'étoient attendus à rien m.oins , qu'à une pareille propofi- tion de la part d'une Colonie , à qui , par pure grace , ils avoient donné la li- berté * C'efl du côté de l'Orient, que les Arts, les Sciences, & le Bel-Lfpn't, f^ font répandus dans le Monde. D j 61 BATAILLE bene de s'établir dans leur voifinage ; que rien n'étoit pîiis abfurde , que de prétendre , qu'ils déiogeaiTent d'un en- droit , qui avoit été la Patrie de leurs Ancêtres , depuis la nailTance du monde > & que fi la hauteur de leur colline bor- noit trop la vue des Modernes , c'étoit un inconvenient , où ils ne pouvoienc pas remédier j mais, que lefdits Mo- dernes dévoient confidérer , qu'ils en étoient farFifamment dédommagez par l'ombre , dont cette même hauteur les favorifoit. Qtie pour ce qui ré- gardoit l'offre , qu'ils faifoient d'abaif^ 1èr le coupeau , dont la hauteur leur étoit importune , il y avoit de la folie & de l'ignorance à le propofer , puifque toute cette colline étoit d'un roc fi dur ,; qu'ils ne feroient qu'y ufer en vain leurs outils, & leurs forces 3 que par conféquent les Modernes feroient mieux de fonger à élever leur propre terrain ; &que tout le Peuple des Û^n- de fis ne le permettroit pas feulement, mais qu'il s'offroit à y contribuer de tout fon pouvoir. Cet expédient fut rejette avec beau- coup de miépris par les Modernes, qui Gontinuoient toujours à infifter fur leur DES LIVRES. ^5 alternative , que les Anciens n'avoient garde d'accepter. Là-delTas , on en vint a une rupture ouverte, fuivie d'une Guerre cruelle oc opiniâtre, ibutenue, du coté des Anciens, par la valeur des chefs , & par le fecours de quelques braves Alliez ; Cc, du coté des Modernes, par la faperioritc du nom- bre, qui, par des recrues continuelles, reparoit en moins de rien les pertes , qu'ils foufroient dans les combats. Peu de jours le paflent, qui! n'y ait quelque rencontre 3 &. dcja- on a répandu des ruifTeaux entiers d'Encre , qui n'ont fait quaugmenter l'aigreur ce l'ani- mofité des deux partis. Je fuis obligé d'avertir ici leLecieur, que ce qui fert de flèches oc de javelots àd,ns]tsCQr^wats Jh'va/^s. Cefi: cet En- cre, qu'on fait fortir avec violence de certaines machines nomm.ées Plumes , qui font lancées fur fennemi , par les lieros des deux Arniées, avec force, o: avec adreiTe \ ce qui fait reffembler leurs Batailles aux Combats des Porc- Epc'is. Cette liqueur di^.ngereufe a été com- pofée,par ringenieur qui l'inventa, de deux Ingrédiens , de Noix de Galle & D 4 de (54 BATAILLE de Couperofe , qui , par leur amertume , ài leur venin , funt convenables au ca- ra6lere des Conibaitans , & propres à enflammer leur Bible & leur Animo- fité. ^ C'étoit une coutume , parmi les Grecs, après un combat, dont la vic- toire pouvoit en quelque forte palier pour douteufe , de drefîer des trophées , de coté, & d'autre : ceux, quiavoient réellement eu le delTous , vouloient bien faire cette dépenfe, auiïi bien que \qs vainqueurs , pour ne pas abatre le courage de leur parti. Il y avoit dans cette coutume quelque chofe de ^\ no- ble, 6: de fi prudent, qu'on Fa fait re- vivre depuis peu , & qu'on en a fait un Article important de l'Art mili- taire. Nos Savans guerriers ont trouvé bon de l'adopter , & d'y raiiner encore. Après une difpute opiniâtre & fanglan- te , chaque parti dreffe des trophées à fa prétendue vi6loire , avec de magni- fiques infcripiions contenant les preu- ves de la juilice de fa caufe , avec un récit fidelle & impartial de la Bataille , & de toutes les particularitez, qui doi- vent le faire palier pour l'ai queur. Les trc-- DES LIVRES. 6s trophées de ceux, qui ont été batus, font toujours les plus pompeux, & les plus chargez dodentation. On leur donne les titres ^ Argumens , de Difpu- tes , de Con fi derations brieves ^ dt Rc- ponjes , de Répliques , de Remarques , de Reflexions , à'Objettions , & de Rc^ fuîaîions. On les érige en Original =^ , & quelquefois auffi en Abrégé dans toutes les Places publiques f , pour les expofer à la curiofité & à l'admira- tion de tous ceux qui pafTent. De-là les principaux, & les plus grands, font tranfportez dans certains Magazins , qu'on apelle Bibliothèques , où on leur afîigne un quartier à part , dans lequel ils commencent à briller fous le Nom de Livres de Conîroverfes, Ces Livres confervent , d'une ma- nière prefque miraculeufe , le Cara6le- re & TEfprit , qui a animé les Héros eux-mêmes , pendant qu'ils étoient en vie ; foit que l'âme de ces Guerriers s'y vienne loger après leur mort , par une Metampficofe alTez naturelle , comme c'efl l'opinion la plus généralement re- çue ^ * Les Ouvrages mêmes. [ Les Titres affichez aux coins des Rues» 66 BATAILLE çûëj foit qu'il arrive dans les Biblio- thèques ce qui eft ordinaire dans les autres Cimetières^ où l'on prétend qu'un certain Eiorit , ou une certaine Ombre , rode autour du Monument , jiifqu à ce que le Cadavre foit entierem.ent réduit en pouiTiere §, Ces $ Toute cette Allégorie cil pleine de Beautez;& il cfl difficile de trouver aucune Production de î'Efprit humain , eu il y ait tant de feu , tant deforce d'imagination , '& une ironie aufli iîne. Il faut pourtant avouer, qu'elle efl extrêmement forcée , &; que l'Im.agination du Leéleur a de la peine à fe prêter à des Livres, qui font armez de Cuirafies, dejavclors, &c. , qui mentent à Che- val , qui ont des br:.s , des jambes , une tcte» La Vraifemblance cft l'/Am-e de la Fiftion. On pourroit pourtant diminuer un peu cet Inconve- nient 5 iî l'on vouloit fupofer , que toutes ces Adtions guerrières, & tout cet Equipage, efl attri- bué ici a CQS Ombre: , qui hantent les Bibliothè- ques , à ce que dit l'Auteur , comme les Om- bres des Corps humains rodent autour des Ci- m.etieres. S'il avoit voulu un peu mieux deve- loper cet Expedient , rim.ggination du Lecteur en auroit été extrêmement foulagce. C'efi: dom- mage que dans certains endroits il paroit bou- cher lui-même l'ouverture, qu'il nous donne ici, en mettant un Livre veritable à la place d'un Ca- valier, avec tout fon équipage. J'ai trouvé bon de tourner ces endroits un peu autrement, pour ne pas choquer la Critique délicate du Public François > DES LIVRES. (^7 Ces Efprits , qui hantent les Biblio- thèques, font généralement d'un naturel fort inquiet : & , fur-tout, ceux , qui ap- partiennent aux livres de controverfes , font d'une violence, & d'une fougue fi épouvantable , que les Bibliothécaires font obligez deles reléguer dans quelque coin à part \ la prudence de nos Ancê- tres efl allé même jufqu'à les lier de Chaînes de fer i-,pour empêcher leurs violences , & pour les forcer à la Paix. Voici le motif qui leur infpira cette penfée falunaire. Dès que \ts Ouvra- ges de Scot parurent dans le monde, on les plaça dans une certaine Bibliothè- que tres-famicufe , ëc on leur aiîîgna leur quartier; mais, à peine cet Auteur fut-il établi dans ce féjour , qu'il alia faire une vifite h fon Maître ■ rifioîc. Après les complim.ens ordinaires ils fi- rent une Con fpi ration contre Platon ^ qu'ils réfolurent de faifir par force, & d'aracher du pofte quil a voie ocu« pé parmi les Théologiens , depuis plus de f Les Livres , clans 1cs BiDliotReques publi- ques en Angleterre , fout atachez au ^ pl.mcjSea par de petites Ckaines, c:£n qu'en re \zs eiiv- porte pas. D d 68 BATAILLE de huit cens ans , fans avoir jamais été troublé dans cette pofiefilon. L'entreprife réiiiïît; &, depuis ce tems-là, ces Ufurpateurs ont joiii paifi- blement du fruit de leur crime ; mais, pour empccher de pareilles violences à l'avenir , on prit la refolution d'en- chaîner tous les Oi'sorages Polémiques d'une taille un peu au-delfus de la mé- diocre. Par cet expédient, la Paix auroit pu être maintenue dans les Bibliothèques, s'il ne s'étoit pas levé depuis peu une nouvelle efpece de livres de controverfe , animez de l'efprit le plus brouillon, à caufe de la difpute fufdite entre les Sa- vans touchant la colline la plus élevée du ParnafTe. Je me fouviens, que lorfque ces Ou- vrages furent admis dans les Bibliothè- ques publiques , je dis à plulieurs per- fonnes inter efîees dans cette affaire , que j'étois perfuadé , qu'ils excite- roient des troubles , de quelque coté qu'on les plaçât , à mxoins qu'on ne le prévint , avec tout le foin imaginable. Mon avis étoit qu'on enchaincàt enfem- ble les chefs de chaque parti, afin que par ce mélange leurs exhalaifons mali- gnes DES LIVRES. 69 gnes s'émouiTalTent , & fe détruififTent à la fin, fans nuire à perfonne ; comme on voit des poifons d'une différente natu- re perdre leurs forces, quand on les mêle enfemble. Je ne fus , dans cette occa- fion, ni faux Prophète , ni mauvais Confeiller; & ce n'efl que faute de cet- te précaution , que s'eft donnée Vendre- di paifé cette terrible Bataille , entre les anciens & les Modernes^ dans la Bi- bliothèque de Sa Majeilé. Ce combat eil devenu le fujet gene- ral de toutes les converfations de la Vil- le ; & comme on eil dans une impa- tience extraordinaire d'en favoir toutes les particularitez , me trouvant les qua- litez requifes à un bon Hiftorien , & n'étant aux gages d'aucun des partis , je me fuis laiiîe aller h l'importunité de quelques Amis très-confiderables , & j'ai refoiu d'en faire un Récit esaëî (^ impartial. Le Châtelain de la Bibliothèque Roïale t , un Chevalier renommé par fa grande valeur, & fur-tout par fa po- litelTe , & par fes belles manières, s'é- toit déclaré pour les Modernes , & en avoit t Le Dr. Bentley, D 7 70 BATAILLE avoit été un des plus fiers champions. Dans une Efcarmouche, qui étoit arri- vée fur le P6irna£e^]\ avoit fait vœu de terralTer de fes propres mains deux chefs du parti oppofé , qui gardoient un dé- filé au haut du roc: mais, en s'eiforçant de grimper jufque-là, ii avoit été extrê- mement traverfé par fa Pefmteur , & par fa Force centripète'^ qualité fort or- dinaire parmi ceux , qui ont embralîe le parti des Modernes. Comme ils ont la tête fort légère , ils ont une grande vivacité dans leurs ipeculations. Il n'y a rien de 11 élevé, où ils ne s'imaginent pouvoir atteindre fans peine ^ mais, quand ils veulent met- tre leurs Ipeculations en pratique , ils fentent un poids extraordinaire autour de leur talons , & de toutes les parties inférieures de leur corps. Aïant manqué de cette manière un deffein fi glorieux , le Héros difgracié de la fortune, en eut une rancune pro- digieufe contre les Anciens. Il ne né- gligea rien pour en donner des mar- ques , en plaçant dans les apartemens les plus magnifiques du Château les Ouvragesde leurs Ad verfaires , dans le tems que tout Livre, qui ofoit fe décla- rer DES LIVRES. ni rer fauteur des Anciens, étoit enterré tout vif dans quelque réduit ohfcur, & me- nacé d'être jette par les fenêtres, dès qu'il donneroit la moindre marque d'ê- tre mécontent d'un traitement il inhu- main. 11 arriva environ le même tems, que parmi tous les Livres de cette fameuie Bibliothèque il regnoit une grande con- fufion de rang, dont on donnoit plu- fieurs raifons différentes. Qj-ielques-uns l'attribuoient à une bonne quantité de foujJJere favante , qu'un tourbillon de vent avoit enlevé d'une planche rem- plie de Modernes, & jettée dans les yeux du Seigneur Châtelain. D'autres afTeuroient , qu'il fe faifoit un plaifir d'éplucher les zrrs des AuUurs Scolaftiques , & de \^% manger tout en vie à fon déjeuner ; & que , par mal- heur, quelques-uns de ces infecles s'é- toienc gîifTez dans fa ratte , dans le tems que d'autres étoient montez dans fon cerveau : ce qui ne pouvoit que eau- fer de grands troubles dans Tune &dans l'autre de ces parties. Il y en avoit enfin , qui fbutenoient , qu'à force de fe promener dans les ténèbres, par les Galeries de laBibHotheque, il en avoit 72, BATAILLE abfolument oublié la fituation ; & que , par-là, quand il s'agifToit de remettre les Livres dans leurs niches , il étoit fujet à fe méprendre , & à placer Des- Cartes à côté à^Arifiote, Ceil ainfi que le pauvre Platon fe trquvoit entre Hobbes , & entre VHiftoire des fept Sa- ges ; & que Virgile a voit , pour plus pro- ches voifins , Dryden d'un côté , & Withers de l'autre. Les affaires fe trouvant dans cette' fi- tuation, les Livres, qui s'étoient décla- rez les patrons des Modernes , choilirent un d'entr'eux pour faire le tour de la Bibliothèque , afin d'examiner le nombre & la force de ceux de leur parti. Le Député s'acquitta de fa commif- fion avec beaucoup d'adrefle , & apor- ta avec lui une liile de tous leurs Par- tifans qui étoient en état de porter les armes. Ils étoient en tout cinquante mille, la plupart Chevaux-legers , In- fanterie pefamment Armée , & Trou- pes Mercenaires. Ilefl vrai que lesFan- taflins avoient d'aiTez mauvaifes armes , & de plus mauvais habits. Les Cava- liers étoient d'une grande taille, mais fans vigueur , & fans feu , excepté quelques-uns, qui étoient devenus d'af- fez DES LIVRES 75 fèz bons Guerriers , en voïageant par- mi les xVnciens. Tout écoit alors dans une grande cri- fe. La Difcorde , qui pofe Tes pieds à terre , & qui levé fon front jufques dans les Cieux , s'étoit iaili du cœur des Héros j le fang leur bouillonnoit dans les veines, ôc leur haine commença à éclater par des inveôlives. Dans ces circonllances , unxYncien , fe trouvant tout feu! de fon parti fur une planche , qui fe courboit fous les Moder- nes, offrit avec beaucoup de moderation , de plaider la caufe de fon parti, ôc de faire voir par de bonnes preuves, qu'il méritoit le premier rang , par fa lon- gue pofTeflion, par la prudence de fa conduite , par fon antiquité , & fiir- tout , par les bienfaits , dont il avoit comblé les Modernes. Les autres niè- rent hardiment toutes ces propofitions: ils s'étonnèrent fur-tout de ce que les Anciens ofoient in filler fur leur jUntiqui^ té ^ pendant qu'il étoit de la dernière évidence , que c'étoient précifement les Modernes , qui ctoient les plus anciens. D'ailleurs ^ continuerent-ils, ^'ous az-ez grand tort de parler des obligations , que mus avons à cens de votre parti. Il eji vrai 74 BATAILLE z-rai que nous foynmes informez , que queU ques-uns , cf entre nous , ont été ajj}z laches , pour "VOUS emprunter leur fubjifiance ; ?nais les autres^ qui font le plus grand nombre fans comparai fon , Ï3 fur-tout mus autres Anglois is) François , nous foynmes fi éloignez d'imiter un exemple fi honteux , qu^à peine avon^-nous eu jainais un quart d'heure de conuerfation avec vous autres. Nos Chevaux font nourris dans nos pro- pres haras ^ nos armes fort eut de nos pro" près forges^ £5? cefi à notre propre adref- fe^ que nous devons l'étoffe ^ la façon de nos habits. Par hafard, Platon fe trouva fur la planche voifine , & voïant que ceux , qui venoient de par- ler , étoient tout en guenilles^ comme je l'ai tantôt iniinué ; que leurs Che- vaux , n'étoient que des haridelles , que leurs Armes n'étoient que de bois pourri > & que la rouille couvroit leurs cuirafles d'un bout, à l'autre ; il fe mit à rire: &, prenant cet air ironique qu'il avoit hérité de Socrate , il jura par le Génie de Ton Maître , qiiil étoit de leur fentiment. Les Modernes ne s'étoient pas con- duits, dans leurs brigues, avec alTez de fecret, pour en dérober la connoiflan- ce DES LIVRES. 7f ce à leurs ad v^erfaires. Ceux, qui avoient commencé la querelle, en voulant dif- puter le rang aux Anciens , avoient par^ lé il haut d'en venir à une Bataille , que Temple l'a^'ant entendu en avoit averti les bons Amis , qui la-delTus raf- femblerent leurs forces dilperfées, dans rintention d'agir défenfivement ; ce qui fit deferter plufieurs Modernes , & entre autres Tr/uple lui-même, pour fe ranger fous les Etendarts des Anciens. Il avoit été élevé parmi eux , & les ha- bitudes 5 qu'il avoit contradtées avec leurs chefs, avoient établi entre eux & lui un Commerce d'amitié étroite. Aufii leur rendit-il dans cette célèbre a£lion des fervices fignalez. Dans ces entrefaites, il arriva par ha- fard un Accident très-remarquable. Au haut d'une grande Fenêtre vivoit une certaine Araignée enRée jufqu'à la pre- yr.iere granc^.eur ^ par la deilru6lion d'un nombre infini de mouches , dont les dépouilles étoient répandues devant la porte de Ton Fabr's , comme les os de plufieurs corps humains déchirez ibnt étalez devant la caverne de quelque Géant. Les Avenues de fon Chateau étoient toutes fortifiées à la moderne , & ^6 BATAILLE &^renduës de difficile aproche, par un grand nombre de Piquets, £5? de PaliJJa* des. Après avoir pafle par différentes Cours, on venoit au centre de la Cita- . délie, où l'on voïoit l'Héroïne elle-mê- me dans ion apartement , dont les fenê- tres répondoient à chaque avenue, & où il y avoit force portes, parlefquelles elle pouvoit faire des forties, pour aller à la petite Guerre, ou pour repouJTer fes ennemis. Dans cette demeure, elle avoit vécu long-tems au milieu de la Paix & de TAbondance, fans avoir rien à craindre des attaques des hyrondelles, & des balais. Elle étoit encore dans cette agréable fituation , quand l'aveugle Fortune conduifit de ce côté-là le vol d'une Abeille, qui, voïant une vitre caiïee offrir une ouverture à fa curiofité , fegliffadansl'apartement, &, après l'a- voir traverfé plufleurs fois d'un bout à l'autre , fe percha par hafard fur un Ou- vrage de dehors de la Citadelle que je viens de dépeindre. Le foible édifice pliant fous ce poids fuperieur fut ébran- lé jufqu'aux fondemens. Trois fois lA- beille emploïa toutes fes forces pour fe fraier un paffage, & trois fois le Châ- teau DES LIVRES. 77 teau menaça de crouler fur fa baze. U araignée ^ qui écoit placée dans le cen- tre, Tentant ces terribles fecoufles , s'i- magina que l'Univers alloit rentrer dans le Cahos, ou que Lucifier, avec toutes fes Legions , étoit venu pour vanger le meurtre de tant de milliers de Confins^ & de Mouches^ qui, par les maux qu'ils caufent à la race humaine , peuvent fort bien paiTer pour [es Amis 13 fes Jlîlez, La' guerrière ne laifTa pas de ramafTer tout Ton courage , & de fortir vaillam- ment de Ton apartement , pour aller à la rencontre de fa deflinée; mais, l'en- nemi étoit déjà bien loin : W>beille s'é- tant enfin tirée de ce labyrinthe, s'é- toit poflée à quelque diitance de-là, ocupée à fe débaraiTer les ailes des relies du piège qu'elle avoit brifé, & dont elle avoit emporté une grande partie. U Araignée étoit fortie cepen- dant de fa niche, &, voïant le défor- dre & les ruines de fes fortifications, penfa perdre l'Efprit. Elle fe mit à re- nier avec beaucoup d'Emphaze , & fut fur le point de crever à force d'en- fler fa bedaine. Jettant à la finies yeux fur ï Abeille , & devinant la caufe par l'ef- fet. 78 BATAILLE fet , comme une perfonne d'une gran- de Sagefle; La pefte f étouffe^ dic-elie, douhle Fille de Chienne \ cefi toi aparan- ment qui a caufé ici tout ce Diable de fracas. Ne powvois-tn pas voir ou tu ai- lois ^ impertinente étourdie^ que tu es? Crois -tu que je' fi' ai rien à faire qu'à reparer tes fottifes ? "lout douceîJîent, tout dioucement ^ ma grande Amie .^ répondit Y Abeille , qui étoient déjà netoïée, & que la fatisfa6lion de s'être tirée des Pâtes de Dame Araignée rendoit fort difpofée à la Raillerie: je vous donne yna parole d'honneur , que de ma vie je ne 'mettrai plus les pieds dans votre magnifi- que Palais 3 foi cChonnéte Abeille , ma curiofîté eft pleinement fatisfaite, Mal- heureufe^ répliqua l'Araignée ,/ ce né- toit pas une ccutwrne inviolable de toute notre illuftre Maifcn de ne pas fervir en raze Campagne , pour combattre un enne- mi 5 j^irois daprcndre à être plus cir- confpccîe dans ta conduite. Fi donc , Madame , ne vous fâchez pas , repartie l'Abeille : ft la colère vous enfle de cette force-là , vous perdrez abfolument tous les ■matériaux , dont votre ventre efi le Ma- gazin ; ^ je croi:> que vous nen aurez pas trop , pour reparer votre Chateau , DES L I V R E S. 7P i^ pouy lui rendre fcn premier cchî. Com" ruent donc , Scélérate ! dit la Fille d'A- rachné. 'Tu as encore V effroyiterie de fai- re la raiileufe ? Tu fer ois bien d'avoir un feu plus de refpcEi pour une perjonne , qui feft ft fort fuperieure^deTaveu de tout le monde. En vérité ^ Madame^ dit l'xA- beille , le Parallèle entre vous (^ moi [e- roit une pièce cTefprit des plus diverîijjan- tes. Fous rn obligeriez fort ^fi vous vou- liez bien Verdr éprendre , C? rne commu- niquer les raijons , qui portent tout le monde à vous mettre fi fort au- de fi us de ynoi. A ce difcours 5 r^;v?/^;?f (? s'étant don- né , à force de s'enfler , le veritable volume d'un Difputeur ardent & impé- tueux , commença à argumenter dans le veritable efprit de la controverfe , bien réfolue de poulferfes preuves avec toute la ficurrilité d'une harangere , de n'avoir aucun égard aux objections , & de ne point changer de fentiment à quelque prix que ce fût. fe crains bien , dit-elle , de me faire ton , en yne comparant à une malLeureufie comme toi. Tu n'es quune vagabonde , une gueufie , qui ?ias ni feu , yn lieu , 7n provifitons , ?ii heritage j tes parens ne font 8o BATAILLE font donné qu'une paire d'ailes , 13 un impertinent baiTon dont le bourdonnement te fait donner au Diable. 7« ne trouves ta fubftance , que dans un brigandage univerjel \ tu n'es que la flibuiliere ^/^; Campagnes i3 des Jardins \ i3 tu as tant de panchant pour le larcin^ que tu déro^ hes les orties comme les violettes^ Jimple* ment, pour le plaiftr de dérober. Pour -moi y je fuis une héritière con (Ider able ^ enrichie par la nature rnême\ is> , c'efi de mon pro- pre corps , que je tire tout ce qui m'efi né ce ff aire y pour ruafubfifîancc. Mon ha- bileté égale mes thréjors , £5^ pour te fai- re voir quel progrès f ai fait dans les Ma- thématiques 1 1 examine bien ce Château. Non feulement tous les matériaux en font émanez de ma fub fiance mème\ mais^ mes propres mains l'ont bâti : f en fuis l' ar- chitecte moi-même. Je fuis bien aife^ repartit l'Abeille d'une manière gaie & tranquille, que 'VOUS daigniez avoiier^ que fai acquis mes ailes , (3 ma ynufique , par des votes legi- times \ i3 que je rien juis redevable y qu'à la I C'eft ]e r;rand Fort des Modernes. C'eft au Public à ju^cr u i'Aut(.ur a railbn de les tuxlu- |>ïncr là-deflus. DES LIVRES. Si la Nature. Il eft à croire pcurîant , que la Pro'vîdence ne ni'auroitpas accordé ces deux dons confîderahles , [ans les deftiner auxfius les plus nobles. Je *vous a'voue "colontiers , que je "jais chercher ma fuhfifrance dans les Campa- gnes , £^ dans les Jardms , £5? que je nen épargne par les moindres fleurs-^ mais ^ ce que fen recueille ni enrichit , fans leur rien faire perdre de leur beauté , de leur gout , ^ de leur odeur. Je dirai peu ck chofe de l'otre habileté dans /' /îrchiteclu^ re , £> dans les Alathe'maiiqucs. Je 'vois affez que dans cet Edifice , dont vous êtes fi fiere, il y a du travail^ de la métho- de-^ mais^ il eft évident par une feule Ex- perience , également fachcufe pour vous (y pour moi , que les matériaux n'en valent - rien: iy fefpere que deformias vous au- rez autant d'égard à la folidité de la ma- 'tiere , qua la Méthode , £5? à V jîrt. Vous vous vantez avec beaucoup d' often- tation , que vous ri avez pas la moindre obligation à aucune autre créature , (y que vous tirez de vous même tout ce qui "Cous eft né ce ff aire. S'il eft permis de juger de la liqueur contenue dans un Vaifjeau , par celle qui en fort , tout ce Difcours pom^ ' peux veut dire feulement , que votre poi- Tome IL E trine 8i BATAILLE trine eft un magazin cf ordure (^ de poi- [on: (j? , quoique je ri aie -pas le moindre intérêt à diminuer la provijion , que vous pojfedez , de tune (^ de f autre de ces ri- cheffes , je doute pourtant ^ que ^ pour les en- tretenir toujours da'ds une abondance éga- Je , *vcus naiez he foin de quelque fecours é- tranger. Les eahalaifons , qui viennent de la Terre , fuppléent indubitablement aux Vilenies , que vous dijjipez continuelle^ went \ i3 l^ J^ort d'un infe5îe vous four- nit du poifon pour en détruire quelque sutre. PouP ne me pas étendre beaucoup fur tin fujet aufjï défagreable , je vous dirai que toute la dïfpute entre nous fe réduit à ieci : §uel Etre doit pajj'er pour le plus no- ble , ou celui , qui , cnfié d'un jet orgueil , s'amufe à une contemplation , qui ne se- terui qu^à Cefpace de quatre pouces à l'en- tour de lui^ £5? qui-, tirant tout de foi- même , convertit tous les alimens en ex- eremens £5? en venin , 6^ ne produit rie» qùune toile fale £5? inutile ; eu bien celui , qui ^ par le moien d'ure agitation continuel- le ^ d'une recherche pénible , d'une apllca- tion affidue , d'un jugernent folide , ^ ^un difcernement délicat^ enrichit fa mai- fou ai Cire i3 de Mid? Ce DES LIVRES. 8; Ce fujet fat débatu avec tant de chaleur, ôc d'un ton de voix fi haut, & fi aigre , que les deux partis qui étoient en armes au-deflbus de ces animaux, fufpendirent leurs animolitez , pour attendre la fin de cette diipute. Elle ne fatigua pas leur patience > car Y Jkille, ménagère du tems, n'eut pas plutôt fini fon plaidoïé , qu'elle s'en- vola vers un bocuge de rollers , fans attendre la réplique de fon Antagonifte, qui étoit alors précifement dans la fi- tuation d'un Avocat , qui médite une réponfe à des raifons , qu'il ne s'efl pas donné la peine d'écouter. Les deux partis ennemis fe remirent à fonger là-deflus à leurs propres affai- res , dont ce qui venoit de fe palTer - étoit dans le fond une image allez réf. femblante. ^Efope fut le premier, qui rompit le filence. Il avoit été fort maltraité depuis peu par un étrange ef- fet de la politeffe du Chaîelain , qui avoit déchiré fon Titre, effacé la moi- tié de fes Pages , & qui l'avoit enchai- né, dans cet état déplorable, au milieu d'une grande troupe de Modernes f. Pré- t On a TU dans la Preface du Libraire , que E Z ^^"^' 84 BATAILLE Prévoïant qu'on en viendroit bientôt aux extrémitez les plus fàcheufes , il fe fervit de toute Ton indultrie , & il revêtit mille formes différentes , pour échaper de fes fers. A la fin , aïant em- prunté la figure d'un Ane , il fut pris par le Seigneur Châtelain pour un Mo- devnc \ & , par-là , il trouva roccafion de s'échaper , & d'aller joindre fes Com- pagnons les Anciens , juflement dans le même inllant que l'Araignée, & TA- beille, entroient en matière fur la fupe- riorité de leur rang , & de leur mérite. Il leur prêta l'attention la plus forte, & écouta leurs Harangues avec tout le pîaifir imaginable. Quand elles furent Unies , il jura qu'il n'avoit jamais vu deux fujets aufîi exactement parallèles , que celui qui fe traitoit au haut de la fenêtre , & l'autre dont il s'agilToit dans les Galeries. Les Antagonizes que nous, 'venons d'entendre ont admirablement bien fait valoir leurs avantages , dit-il , y ils n'ont rien négligé de tout ce qui étoit capable de donner de la vraifemblance à leurs Eetithy avoit extrêmement maltraité JEfop & Ph.xlaris. Il avoit fait tous fes efforts, pour dé- grader -Sfope 5 pour lui ôter fa grande Antiqui- té, & pluiîeurs Ouvrages , qu'on lui a toujour» attribuez. DES LIVRES 8f leurs preirces \ on peut dire qii'ils orit épui- fé la maliere : il ne s'agit que d'apliqucr leurs raifonnemeris à notre querelle , i^ de comparer enfcmhle les trcrjaux , ^ les prcducîions de ceux de notre parti iy de ceux du parti contraire. Si nous 'voulons bien fuivre cette méthode judicieufe de /'Abeille 5 notre plaidoïcr efi fait ^ (jf la Sentence peut être prononcée dans le moment même. Dites-moi , Mejjleurs , je 'uous prie , peut-on s'imaginer quelque chofe , qui re- pre fente mieux les Modernes , que /'Arai- gnée , £5? qui en at rape mieux les manie' res , le tour d'efprit , ^ les par do xe s ? Elle plaide pour elle-même , i3 pour fes bons Aynis les Modernes , en faifant une grande . parade de fes t réfors naturels , de fori grand Génie , iff de fon talent à îirC'' d'elle-iném? tout ce qui lui eft néce (faire ^ fans être obligée du moindre fecours à qui que Ce foiî : elle étale e?Kore fa grande ha^ bilcîé dans r Archite^ùre , 13 les progrès qu'elle a faits dans les Mathématiques. /.'Abeille, Avocat de nous autres Anciens lui répond , que s'il faut juger du Génie iy de r hrjention des Moderjies par leurs productions. , // neji pas poffhk de ne pas éclater de rire , en entendant de pareille^ E ^ Gaf' 26 BATAILLE Gafconnadcs, Drejfez les plus heatix plant du monde , a'vec tout ce que VArt 13 la Aietbode pewvent fournir de plus esaU £i? de 7rneux arrangé. Cependant ^ fi 'vous n^m- pluiez à vos édifices , que des ordures ti- rées de 'VOS propres entrailles , ou des chi- mères émanées de votre p'opre cerveau mo- derne^ tout ce beau plan n aboutira qu'^à une toiled' Araignée \ i3 ^fi elle neft pas d^ abord détruite , il ne faudra ï attribuer qu'a r oubli 5 à la négligence , eu à Vobficu- rite de ï endroit qui lui tient lieu d' Jfy- le, P^oilà tout ce quon peut attendre du grand Génie des Modernes , fi îon y ajoute une riche veine de Chicanes , ^ de Satyres , qui ne répond pas mal à la four ce abon- dante de venin , dont fe glorifie Dame A raignée. Ils p) étendent^ comme elle , ne devoir à perfonne ce fond inépuifable de foifon\ iâ ^ comme clle^ ils ï entretiennent contïnuelkfnent par îa neurit ure^ qu ils ti- rent des infères (^ de la vermine du fié' de. Pour nous autres Anciens , nous femmes contens^ comme T Abeille ^ de n'a- voir à nous , que nos ailes ifj nos voisc , i'eft'à'dire , nos courfes (^ noire langage-.^ tout ce que nous acquérons d"* ailleurs nous colite des travaux^ des recherches^ Ifj des voïages pénibles dans toute retendue de la Natu- DES LIVRES Sj Nature : mais^ au lieu de ne mus fournir par ^ là que de Venin , nous remplirons nés Rw ches de Miel £5? de Cire \ (J 5 ainjl , nous communiquons au genre humain ce quil a de meilleur 6? de plus noble , la Douceur C^ la Lumière. 11 efl très-difficile d'exprimer le tu- multe horrible , qui fuivic ce long Com- mentaire à\'EJope : les deux dilxerens partis , quoique les imprefiions , qu'ils en reçurent , fuflent d'une nature fort différente , furent par-là également ex- citez à decider la Querelle par une Ba- taille. D'abord, tousles Guerriers fe rangèrent fous leurs drapeaux, dans les deux extrémitez opofées de la Saîe , ou l'on fe mita délibérer, de coté & d*au- tre , fur les moiens de remporter l'hon- neur de cette grande ôc importante* journée. Les Modernes avoient toutes les pei-* nés imaginables à s'acorder fur le choix de leurs Commandans , & rien n'étoit capable d'empêcher des mutineries par- mi eux, fi-non le péril prochain , dont les menaçoit un ennemi puiflant. La difcorde fur ce fujet fut terrible , fur-touc dans laCavailerie,oùle moindre Guer- E 4 rier SS BATAILLE rier prétendoic a la dignité de Genera- liiîlme , depuis le TaJ/è & Milîon^ juiqu'à Drydcn & TVithcrs *. Ces trou- bles furent enfin apaifez: îa Cavalerie légère fut confiée à la prudence & à la valeur de Covjley ^ de Perrault ■\y le & Commandement des Archers fut don- né à De:-Cartcs ^ Gajjmdi^ ^ Hcbbes ^ Chefs d'une bravoure & d'une con- duite expérimentées. Leur force étoic frgrande, qu'ils pouvoient faire voler leurs flèches, au-defTus defAthmofpere de la Terre, fans qu'elles y retombafTenc jamais. A cette hauteur, elles fe chan- geoient en Météores , femblables à la fie- * Le Tajf.' , & Mihon , font deux Postes Epi- ques modernes, dont l'Auteur fait le plus de cas; au lieu qu'il mëprife fort Z)r}Y/2;2 5 Si. Withers ^ qui cnt écrit dans le même genre. Milton a fait un Pocme intitU;é le Paradis perdu , Sujet bifarre , qu'il n'a pas lailTé de manier avec une tres-gran- de| habileté. 11 y a de merveilleufes beautez dans ce Pocnie. f Coivky efi un fameux Pol'te Anglois, célè- bre par fa Pocfie lyrique , & fur-tout parfes Odes tendres. Dans l'Original on lui donne pour Compagnon Defpreaiix : j'ai mis Perrault à la place; parce que je ccnjedturc qu'il doit être dans le MS. Dejpreaux a pris trop de peines pour dé- fendre les Anciens ," pour qu'il ne doive pas avoir pris leur parti auifi bien que Te7?7p!e, DES LIVRES. 8p fîechc à' E-vandre ^ ou aux fu fées, qui clans l'air fe metamorphofenc en étoi- les '^. Paracelfe menoit, des Pvlontagnes de la Rhétie, toujours couvertes de ne- ge, un Bataillon fort adroit à jetter des Carcafles très-puantes \\ & un grand Corps de Dragons, compcfé de differens Peuples , fuivoit les enPeignes de leur Capitaine Harvey §. Ils étoient armez, en partie de faux, les armes de la mort, en partie de lances , & de longs cou- teaux tous trempez dans le poifon ; & en partie ils tiroient des Balles d'une nature très - pernicieufe | ; ils ne fe fervoient que de Poudre blanche , qui tuoit infailliblement tous ceux qu'elle tou- * Virgile dit dans l'EncYde, que, dans les Jeux célébrez à l'honneur d'Anchife , la Flèche d'^- landre fut changée en Adre. L'Auteur turlupine ici le Syilême des Tourbillons. I Paracelfe , fameux Médecin Chimiile de SuifTe : il a pris toute une autre méthode, que celle de Galien , & il a fait tous fes ciTorts pour le décrediter. Ces CarcaJJès puantes indiquent ici les Kerr.edes Chimiques. § Hari;ey étoit Médecin du Roi Chares I, On lui attribue généralement d'avoir dccuuvcrt la Circulât ion dn San^* I Piluiles. 90 BATAILLE touchoit ^. Il y avoit encore plufieurs gros Bataillons de FantalTins pefam- ment armez , tous étrangers & merce- naires , commandez par les Capitaines Guicciaràin , Da'vila , Poïydore Fergi- le 5 Buchanan , Mariana , Camden , & d'autres de la même reputation. Les Ingénieurs avoient pour Chefs Regio- mont anus & TVilklns f. Il y avoit enco- re de grandes Troupes, qui dans le fond n'étoient qu'une multitude confufe menée par Scot , St, "Thomas , & BeU Jarmin §. C'étoient des Gens d'ime taille énorme , mais deilituez d'armes ^ de courage , & de difcipline militaire. Le refle de l'Armée ne confilloit que dans une foule m. al réglée de Valets & de Marodeurs, conduits par VEflrange -|- Ce * Cette Poudre blanclieeftdeîamort-aux-rati. L'Auteur traite idles Médecins modernes d'Em- poifonneurs & d'AfTafTins; c'eftpour cette raifon, .qu'il les arme de faux , de couteaux envcni- Kiez, &c. \ Mathématiciens de rc'putation. $ Les Scolaftiques , Auteurs confus , & qui donnent dans le Verbiage. I C'eft un Traduâ:eur de plufieurs Ouvrages de Morale. On parle ici des Livres de ces fortes de gêna comme indignes de la relieure ; & on les. DES LIVRES. pi Ce n'étoit que des Faquins , qui fui- voient le Camp , uniquement pour faire quelque butin : à peine avoient-ils quel- ques lambeaux pour fe couvrir. L'Armée des Anciens étoit beaucoup inférieure en nombre. Homère comman- doit la Cavallerie , & Pindar e les Che- vaux-legers. Eudide étoit Ingénieur general. Platon & Ariftote comman- doient \ts Archers , Hérodote & Tite- Live les Fantafiîns , & le Corps de referve étoit fous le commandement de "temple. Dans le tems qu'on fe préparoit à en venir aux mains, la Renommée, qui fai- foit autrefois fon féjour d'un grand ap- partement de la Bibliothèque Roïale ^r voila h tire- d'ailes vers le Palais de ^Jupi- ter , à qui elle lit un raport fidelle de tout ce qui s'étoit paifé entre les deux par- les apells Marodeurs , parce qu'ils ne fe parent que des dépouilles d'autrui. * Par la Cavallerie l'Auteur entend les Poè- mes Epiques. Par les Che'CJiux-legers ^ les Odes^ & dautres Pieces de petite étendue. Par les Ar^ chers, les Philcfophes. Par les Jjragons, les Mé- decins. Par les IngcrAeitrs , les Géomètres. P.a" \ii%.Fa?2t/^JprrSj les Hiftoriens. E S P2 BATAILLE partis ennemis. Cette Décile , quoiqu'ac- coLitLimée à fenier de faux -bruits par- mi les hommes , dit toujours la vérité, quaiid elle parle aux Dieux. Le Père des Dieux & des Hommes, conRernéde cette mauvaife nouvelle, allemble auffi- tôt dans la voïe la6lée le Confeil des Divinitez du premier ordre; il leur dé- clare le motif, qui le portoit à lesaflem- hier, 6c les initruit de la cruelle Batail- le , qui étoit fur le point de fe donner entre des Créatures anciennes & m^o- dernes, ap^llées Li-vyes\ aiFaires de la dernière importance , où FOlympe de- voit prendre le plus- grand intérêt. 71/;- mtis^ Patron des Modernes, fit une Ha- rangue excellente en leur faveur , qui fut aufîi-tôt réfutée par la fage Mmerje^ Proteclrice des Anciens. I>a difcorde alloit divifer toute l'At femblée en deux factions différentes , quand Jupiter ordonna qu'on apportât le Livre des Deftinées, Mercure mit aufïï- tôt devant le Maître du Aîonde quatre grands volumes , qui contenoient tous les Evenemens paiTez , préfens, & futurs. Dès que Jupiter eut lu tout bas le Dé- cret ,qui regardoit cette fatale joiu*née , il referma le Livre , fans communiquer DES LIVRES. Pî a qaî que ce fuc ce qu il venoit d'ap- prendre. Hors des portes du Palais, où fe te- noic le Confeil , il y avoic une grande troupe de Divinitez légères , Domefli- ques du Père des Dieux. Cell: par leurs moïens , qu'il règle toutes les affaires fub- lunaires ; ces Dieux voïagent d'ordi- naire enfemble en guife de Caravane , tantôt plus tantôt moins nombreufe. Ils font atachez enfemble , comme une Troupe de Galériens , par des chaînes extrêmement déliées, qui font atachées au grand orteuil de Jiwiîer. Quand ils lui font quelque raport, ils n'aprochenc jamais que jufques au degré le plus bas de fon Trône, & ils ne lui parlent que par un long tuiau , afin que leur Maître feul puilfe enrendre ce qu'ils ont à lui dire. Ces Divinitez font nom- mées par les hommes Accidens^ ou Ha- z.trds ; mais, les Dieux les appellent C au /es fécondes. Jupiter ayant inflruit de fes ordres quelques-uns de ces Miniilresde fesvo- lontez abfolues^ils s'envolèrent avec ra- pidité , 6c fe poférent fur le faite de la Bibliothèque Roïale, d'où , après avoir confuké enfemble pendant quelques mi- E 7 nutes. \ ^4 BATAILLE nutes , il fe glifferent , fans être vus, dans les Galeries , & fe préparèrent à exécuter les commandemens du Souve- rain du haut Olympe. Momui^ faifi d'aprehenfion , & fe ra- pellant dans Tefprit une ancienne Pro- phétie , qui ne prognofliquoit rien de bon à les chers Enfans les Modernes > dirigea fon vol vers le féjour d'une Di- vinité maligne apellée Critique, Elle a fcn Palais dans la Nouvelle Zemhle, au hautd'une Montagne couverte de Neges éternelles. Il la trouva étendue dans fa Caverne , fur les dépouilles d'un nom- bre infini de volumes à moitié dévorez. A fa droite étoit aflis le Dieu de \ Igno- rance ^ fon Père, & en même tems fon Epoux, aveuglé par l'âge. Elle avoit à fa gauche l' Orgueil fa Mere , qui ornoit la tête de fa Fille d'un£ coefFure de pa- pier qu'elle avoit déchiré elle-même. Près d'elle étoit fa Sœur X Opinion au pied léger : elle a les yeux bandez, la tête dure , & pefante ; & cependant elle efl pleine de vivacité , & dans un mouve- ment perpétuel. Il vit badiner autour d'elle fes En- fans, le bruit & l'impudence , la ftupidké & la vanité y la décifion , la pédanterie , <5c DES LIVRES. p/ & la grojjiereté. La DéefTe avoit des griffes femblables à celles d'un chat. Sa tête, fa voix, & les oreilles, reprefen- toient celles d'un Ane: & fa prunelle étoit tournée en dedans , comme fi elle ne fe plaifoit qu'à fe confiderer elle même> Elle avoit pour nourriture les écoule- mensde fa propre bile, & fa ratte étoit d'une ïi prodigieufe grofleur , qu'elle eaufoit une élévation , de ce côté de fbn corps, égale aune mamelle de la premiere grandeur. Sur le dehors de cette efpece de bofle, il y avoit plu- fieurs bouts^^t quelques monftres afreux venoient fucer, avec une grande avidité , & ce qu'il y a de difficile à concevoir ,. c'efl que cette ratte prodigieufe fe rem- plilToit de nouveau, plus vite que ces' monftres n'étoient capables de la vuider.. Déejfe , lui dit Mom us , à quoi fougez vous ? jivez'vous le cœur de vous plonger ici dans l'indolence^ dans le tems que vos chers Adorateurs , les Modernes , vont en- trer dans une cruelle Bataille ? ^edis-je ? Peut-être dans cet in fiant même tombent-- ils déjà fous le glaive redoutable de leurs fiers ennemis, ^el homme voudra à Va- venir drejfer des autels^ £5? faire des fa- crificeSy à V honneur de nos Divinitez? m- 96 BATAILLE Hâtez-i'ous Déejfe , précipitez votre vol vers /lie Britannique, ^ prévenez y s il eji pojfibîe , la defîru^îion de nos favoris ; tandis que je remplirai tout l'Olympe de brigues , (sf que je ne négligerai aucun artifice , pour mettre les Dieux dans notre parti. Momus^ s'étant expliqué de cette ma- nière, ne s'arrêta pas pour atendre une reponfe ; mais , il livra la Déefle à Tes propres réflexions. Furieufe, elle fe levé précipitamment; &, comme il efl or- dinaire dans ces fortes de cas , elle éva- pore fa colère dans le Soliloque fui- vant. Ceft moi , qui donne la Sagcjfe aux Enfansi^ aux Idiots. Par mon Je cour s ^ les Fils font plus habiles que leurs Peres -y par moi , les Petits-Maîtres deviennent pro- fonds Politiques .^ i3 les Ecoliers Arbitres de la Philo] ophie\ par moi^ des Sophiftcs difputent ijj décident fur les profondeurs des Sciences ; les beaux-Génies des Cafez, infpirez par moi , favent corriger le ftile d'un Auteur , ly developer fes moindres me f rife s , fans entendre , ni fin fujet , ni fin langage. Animez de mon Efprit , les jeunes gens dépenfent leur jugement , com- mue ils dépenfent leur heritage , avant que a en DES LIVRES. 91 d'en avoir la poffelHon. Ceft rnoi^ qui ai araché à VEiprit (y à V Erudition ï En-^ pire , quiîs exerçaient fur la Po'éjie , £5? qui ai ju me placer (y me maintenir fur leur Trône.., Et un petit 'nombre .^'Anciens feditieux ofera le foulever contre mon pou- voir defpotiqus ? allons , chers Auteurs de 7nes jours , cbajjez pour un moment T in- dolence de la viciliejje , qui vous accable ^ venez ^ mes Enfans cher is , £5? l'ous ma charmante Sœur\ montons fur 'mon Cbar^ iSi volons au fecours des Modernes , qui fe font dévouez abfolument à mon fervice , (Sf qui dans ce même moment socupent à m' offrir une Hécatombe , dont V agréable odeur frape déia ?nes narines. Eiie dit ; & le jettant rapidement fur fbn Char tiré par des Oifons aprivoifez , elle vole par delTus une grande étendue de Pais, en répandant Tes influences par- tout où elle les croïoit néceflaires. El- le arriva bientôt a Ton Ile chérie ; cS: , en perçant FAtmofphere épais qui en cou- vre la Capitale , elle répandit les faveurs les plusprécieiifes fur Tes deux Séminai- res de Gresbam & de Covent-garden *. Elle * Aïïembiccs de Beaux-Efpnts & de ^x\xr\% modernes. p8 BATAILLE Elle aprocha jullement de la plaine fa- tale de la Bibliothèque de St, James , dans le tems que les deux Armées al- loient fe choquer avec fureur. Elle y entra avec tout fon train fans être ap- perçûë , & fe perchant fur une plan- che alors deferte, mais habitée autre- fois par une Colonie àUlluftres du pre- mier rang, elle s'occupa pendant quel- ques momens à obferver la polture des deux Armées. Auffi-tôt, la tendrefTe maternelle com- mença à troubler fon imagination , & »à remplir fon cœur despaffions les plus vi- ves. A la tête d'une Troupe d'Archers modernes, elle vit fon Fils /Tô//^;^, pour lequel les Parques fiioient une trame trop courte : tels étoient les ordres de la deitinée. Ce jeune Héros de voit la naiffance aux embraffemens dérobez de la Déelfe & d'un Père de race mortelle. Elle cheriifoit ce fruit de fes amours clandeitins plus que tous fes autres En - fans, & elle refolut d'aller verfer dans fon ame la valeur & l'allegreffe , mais , avant que d'en aprocher , elle trouva bon, felon la noble coutume des Divini- tez, de changer fa figure, de peur que l'éclat de fa Majeilé n'éblouit les veux DES LIVRES. 5>p yeux mortels du Héros , & ne lui' ota l'ufage de tous &s autres fens. Elle ra- malTa toute fa perfonne divine dans les bornes étroites dun volume in Oftavo. Sa peau devint blanche & aride, &touc fon corps fe fendit & fe fepara en cent & cent pieces t , comme la fechereffe de l'cté ride la furface de la terre altérée. Sa Chair fe convertit en Carton, & fes Membranes en Papier, Ses Enfans y ver- férent adroitement une décoftion de noix de galle &de fuie, en guife de Lettres. Sa ratte fe répandit par tout ; la peau , qui l'avoit couverte auparavant , conti* nua à la couvrir , & fa voix relia ce qu'elle fut autrefois. Sous ce déguifement elle avança vers ]e& Modernes, en tout femblable audi-" vin Bentley , uni à fon Fils PFotton par les liens les plus étroits de la fainte Ami- tié. Brave IVotton , dit la Déefle , pourquoi nos Troupes fe tiennent - elles ici clans Pi nation ? Pourquoi confument-elles leur vigueur dans rindolence ? Faut-il quelles perdent lâchement la Gloire qui les aîend dans cette grande journée ? Coura" ge , précipitons nos pas vers les Chefs de noi t Les feuilles d'un Livre. 100 BATAILLE nos Troupes , four leur confeiller de donner au plutôt le fignal de la Bataille. Ayant parié ainfi , elle faifit le plus afreux de ces monilres qui s'enflent du fuc de fa raite, & le lui jetta dans la bouche d'une manière invifible. Dans le même moment, les yeux du Héros s'enflent > les prunelles lem.blent lui for- tir de la tête 5 elles ne lancent que des regards furieux • des nuages noirs & épais couvrent fon cerveau, où le mon- llre, qui s'y étoit gliffé, avoit fait des ravages épouvantables. Peu contente encore du fecours , qu'elle venoit de lui donner, la DéeiTe ordonna à deux de fes Enfans Stupidité ôc GroJ/iereté^ de fuivre par-tout les pas du Guerrier, & de l'afliiler dans toutes les rencontres. Aïant pris de cette manière tout le foin poiTible de fa chère Progéniture , elle s'évanouit dans un brouillard , & le Héros la reconnut pour la DéelTe fa Mere. L'Heure fatale étant enfin arrivée , le combat s'engagea^ mais, avant que d'ofer entreprendre d'en raporter \ts évenemens diiferens, & les revolutions merveilleufes, je dois, à l'exemple de plufieurs autres fameux Auteurs, deman- der DES LIVRES. loi der aux Dieux cent langues, ôc autant de plumes. Encore n'y en auroit-il pas aflez, pour exécuter, comme il faut, une pareille entreprife. Dis-moi, Déelle quipréfide fur THiP- toire , dis -moi , qui fut le premier" qui s'avança au milieu du champ de Ba- taille. Paracelfe , étant à la tête de ^qs Trou- pes , aperçut Galien dans l'aîie qui lui étoit opofée. Ilfaiflt un jaz^elot noueux ^ & le lui lance avec une force prefque furnaturelle. Le vaillant Ancien le re- çoit fur fon bouclier, & la pointe le. brifedans la féconde doublure, faite du cuir d'un puiiîant taureau Hic pauca défunt . . Ils portèrent leur Chef dangereufe- ment blefTé dans fon Char. Défunt mnnulla. Jriftote voiant Bacon f, quife pouf- foit t C'cfl ce fameux Chancelier d'Angleterre. lOL BATAILLE (bit dans la plaine d'un air furieux, pla- ce fur fon arc une flèche bien acérée ; il aproche la fatale corde jufqu à fa tê- te ; la flèche aîlée fend l'air avec la ra- pidité de la foudre ; elle manque le brave Moderne , & vole par-deflus fa tête en fiflant, mais elle frape le grand DeS'Carîes, La pointe trouve le défaut de fon cafque ; elle perce le cuir , qui l'atache, & lui entre dans l'œil droit. La violence de la douleur fait pirouetter , le vaillant Archer^ comme une tempête agite les branches d'un jeune fapin. 11 accufe les aflres de fa deflinée, jufqu'à ce que la mort, comme une étoile d'une force fuperieure , l'envelope dans fon ► tourbillon. Ingens hiatus hic in MS Homère parut alors à la tête de la Ca- valerie, monté fur un Cheval fougueux, que le Cavalier lui-même avoit de la peine à gouverner, mais dont un autre mortel n'oferoit aprocher feulement. 11 fe DES LIVRES. 105 fe jette au milieu des rangs les plus ier- rez des ennemis , & renverfe tout ce qui s'opofe à fon pafTage , comme un tourbillon d'eau , poufle par un ouragan, abat une foible digue qu'on lui opofe. Raconte -moi 5 DéefTe , qui fut le pre- mier qui tomba fous fa main foudroïan- te , & qui fut le dernier* qui eut la gloire de périr par fes armes invincibles. Gondibert eut la témérité de vouloir l'ar- rêter. Ce Guerrier, couvert d'une Cui- ralTe pefante, montoit un foible Hon- gre, moins fameux par fon agilité, que par la docilité qu'il montroit en fe mettant à genoux toutes les fois 'que fon Maître vouloit monter ou defcen- dre. Il avoit fait vœu à la Guerrière Paîlas de ne pas quitter le Champ de Bataille , avant que d'avoir dépouillé Ho- mere de fes armes. Infenfé ! il ne con- noit pas celui qui les porte , il n'a pas lamoindreidée de fa force. Homère le renverfe avec fon cheval dans la pouf- fiere , où il efl foulé aux pieds des Courfiers. SaififTant enfuite unepuifTan- te lance, il abat Denham^ un Moder- ne plein de courage; il étoit defcendu à'JpoUon du coté paternel , mais , fa Me- lt 104 BATAILLE re étoit de race mortelle §. Le Dieu en prend la partie celefte, & en fait une étoile; mais , ce qu'il y avoitdeterrellre dans ce malheureux Héros fe vautre à terre dans fon propre fang. Tandis que le cheval à'Hcmcre tue Weflley ^ d'un coup de fon pied ner- veux, le Guerrier lui-même faifit Pct- raulî ^ l'arrache de delTus fon cheval 5 le jette QonuQForaeneUe^ &du même coup il leur fait fauter la cervelle à l'un & à l'autre. A l'aile gauche , Virgile parut h la tête de la Cavallerie , vêtu d'armes d'un éclat extraordinaire , & admirable- ment bien proportionnées à fes mem- bres. 11 preffoit les flancs d'un puif- fant Courfier gris-pommelé , qui mar- choit d'un pas lent, mais dont la lenteur n'étoit qu'un effet de fierté & de vi- gueur i". Ce Héros jetta les yeux fur î'Efcadron qui lui étoit opofé, impatient d'y découvrir un objet digne de fa va- leur § DenhamjPocteaïïczfameuxjînaisquiades en- droits trcs-foibles. C'eft pour cette raiibn qu'on lui donner une Mere mortelle , & ^-ijio/^/ipour Pcre. * Poète mëprilable. . 4" Le Can^fcere de Virgik moins fougueux & plus exaâ: <^ilomcyç. DES LIVRES. lOf leur. Bientôt il vit fur un Hongre d'u- ne taille monftrueufe un Guerrier fortir des Efquadrons les plus épais de l'Ar- niée ennemie. Il avançoit lentement, niais avec un bruit eifroiable. Son che- val vieux & maigre confumoit la lie de Tes forces dans un grand trot, qui, fans faire beaucoup de chemin , faifoit ré- fonner les armes du Cavalier , de la manière la plus terrible. Déjà les deux Guerriers s'étoient aprochez jufqu'à la portée du javelot, quand l'inconnu demanda une trêve, ôc fit figne, qu'il fouhaitoit de parler à fon illuftre ennemi. Il levé auffi tôt la vi- fiere de fon cafque , au fond duquel on aperçut à peine un vifage , qui , après un long examen, fut enfin reconnu pour celui de Dryden. A ce fpe6tacle, le brave Ancien parut faifi d'étonnement; car, le cafque avoit neuf fois plus de vo- lume que la tète*, qui, dans cet en- foncement , avoit l'air d'une fouris pla- cée fous un dais , ou du front ridé d'un vieux Petit-Maître enterré dans le vafle contour d'une Perruque quarrée. La voix * Stile magnifique de Dr^'den , qui cache un Sens fort mince. Tome IL F io(î BATAILLE voix de ce Champion répondoit h. Ton vifiige^ le Ton en étoit maigre & foible. il fit une longue Harangue , pour s'infi- nuerdans l'efprit de ce bon Ancien; &, par une longue fuite de Généalogies , il lui fit paroitre avec évidence , qu'ils étoient unis enfemble par les liens ref- peftables du fang. 11 propofa enfuite un troc d'armes , comme une mar- que éternelle à'Hofpitaliîé entre eux. Firgile y confentit^ car, une Divini- té ennemie vint, d'une main invifible, répandre devant ïqs yeux un noir brouil- lard; & il donna des armes d'or, de la valeur de cent Bœufs , pour des armes de fer mangées par la rouille 'Ml eil vrai, que cette Cuirafle brillante con- venoit encore moins aux foibles mem- bres du Moderne 5 que celle qu'il venoit de quitter. Ils convinrent enfuite de faire un échange de leurs chevaux; mais, quand Dry * Dryden a traduit Virgi'.e ; & , en troquant , pour ainiî dire , Ton Encïde Angloife contre l'O- riginal , il donne des armes de Fer contre A^% armes d'Or. Cet endroit efl une Imitation d'un Paflage à^ Homère -^ où Cfauctts troque Tes armes d'Or contre les armes d'Airain de Diomede. DES LIVRES. 107 Dry den voulut monter celui de Virgile ^ il fut effrayé ; une fueur froide. . . alter hiatus in MS Lucaln pouiTa au devant de fon Efca- dron, lâchant la bride à un cheval plein de feu & d'une beauté parfaite, mais û indocile, que fouvent nobéïirant point à la main de fon Maitre il le portoic à travers la Campagne, comme s'il avoit pris ie mords aux dents *^. Il fit un car- nage terrible, dans la Cavalerie enne- mie ; & il auroit détruit des Troupes entières, ^\ Black- more j, fameux- Mo- derne, ne s'etoit jeué au devant de lui,, pour empêcher, la dellru6lion -totale de- fon Efcadron. Ce fier Guerner lança à" Lucain un javelot, qui, bien que dardé- d'u- *" Par les Chevaux il faut entendre b Gcnie l'i l'Imagination des Auteurs. Lucain a le pcnic beau; mais, il n'ell pas aiTcz judicieux, ptm?en retenir toujours la fougue. , ' '^-^ I Poote eflimé: il a fait un Pcem.e do h Créa- on du Mend.» 3 oil il detrtiit les Princ'pes dé :j aditude & dejuftefle: Black- more n'a pas afTcz de Feu de Vivacité. Lucain reçoit une Bride , & il donne à fon Antagonifte des Eperons, DES LIVRES. lop la figure à' Horace ; & elle le plaça de- vanc le Moderne, dans la pofture d'un fuïard§. Le Guerrier, charmé d'entrer en combat avec un ennemi qui lui tour- noit le dos, pourfuivit cette vaine ima- ge , avec vigueur , en l'accablant de menaces , jufqu'à ce qu'elle l'eut con- duit jufqu'à la Fenne paifble de Ton Pè- re Ogleby * , par lequel il fut defar- mé , & placé fur un lit , pour fe refaire de la fatigue de cette jour- née. Pindare tua .. \ .&...., & Oldbam^ & l'Amazone Jfra au pied léger 7. Il n ailoit jamais à l'ennemi , en ligne direc- te, § Creech a paiTé pour un fort bon Pocte. Il s'étoit acquis de la reputation par une Edition Latine de Lucrèce , & fur- tout par une Traduc- tion du même Auteur , qui fut admirée de tous fes Compatriotes. Encouragé par ce fucces , il entreprit de traduire Horace en Vers Ang]ois. K")' aïant pas rcii/Ti, il fe pendit de defefpoir. * Il a traduit Homère & Virgile. L'Auteur l'apelle le Père de Creech , parce qu'il a écrit avant lui. Parh Ferr?2e ^aijlè/e d'Oglchy , on en- tend le Ton^heciH. f C'eft indubitablement quelque Dame An- gloife , qui s'eft miclée de faire des Odfi : il s'en eft trouve plus d'une en Angleterre; & j'ignore qui eft celle que l'Auteur a ici tn vue. F ; no BATAILLE te^ mais, caracollant avec une agilité étonnante f, il fit un terrible carna- ge parmi la Cavakrie légère del'Enne- mî. Qiiand Coivley remarqua les gran- des actions, le fang lui bouillonna dans les veines , & Ton cœur généreux s'a- nima d'un feu nouveau. Il poufla fon Courfiervers le fier Ancien 3 &, imitant fès Détours, & fes Caracolles , autant que la vigueur de fon Cheval & fon habileté le lui permettoient, il s'enapro- cha bientôt de la longueur de trois ja- velots. Cowley darda fa lance le pre- mier^ mais, il manqua fon ennemi, & Je javelot tomba fans effet aux pieds des Chevaux. Alors Pindar e faifit un dard fi grand , & d'une pefanteur fi prodi- gieufe, qu'à peine dix Cavaliers, tels que notre âge les produit , feroient ca- pables de le lever de terre. Cependant, il le lança fans peine ^ & la poutre , dirigée d'une main fure , auroit indubitablement accablé le Moderne , s'il n'a voit pas heureufement opofé au coup le Bou- clier qu'il avoit reçu de fa Mere Fenus §. Là- f Le beau Defordre qu'on admire dans les Odes de Pindare, $ Co\vley a brillé fur-tout dansfcs OdesamoU'- reufcs» DES LIVRES. Ill Là-delTiis , les deux Héros mirent TE- pée h. îa niain ; mais, le Moderne étoit dans im tel defordre , qu'à peine étoit- il le maître de fes a6lions. Le bouclier écliapa de (es doits tremblants. Trois fois il voulut fuir , & trois fois fbn en- nemi lui coupa le pafiage. A la fm , il lit ferme \ Ôc , levant vers fon ennemi fes mains fuppliantes , O PirJare^ fini- blcihle à un Dieu , lui dit-il ^ é^argnez^ }/iavie\ (s> foiczk Po£cJjcur de ihonCbe- *val , (y de mes armes. Mes ylmh ne 7?:a'/iqueront pas de l'ous donner tn:c rançon conjlaérable , quand ils Jauroiiî que je Jkis c?i -'i-'/f, t^ 'votre Prifonnier, Pïndare lui répondit ainfi .• Que ici rançon refte avec tes Parens ^ ton cadavre va fervir de proye au s Chiens , ^ aux Vautours. Il dit, &, levant Ion epée in- vincible, il fepara , d'un coup afreux , le Corps de fon ennemi en deux par- ties: l'une tomba à terre toute palpitan- te , expofée aux pieds d^s Chevaux ; & l'autre fut emportée au travers de la plaine par le courfier effraie. Fenus la prit , elle la lava fept fois dans l'Am- broifie , & la frotta trois fois d'une branche d'Amarante. Auffi-tôt, le ca- davre mutilé prit la figure d'une co- F 4 lombe. Ill BATAILLE lombe , & la DeefTe Tattcla à Ton Char Hiatus valde deflcndus in MS Le Char du blond Phebus penchoit déjà vers la Mer, & les forces des Mo- dernes fembloient fe préparer à la retrai- te, quand, d'un Bataillon épais de leur InfVinierie péfamment armée, fortit un Capitaine dont le nom étoit Bentley^ le mortel le plus difforme d'entre tous \ts Modernes. 11 étoit grand fans taille, épais fans force & fans proportion : fes armes étoient un amas de mille piè- ces incapables d'être jointes enfemble avec exaétitude. Q.uand il marchoit, elles donnoient un fon affreux & fee, femblable à la chute d'un morceau de plomb , qu'une tempête précipite du haut d'un Clocher. Son cafque étoit d'un fer tout rouillé ; mais, la vifiere étoit d'un Airain, qui, empoifonné pir fon haleine, s'étoit changé en couicrofe. Quand le Guerrier étoit haraffé par le tra- vail. DES LIVRES. 113 vail, ou agité par la colère, onlulvoïo't découler des lèvres une efpece d'encre dime nature trcs-ma'.igne, Defii main droite ilfaifit un Torchon ; &, pourne pas manquer d'armes offenfiv^es, il mu- nit fa gauche d'un VaifTeau rempli d'Or- dures *. Se trouvant de cette manière armé dans les formes , il avança, d'un pas lourd & tardif, vers l'endroit , où les Chefs des Modernes confukoient en- femble. Quoi qu'ils fullent dans un terrible embaras , ils ne purent pas néan- moins s'empêcher de rire, en voïant f^s jambes cagneufes, &fon épaule haute, qui étoientexpofces à la vue, m.algré fes Guêtres & fa Cuirafle forcées h pren- dre le pli de fon corps. Les Généraux de fon Parti l'elli- moient pour fon talent dluz-cclhcr, qui, lorfqu'ii refloit dans certaines bornes , étoit fouvent d'un très-grand fer vice pour la caufe commune, mais qui, dans d'au- * Il en fait les armes de Ecnfl:y , parce que ce favant a un Talent particulier pour "^aterUs Ouvrages des Anciens ; je veux dire, peur leur ôter les Livres , qu'on leur a attribué de tout tcms. Par le VaifTeau plein d'Ordures , il faut enten- dre les Invectives dont il accable fcs Aïit^tgo^ fiijtes. ri4 BATAILLE d'autres occafions leur faifoit plus de mal que de bien. A la moindre ofFenfe, & quelques fois même fans aucun motif, femblable à un Elephant blefle , il tour- noit fa fureur contre ks Conduéleurs mêmes. Il étoit alors précifement dans cette dilpofition. Aigri de voir l'avantage du Gôté des ennemis , & mécontent de la conduite de tout le monde , hormis de la fienne , il déclara àfes Généraux, d'u- ne manière aufii gracieufe que foumife, qu'ils n'étoient qu'un tas de Aïarauîs , de FoîiS , de Fils de Chiennes , de Poules TnouiUées , de T'êtes dures , £5? de Faquins deftiîtiez de Sens-commun, Si Von mavoit établi Generalijjïmc , continua-t-il , les Anciens , ces Chiens p-éfomptueux , au^ r oient été bientôt for ce% à chercher leur fa^ lut dans la fuite, Vousreftezici^ n;ous au- tres , les bras croifez \ £îf , quand moi , ou quelqu autre 'vaillant Moderne , nous tuons quelque ennemi , d^ abord "vous "vous en ap- propriez les dépouilles : mais ^ foies furs , queje ne marcherai pas ^ fï vous ne me jurez tous^ que vous m'accorderez la pojfefjion tranquille des armes de tous ceux que je ferai. Prifonniers^ ou que f enverrai dans le noir Tart^re, Qiiand il eut parlé de cette ma' DES LIVRES. !i; manière , Scalïgcr^ lui jettant un regard méprifant: Aliferable Bahiilard ^ dit-il, unique Âàmiratcur de ton propre Mérite j fâche que dans tes inve^i^-es , il ny a^ ni efprit , ni p'iidence , ni 'vérité : la ?nali' gnité de ton temper amment pajffe les hor^ nés de la ndture même \ ton érudition te rend plus barbare , £i? les humanitez plus inhumain. Par ton Com'merce a'vec les Poètes 5 /// nas attrapé que plus de baf- fejje ^ de ftupidité \ tout ce qui civilife les autres hommes te re'nd farouche , (y intraitable. La Cour fa donné delà grof- fier été , £> la converfation des gens polis fa affermi dans la Pédanterie: a ailleurs^ tu es un poltron fieffé , s'il y en a mi dans r Armée, N'aie pas peur quon fcn^ 'vie le fruit de tes viéloires ; je te ré- ponds , que toutes les dépouilles , que tu prendras , {appartiendront : mais ^ je m^aîtends bientôt à 'voir ta 'vile Car- cajje devenir la Proie des Corbeaux l^ des Vers. Bentley n'ofapas répliquer: mais, cre- vant de dépit & de rage, il fe retira , dans la réfolution de faire parler de lui- par quelque haute entreprife. Il prit pour fon Compagnon d'armes fon cher ÏVotton , & ils formèrent enfemble le F 6 del»- ^; 11^ BATAILLE delTein de tomber fur quelque quartier négligé du Camp ennemi. Ils marchent fur les cadavres de leurs Amis maflacrez.; & enfin, par plufieurs detours tortueux, ils parviennent touttremblans aux Gar- des avancées dts^^nàens. Ils jettent les yeux de tous cotez, pourvoir s'ils ne dé- couvriroient pas quelquesGuerriers blef- fez 5 eu quelque Héros que la laiTitude ait enfevelis dans un profond fommeil. Tels deux Chiens Domeiliques , que leurGourmandife naturelle & la Difette de la maifon affocient , fe préparent , malgré leur lâcheté, à attaquer pendant les ténèbres de la nuit le bercail de quel- que riche Padeur. La Lune, témoin de leur dtilein criminel, darde perpen- diculairement Tes raïons fur leurs tètes coupables. Qiioique de temsentemsils en découvrent le brillant vifage dans quelque Bourbier, ils n'ofent pas y ab- boier ^ mais , taciturnes , & la queue bafie , ils avancent vers la proie, d'un pas lent & circonfpeci:. L'un s'arrête, pour voir s'il ne découvre rien dans la plaine d'alentour \ pendant que l'au- tre va reconnoitre par-tout , efperant trouveràquelque diitancedu bercail les membres de quelqu'agneauà demi dévo- ré , DES LIVRES. 117 ré , relies méprifables des Loups affa- mez , ou des Corbeaux finillres. Avec la même crainte , & la même circonfpeélion, marchoit ce couple de tendres Amis , quand de loin il décou- vrit deux CuirafTes brillantes fufpenducs a un Chefne, & près de-là leurs PolTei^ feurs enfevelis dans un agréable fommeil. Les deux Amis décidèrent parle fort, à qui cette entreprife tomberoit en parta- ge > & la deltinée fe déclara pom Be^f^ ley. Il fe met auiFi-tôt en marche : de- vant lui vont la confufion & l'étonne- ment; l'horreur & la fraïeur fui vent Tes pas. Quand il fut tout près du butin , il vit Phaîaris & /Efope '^' , deux Héros de marque parmi les Anciens , profonde- ment endormis. Il bruloit d'envie de les dépêcher l'un & l'autre , & déjà il fe préparoit à lancer vers la poitrine de Phaîaris fon redoutable Torch on "àlVàzYih à une longue perche : mais , la DéelTe Fraïeur retint fon favori entre fes bras glacez-, &, voïant le danger qui menaçoic fes jours , elle le força à fe retirer au plus vite. Dans le même moment, les deux Guerriers, fans fe re veiller, fe tour- ne- * Voïcz l'AvertiiTement du Libraire. I îi8 BATAILLE nerentavecimpetuofité; le mouvement de leurs corps répondant aux images trompeufes qui les amufoient pendant le fommeil. Phalaris fongeoit qu'un vil Poètereau l'aiant fatirifé , il l'avoit en- fermé dans Ton Taureau d'airain , où le malheureux rempliiïbit l'air de fes meuglemens.Pour ^fope^W révoit qu'il étoit étendu h terre avec d'autres Chefs des Anciens 'y & qu'un Ane, s'écant déta- ché, les fouloit aux pieds ,& les ataquoit par des ruades redoublées. Le divin Bentley^ effraie du mouvement involon- taire de ces deux Capitaines, n'ofa rien entreprendre contre eux: il fe contenta de faifir leurs armes j & il fe retira, pour aller rejoindre fon cher Wotton. Cejeune Héros, cependant, avoit tra- verfé les Campagnes , pour chercher quelque Avanture digne de lui. Il par- vint à la fin au bord d'un petit ruiffeau, dont la fource n étoit pas éloignée. Les mortels l'apellent Hypocrene. Il s'y ar- rêta; &, prelfé de la foif, il voulut Ta- paifer dans ce criflal liquide. Trois fois fes mains portèrent l'eau facrée à fa bou- che, & trois fois elle s'écoula à travers- fes doits. Il fe jette à terre , pour ne plus tromper fa cruelle foif; mais, fesle- vr€S> DES LIVRES. up vres n*avoient pas encore baifé cette on- de pure , quand Jpollon arriva près de-là. Ce Dieu plaça fon bouclier entre la fource & le ruijfeau \ & Wotton^ plongeant fa tête juiqu'au fond, ne fe remplit la bouche que d'une boue ép aille. Q.uoiqu'aucune fontaine de l'univers n'ofe comparer la pureté de fes eaux , avec celle de fes ondes facrées , il ne lailTe pas d'y avoir au fond une efpece de fediment de limon & de boue ^. Ju» piter a donné cette qualité à V Hypocrene y à la prière ^Apollon , afin que la puni^ tion fût toute prête pour ceux , qui ofe- roient y toucher d'une bouche impure; & pour les imprudens , qui fe hazarde* roient à s'y plonger trop avant. Près delà fource même, IVotton apper- çut deux Héros d'entre les ennemis. Il ne reconnut pas le premier, mais il diftingua clairement les xxd\x.sàt Temple^ Général des Alliez des Anciens. Il étoit ocupé a * L'Auteur pr.étend ici turlupiner Texaéle Cri- tique des Modernes , qui creufent trop dans la Poëfîe des Anciens , & qui l'examinent avec beaucoup de rigueur par les Règles llériles du. Boa-Sens.. I20 BATAILLE ^ puifer cette onde pure dans Ton cat que , & à la boire à coups redoublez. A cette vue , protton fentit Tes mains trembler , Tes genoux chancellerent , & cependant il fe parla ainfi à lui-mê- me : O / ft je pouvois terrajjer ici ce Def- tru^eur fatal de nos 'Troupes , quelle ne fer oit pas ma réputation parmi nos Chefs ! Mais^ de l'ataquer de front ^ d'opofer poi- trine à poitrine ^ bouclier à bouclier^ lance à lance , quel Moderne o fer oit ypenfer feu- lement \ car ^ il combat comme un Dieu: Apollon, ou la guerrière Pallas, fe trowvent toujours à fes cotez. O ! ma Mere , con- tinua-t-il , fi la Renommée ne trompe pas les faibles mortels y en publiant que je fuis fils d'une fi grande Déefie , acordez-moi d'atteindre Temple avec ce javelot, ^e le coup renvoyé fur les rives du noir Oo- cyte 5 i^ que chargé de dépouilles je re- tourne triomphant à ï Armée que vous fa^ vorifez. Les Dieux exaucèrent une partie de fa prière , par Finterceffion de fa Mere & de Momus\ mais, un vent excité par la deflinéediiïipa le refle dans les airs. Wotton faifit fon javelot, & après Ta- voir branlé avec toute la force dont il étoit capable, & que fa Mere augmen- toit DES LIVRES. 121 toit encore, il!e lance au Héros, qui ne s'y attend pas. Le dard perce Tair en fifiant, parvient à peine jufqu'au bau- drier du grand Temple , & tombe à terre comme un fardeau inutile. Le Héros nefentit pas feulement que le ja- velot le touchoit : il ne fentendit pas même tomber; & îVotton auroit pu re- gagner fes Troupes, avec la gloire d'a- voir lancé impunément fondard contre un Chef de cette reputation. Mais Jpollon^ courroucé de ce qu'un javelot, lancé par l'adiflance d'une Divinité 11 infâme , avoit profané les bords de fa fontaine, prit la figure d'un 11 aprocha d'une démarche lente du jeune Boyle^ qui fe trouvoit auprès de Temple-, il lui montra le javelot & le Moderne , qui avoit eu l'audace de le jetter; & ordonna au jeune Guerrier d'en prendre une promte vengeance. Bo^le , couvert d'Armes , que les Habi- tans du haut Olimpe lui avoient don- nées d'un commun acord, avance auOi- tôt fur l'ennemi tremblant , qui n'ofe l'attendre de pied ferme. Tel unjeime Lion des plaines de la Lyhie ^ que fon Père accablé d'âge envoie à la chaife , ou pour chercher de la proie, ou pour exer- 122 BATAILLE exercer fa vigueur, & pour augmenter Tes forces , trav^erfe d'une courfe impe- •tueufe les Collines & les Vallons ; il fouhaite avec ardeur de voir defcendre des montagnes quelque Tigre carnuiTier, ou quelque Ours furieux. Par hazard, la voix importune d'un Ane fauvage choque l'oreille de l'animal magnani- me. Quoique peu avide de tremper fes griffes dans un fang fi vil, fatigué pourtant de ce bruit désagréable, que \ Echo , auiTi peu judicieufe que le refte de fon Sexe , répète avec plus de plaiiir que le chant de Pblîomele^ il fe refond à vanger l'honneur de la foret > & , d'un feul coup de ï^s griffes invinci- bles il déchire la Bête bruïante. Tel Boyk pourfuivit Woîton , qui , fuïant devant lui, auroit fotihaité d'égaler la rapidité du vent. Mais, accablé d'armes pefantes , & lourd de fon naturel , il commença à rallentir fa courfe , quand il apperçut fon cher Bentley chargé des dépouilles des deux Héros Anciens , dont la valeur étoit enfevelie dans le fommeil. ^^y/^? le vit venir : &, remar- quant d'abord le Cafque & le Bou- clier de fon Ami Pbalaris , que le jeune DES LIVRES. 123 jeune Fleros avoit depuis peu poli & doré de fes propres mains -f, il s'anima d'une noble fureur; &, les yeux enflam- mez de colère, il lailTa-là Woîton , pour fe jetter fur ce nouv^eau venu. 11 defiroic ardemment de vanger fes Amis offenfez fur tous les deux; mais, ils avoientpris leur fuite de differens cotez. C'eft ainfi qu'une Femme rulîiique, à qui la quenouille fournit dans fa cabane une maigre fubfiftance , fi par hazard fes oyesfont répanduspar le village, court tantôt d'un coté & tantôt de l'autre , pour forcer ces animaux vagabonds à rentrer dans la hute. Ils rempliiTent l'air de leurs cris , fe jettent dans la Campagne, & en remuant leurs ailes ils s'efforcent à rendre leurs corps plus légers pour leurs pieds chancellans. Cell ainfi que Boy le pourfuivit > c'eft ainfi que ce Couple d'xVmis fe conduifit dans leur fuite. Voïant à la fin , que leurs efforts étoient vains, ils fe joignent courageufement , s'arrêtent, & attendent le terrible ennemi. D'abord , Bentley lui lance un javelot de toutes fes forces ; mais, f Voïez l'AvertiiTement du Libraire. Bo^h a.voit public une nouvelle Edition de Fhalariu 124 BATAILLE mais , Minerve en aïant araché la pointe d'acier, au milieu de l'air, y en mit à la place une autre de plomb, qui, après avoir choqué le bouclier du Héros , tom- ba à terre toute émouflee. Alors Boyle ^ prenant fontems avec beaucoup de juf- tefTe , faifit un dard d'une longueur & d'un poids extraordinaire \ & , comme ce couple d'Amis étoit ferré cote contre cote, il tourna du coté droit, & avec une force furnaturelle il lança le jave- lot fatal. Bentley voit aprocher fa mal- heureufe deflinée : il couvre fes cotés de fes bras, dans l'efperance de fauver du moins fon corps de ce coup terri- ble \ mais , la pointe entre , elle pafTe par les bras & par le flanc, & ne perd pas fa force 5 avant qu elle ait auffi percé depart en part le vaillant Wotton^ qui, voulant foutenir fon ami expirant, par- tage fon trifle fort. Tel un habile Cui- finier perce d'un feul coup de fa broche aiguë \q,s corps d'une couple de cocqs de bruiere, dont les ailes font ferme- ment atachées à leurs tendres flancs. De la même manière la lance du divin Boyk traverfe les deux amis : ils tom- bent à terre avec un bruit horrible , unis dans leur mort, comme ils Tavoient été DES LIVRES. i2f été dans leur vie. Ils étoient tellement atachez l'un à l'autre , que , ne paflant que pour un feul corps , ils auront fau- ve fans doute la moitié du paffage de l'avarice de Caron, Adieu , couple lié par les plus faints noeuds de l'amitié mutuelle \ adieu, Orefte & Pyiade de notre âge > vous quittez un fejour od peu d'amis vous reflemblent. Si TEf- prit & l'Eloquence ont encore quelque force , vous ferez heureux , vous ferez immortels. . . . , Défunt aeîem. RE- «*<£ ^j« J»..*. *j* *>,* •••.'» jc-j^ -5^1* -»/» ^.'* ^j* «-Y* . *\* *J& j-.,€ .^jC REFLEXION s U R U N B A L A Y. Hans le goût des Meditations de Mejfire F\,ohert Boyle. piSSpOntemplez ce 5^/^j jette igno- ^ p P minieufement dans un coin. ^ g Je l'ai vu autrefois dans un ^^'*^^^ état florilTant. II o cup oit une place honorable dans une grande foret. 11 étoit plein de fue , couvert d'une verdure riante , & de rameaux épais. En vain l'induflrie de l'homme veut com- batre la nature , en atachant h ce trône defeché l'ornement étranger de quelque branches flétries. Ce n'eil tout au plus qu'un arbre renverfé , qui porte Tes branches vers la terre , & fa racine en l'air. REFLEXION, &c. 127 Pair. Il eft manié à préfent par les fer- vantes les plus maulîades , condamné à fervir d'inftrument à leurs viles occu- pations • &, par le fort le plus capricieux, il elt defliné à fe falir , dans le tems qu'il nettoïe toute autre chofe. Ufé à la fin dans ce trille fervice, il efl jette dans la rue, ou bien il eft mis en piè- ces , pour allumer le feu. Quand je l'examine, je foupire, & je ne faurois m'empécher de me dire à moi-même: Certainement , V Homme mortel neft qiiun Balay, ^ La nature envoie l'homme dans le m.onde, vif &robufl:e, fa tête ell ornée de fes propres cheveux, branches natu- relles des ^végétaux raifomiahles , jufqu'à ce que la hache de l'intempérance cou- pe ces rameaux iÀ gais & fi riants , & le laiffe un tronc dépêché. Alors , il a recours à l'Art j il fe charge le front d'un vil amas de cheveux étrangers tous couverts de poudre 5 il en paroit fier, comm.e d'une dépouille gîorieufe. Si Qt Balay ^ que nous voïons-là, vculoit fe donner des airs fur ce faifleau de bran- ches , qui ne font pas de fun cru, & qui font tous couverts de poufîîere , quoi qu elles fervent peut-être adonner de 12.8 REFLEXION de la propreté à la chambre de la plus belle Dame , fa vanité ne nous paroi- troit-elle pas ridicule , & méprifable au fupréme degré ? Nous fommes des juges également aveugles , de notre propre mérite , & des défauts d'au- trui. Mais , dira- 1- on , un Baïay efl Temblem.e d'un Arbre appuïé fur fa tê- te. Eh! je vous prie, qu*efl-ce que l'homme , qu'une créature toujours tournée lens deilusdenbus? Sesfacultez animales ont toujours le deffus fur fa raifon ; fa tête eft placée où devroient être fes pieds , elle fe vautre toujours dans la terre. Avec tous ces défauts , il veut être le Réformateur general des erreurs & des vices , il fouille continuellement dans tous les égouts de la nature, il met en lumière des ville- nies cachées , il excite une épaifle poufliere où l'on n'en voïoit point auparavant , & en même tems il fe plon- ge dans les ordures , dont il veut dé- baraffer les autres. Ses derniers jours font confumez dans l'efclavage des fem- mes 5 & d'ordmaire de celles , qui le méritent le moins , jufqu'à ce qu'ufé juf- SUR UN BALA Y. iz^ JLifqu au bout , comme Ton Frère le Baiay , il foit chalTé de la maiibn , à moins qu'il n'ait dequoi allumer un feu , auprès duquel les autres s'échau- fent. T f C'eft ici une Satyre des Vieillards amou- reux, qui, comme on dit, donnent les Violons, pour faire danfcr les autres. Tome IL PEN- l (T^";) (^' (;^ (jp (Tp ffp crp ffp (T{vD 5?^) (r(u-:i>^ àmàmàààà^:ûàÉràà PENSEES DÉTACHÉES, M O Px A L E S E T DIVERTISSANTES. ^^^^^-Ous avons juflement autant ï' it IV S ^^ Religion , qu'il nous en |tv%^4^$ f^'-it , pour nous iiaïr les uns "^^-'^^^ les autres ; nous n'en avons pas aflez , pour nous porter à la ten- drefle mutuelle. 2. Q_uand nous réHéchifTons fur ks évenemens pafTez , les Guerres^ les E- Tiieutes^ les Negociaîms-y nous nous é- tonnons de ce que les hommes fe font donné tant de mouvemens , pour des chofes fi pafTagéres : fi nous confide- rons le tems préfent , nous voïons pré- cifement la niêm.e humeur intrigante, qui Pense'es Détachées, &c. 131 qui s'occupe fur les mômes Evenemens; èc nous ne nous en étonnons point du tout. ^. L'Homme fuge tire des conjec- tures & des conclurions de Texameii de toutes les circonltances des cho- fes ; mais, le moindre incident , qu'il n'elt pas poiïible de prévoir, eit capa- ble de donner aux affaires , des tours iî peu attendus , & traine après lui des revolutions fi furprenantes , que le fage efl fouvent aulli peu en état de juger des évenemens, que riiomme du mon- de le plus ignorant, & le moins expé- rimenté. 4. L'Efpriî: décifiF eft une excellen- te qualité pour les Prédicateurs 6c pour les Avocats ,' parce que celui qui veut obîruder Tes pen fées Ql les raifons à une multitude , n'en peut perfua- der les autres, qu'à proportion qu'il en paroit fortement convaincu lui- même. y. Comment peut-on s'atendreàvoir les hommes recevoir de bonne grace les Con fe ils qu'on leur donne fur leur con- G z duite, 1^2 Pensées Détachées duite , quand on les voit rejetter avec dédain les avertiiTemens qui regardent un danger préfent qui les menace. 6. J'ai' oublié , fi parmi \qs chofes qui font perdues fur la Terre , & qui ie confervent dans la Lune , Artofte met les Confeiîs -, il auroit du les y placer aulïï bien que le Tcms, 7. Le feul Prédicateur, dont on pro- fite, c'eit leTems. Il nous donne préci- fement le même tour d'efprit , que les gens d'âge fe font efforcez en vain de nous infpirer. 8. Qiiand nous defirons ou recher- chons certaines chofes , notre ame ne s'attache qu'à leur face lumineufe , & riante : quand nous les poiTedons , nous ne les confiderons , que de leur coté fjmbre & ténébreux. 5>. On remarque dans une verrerie, quun artifan, qui jette quelques poi- gnées de charbons froids dans le feu, femble l'étouffer; mais, un feul moment après, la flamme fe ranime, & prend une nouvelle vigueur, Ce Phénomène peut être IMORALES ET DIVERTISSANTES. I 33 être une Embicme jufte de l'utilitc des pafTions , qui, judicieufemenc atiiees , femblent traverfer les operations de Ta- me , quoique dans le fond elles Fempè- chent de tomber dans une langueur lé- thargique. 10. Il femble -que certaines gens croient que la Religion eil tombée en enfance, & qu'elle doive fe nourrir de Miracles , comme du tems qu elle étoic encore au Berceau. 11. Tous \qs accès du plaifir font contrebalancez par un degré égal de chagrin, & de douleur- celui, qui s'y abandonne, reilemble à un prodigue , qui dépenfe pendant l'année cou^'ante la moitié du revenu de celle qui fuit. II. Les derniers jours de l'hom.me llîge fe paiTent entièrement à fe guérir des folies, des préjugez, & des fauffes opinions , qifil a contra6lées dans fa jeuneiTe. 13. Si un Auteur veut favoir , par quelles routes il fe rendra agréable à la poilerité , qu'en examinant les Livres G 3 de 134 Pensées Détachées, nos Prédecefleurs, il prenne garde a ce qui l'y charme le plus , & à ce qu il y regrette davantage. 14. Qiîe les Grands Seigneurs ne fuient pas les dupes des magnifiques Pro- ineiles des Poètes. Il efl: certain qu ils ne donnent l'immortalité qu'à eux-mê- mes. Nous admirons Homère & Virgile^ & non pas Achille ou Mr.ée. Il en eft tout autrement des Hiftoriens : nos penfées s'ocupent entièrement des Eve- nemens , àt% A61ions, des Perfonnes, dont ils nous parlent \ à peine avons- nous le loifir de fonger à celui qui nous. ks dépeint. If. Une marque certaine qu'un hom- me , qui paroit avec éclat dans le Monde , eil véritablement un grand Génie, c'eft laConfpiration, que tous les petits Ef- prits trament contre lui. \6. Les perfonnes, qui poiTedent tous les avantages de la vie humaine, font dans un état , où un grand nombre d'accidens peuvent les troubler & leur donner du chagrin, & où peu de cho- fes font capables de letir donner du plaifir. 17. II Morales et Divertissantes. 155: 17. Il ed ridicule de punir les Pol- trons parTInfamie: s'ils lavoienc crain- te, ils n'auroient pas été poltrons. Le fupplice qui leur convient jC'edla mort j puiiqu il n'y a que la more qu'ils crai- gnent. iB. Les p'us belles Inventions font trouvées d'ordinaire dans les (iccles les plus ignorans ; tels font fufage de la Boujfole 5 deJa Poudre-à-carmi 5 y V In:-' pimerie^ qui ont été tirez des ténèbres de l'Ignorance, par la Nation la plusflu- pide, les // i5>. Une preuve , qui eO: feule capa- ble de faire voir la faufTeté de ce qu on débite d'ordinaire fur \t% fpeftres, & fur les apparitions , peut être tirée de l'opinion générale , qui veut, que les Efprits ne fe montrent jamais, qu'aune feule perfbnne à la fois. Si on expli- que ces paroles par une interprétation fenfée , elles ne veulent dire , fi-non qu'il arrive rarement , que dans une Compagnie il fe trouve plus d'une per- fonne hypocondi-iaque à un certain de- gré. G 4 20. Je 116 Pensées Détachées 20. Je m'imagine qu'au jour du Juge- ment, il y aura peu de connivence pou^^ les gens éclairez, qui auront manqué du coté de la Morale , ëz pour les ignorans qui auront failli du coté de la Foi. Cefl ainfi que les avantages de l'habileté & de l'ignorance feront égaux. Je crois encore que quelques doutes , dans les habiles gens , & quelques vices, dans les ignorans, feront facilement pardon- nez à la force de la tentation. 11. La valeur de pludeurs circonflan- ces dans I'liiftoire eft extrêmement di- minuée par réioignement des Epoques. 11 y en a pourtant de très-petites en apa- rence, qui répandeni: un grand jour fur les évenemens; cScii faut un Efprit très- judicieux dans riîiftorien, pour en fai- re un bon choix. 27. Cet Jgc Critique ell une Expref- fion devenue aufTi fort en vogue par- mi les Auteurs , que ce Siècle Corrompu left parmi les Théologiens. 23. Il y a quelque cnofe de comique, à oblèrver les obligations , que lefiecle pré- Morales et Divertissantes. 137 préfent impofe aux fiécles futurs. Les f.ecles futurs pcirkront de ce fait. Ceji une affaire qui s'attirera rattention de toute la pofierité. On ne fonge pas , que la pollerité fera comme nous, & qu'el- le n'emploiera Ton tems & fes penfées, qu'aux choies préfentes. 24. Le Camaleon , qui , felon les fen- timens des Naturalises , ne fe nourrit que d'air , a de tous les animaux la langue la plus déliée , ôc la plus vive dans fes mouvemens. 2;. Il arrive dans les Difputes ce qui ell ordinaire dans les Armées. Le Parti le plus foible étale des lumières trom- peufes, & fait un bruit exceirif, pour donner à Tennemi une haute idée de fes forces. i6. Qiiand quelqu'un en Angleterre Cil fait Pair jpiriluH du Roïaumjc, il perd fon Noyn. de Fardilh : fi quelqu'un de- vient Pair temporel , il perd fon Nom de Bateme. 27. Certaines gens , fous' prétexte G f d^eX' 158 Pense'es Detache'es d'extirper les préjugez , déracinent la vertu, la probité, & la religion. 2.8. Dans plufieurs Républiques bien réglées , on a eu foin autrefois de borner par des Loix les PolTeiTions des Particu- liers. Plufieurs fortes raifons y ont por- té les Legillateurs ; une entr'autres , à laquelle on fait le moins d'attention. Quand on renferme les defirs des hom- mes dans certaines bornes , il arrive que, dès qu'ils ont acquis tout ce que les loix leur permettent de poffeder , leur inté- lét particulier n'ocupe plus leurs paf- fions j & ils font obligez de leur donner pour objet l'intérêt public. 2^. L'Homme n a que trois moïens de fe vanger de la Cenfure du Public ; de la meprifer , d'ufer de rép réfailles , & de fe conduire avec tant de précaution qu'il n'y donne déformais aucune prife. On fait oflentation de la premiere de ces méthodes ; la dernière ell prefque impoiïible , c'eft la féconde qui a la vogue. 30. Hérodote nous dit que, dans les pais froids 5 les Animaux ont rarement de* Morales et Divertissantes. 135. des Cc/'-atj:, mais que, dans les païs chauds^ ils en ont de fort grandes : on pourrcic faire de cette remarque une application afiez plaifante. 31. Ceux qui font la latire la plus fi- ne de tout ce qui regarde les Procès , ce font les Aftrologues , quand, par les règles de leur Art, ils prétendent déter- miner, quand lis feront finis , & à l'a- vantage de quel parti ils feront décidez. De cette manière, il font dépendre tout lefuccès de l'influence des étoiles, fans avoir le moindre égard à la juftice de la caufe. 31. J'ai fort fcuvent entendu tour- ner en ridicule ce qui efl dit dans les Li- vres Apocryphes , touchant l^ohie^ & ion Chien qui le fuivoit. Cependant , Ho- mère s'exprime plus d'une fois de la me- m.e manière à l'égard de 'Tckniaque, Virgile dit encore quelque chofe de fort aprochant ^E^candre\ & je m'imagine» que le Livre de Toùie eit en partie écrie en vers. 33. J'ai vu des hommes, qui avoient d'excelleates qualitcz, être d'un grand G 6 ufage '140 Pense'es Detache'es ge pour les autres, ëc irès-inuiilespour t u X -in c m es . C ei t a i n fi q u' u u quadra n , placé au frontifpice d'une maifcn , fait favoir quelle heure il eil k tous les voi- fiiis d'alentour , fans rendre le même fervice aux propriétaires , qui font dans la niaifon même. ^4. Si quelqu'un avoit f:iit un Catax logue exact de toutes les opinions, qu'il a eues depuis ion enfance jufqu'à fa vieiilelTe, fur \ Amtur ^ la Pciiîique^ la Religion , & le Savoir- , quel afreux Ca- hos de Contradictions n'y trouveroit-il pas ? 3f. Nous ne favons rien de ce qui fe fait dans le Ciel , mais nous favons ce qui ne s'y fait pas. O/i ne s'y marie foint , c^ Von n'y donne point en ma* riag?. -2^6. QjLiand on obferve le choix de nos Dames 3 & leur manière de difpoferde leurs faveurs , on ne fauroit que refpedler la mémoire de ces Cavalles^ dont parle Xcno[hon. ' Tant qu'elles confex**voient leur crinière 5 c'eft-à-dire leur beauté & Morales et Divertissantes. 141 & leur jeunefle , elles ne vouloient pas foufrir les carefles d'un Ane. 57. La fituation la plus miferable , c elî: d'etre fafpendu entre l'Efperance, & la crainte : c'eft vivre dans une per- pétuelle incertitude ; c'eil-là le trifte état auquel fat condamnée Arach,*é changée en Aragnée par Minevce. File qiddem ^ -pende îamen , imprcba , dixit, 38. Vouloir trouver le moïende fup- pléer à Tes befoins , en retranchant Tes paiïions , c'eft fe couper les pieds quand on a befoin de fouliers. Les Médecins ne devroient point opiner fur les matières de Religion par la même raifon qui nous oblige, en Angleterre , de ne point admettre les Bouch ers parmi les Juges jurez^ quand il s'agit de la vie ou de la mort de quel- qu'un *. 40. La * On fait peut-être , qu'en Angleterre^ quand il s'agit de condamner quelqu'un à mort , on choi- fit douze Perfonnes d'entre le Peuple , qu'on ap- pelle G7 142 Pênse'es Detache'es 40. La raifon , pourquoi il y a fi peu de mariages heureux , c'eft que Ja plu- part des jeunes DaPxies s'apliquent à faire des Filets^ & non à faire des Cages. 41. Un homme , qui prête quelque attention aux objets qui frapent Tes yeux dans les rues , trouvera \ts vifages les plus gais dans les carofles de deuil. 41. Rien ne rend un homme plus in- capable d'agir avec prudence , qu'un defaflre accompagné de crime & d'in- famie. 43. Le pelle des Jurez ^ parce qu'ils font ferment de ju- ger felon leur confcience. On leur expofe le Fait dans toutes i^cs circonflances , & on le confronte avec les Loix du Païs. Enfuite, on \qs laiiTe en- fcmble , jufqu'à ce qu'ils foient tous du même fentiment. On n'admet pas les Bouchers au nombre de ces Jurez-, àcaufede la cruauté qu'ils contradent par leSang, qu'ils répandent journel- lement. L'Auteur ne veut pas , par une -Raifon femblable , qu'on permette aux Médecins de dé- cider fur la Religion, où il s'agit de la Vie & de la Mort éternelle 3 parce qu'il les confidere com- me les Bouchers du Genre-humain. D'ailleurs, rhabitude de voir foufrir des miferables les rend durs : & la fenfibilité eft une excellente di/polî- tion du cœur , pout adherer à la Religioa, Morales et Divertissantes. 14? 43. Le pouvoir de la fortune n'eft reconnu que par les miferables. Les gens fortunez attribuent tout leur bonheur à leur prudence^ ou à leur mérite. 44. On s'acquite quelquefois des em- plois les plus bas & les plus vils , par un principe d'Ambition. Cell ainfi qu'un homme qui monte eil précife- ment dans la même attitude , qu'un homme qui rampe, 4S' Les Amis d'un mauvais caraftere relfemblent aux chiens, qui falilTent le plus ceux à qui ils veulent marquer le plus de tendreiTe. 4^. La cenfure efl une taxe qu'un grand homme païe au public pour la fuperiorité de fes lumières & de fon mérite. w E S- ^2J ^ V **' '*"' V V '*' V V **'■ V "^^ ^ "*' V V 3' " ESSAY DANS LE Gout le plus moderne SUR LES FACULTEZ DE L'AME, EN FORME DE LETTRE. Monsieur, VOus êtes unfîgrandJmaîeur des An- tiquitez^ que je crcis pouvoir fuppofer raifonnabîement ^ qu on ne fauroit que vous faire plaiftr , en vous offrant quelque chofe de nouveau. Irrité depuis ïong-tems contre ces petits Auteurs , qui^ dans leurs EJjays , i^ dans leurs Dif cours Moraux , fe jettent dans les Lieux-conrrnuns , s'égarent loin de leur fujct , {fj cachent leurs Livres tout ca^ tiers fous les Citations les plus ufécs , j'ai refo' ESSAY SUR LES, &c. 145 yefolu de faire un Ejffay deharajfé de tou- tes CCS Fautes ^ ^ propre à fer-vir de mo- délie aux jeunes Ecr'roains. Vous ^verrez ici des Penfées fv des Remarques abjolu- 7}ient neu-ves , des Citations ou aucun autre na touché feulement , enfin un ftijet de la plus grande importance traité avec toute la méthode ^ avec toute la clarté pofjl- hies. Cet Ouvrage ma coûté un tems con- fiderahle : je vous conjure de le recevoir i3 de le regarder comme le dernier effort de mon Génie. Les Philofophes diiènt que ITîomme ell un AlicrocofiTie , ou petit Monde en miniature , qui reprefente le grand dans toutes Tes parties. Je fuis encore perfuadé , que le Corps naturel peut par- faitement bien être comparé au Corps Politique. Et fi cette Comparaifon efl juile, comment eftil pofïïble que les Epicuriens difent la vérité, en foutenant que rUnivers a été formé par un con- cours fortuit d'Atomes ? Je ferai prêt cà embralTer leur opinion, quand je verrai les Lettres de l'Alphabet , jetées à tout hazard , former un Traité de Philofophie auiîi favant qu'ingénieux. Rifum tenca- tis ami ci. ï ior. Cette t^6 ESSAY SUR LES Cette fauffe opinion en doit de ne- cefllté produire plufieurs autres, de la même manière , qu'une mauvaife digcfiion ell fuivi d'autres digeitions plus mau- vaifes. Tout bâtiment, qu'on s'eforce à élever fur une baze foible , doit crouler nécef- fairement. Cell ainfi que les aveugles mortels font conduits d'erreur en er- reur, jufqu'à ce qu'enfin, avec Ixion , ils embraiTent un Nuage , au lieu d'une DéeiTe, ou qu'avec le Chien de la Fa- ble ils prennent la réalité pour l'ombre. Des opinions de cette nature n'ont au- cune cohérence-^ mais, femblables à la terre & au fer , unis enfemble dans les pieds delà Statue de Nabucodonozor ^ el- les doivent fe féparer , & tomber en pieces, J'ai lûdans uncertain Auteur, qu'v^- lexandre pleura un jour, parce qu'il n'y avoit qu'un Monde à conquérir ^ & il auroit fort bien pu s'épargner ces lar- mes , fi le concours fortuit des Atomes étoit capable de produire des Mondes. Auiïi , ce fentiment ridicule efl plus à la portée du vulgaire, cette Hydre à plu-^ fleurs têtes , qu'à celle d'un Homme aufïï fage (]\i Epicure : & je croi fort, Que FACULTEZ DE L'AME. 147 que les plus corrompues de fa Sefte n'ont fait qu'emprunter le nom de leurilluflre maitre, pour donner cours à cette opi- nion impertinente ; fembJables au iinge , qui fe fervoit des griffes du chat, pour tirer les ciiataignes des cendres chau- des. Cependant , le premier pas qu'il s'agit de faire pour guérir un malade, c'eft de bien connoître la nature de Ton in- difpofition: &, quoique la Vérité foit difficile à trouver, parceque, felon le fentiment d'un Philofophe , elle demeure au fond d'un Puits , il n'elt pas necef- faire de fe fermer les yeux de propos dé- libéré 5 & il me fera permis, j'eipere, d'offrir ma pite au milieu d'un fi grand nombre deperfonnes, qui me furpalTent en Erudition . Quelquefois un Specla* teur voit mieux les coups , que lesjoueurs eux-mêmes. D'ailleurs , je ne croi pas , qu'un Philofophe foit obligé de rendre compte de tous les Phénomènes de la Nature, ou de fe noïer avec Jriftoîe^ faute de favoir expliquer le flux & le reflux. Sa meilleure fentence n'efl pas celle, à coup feur,- qu'il s'apliquaà foi* même dans cette facheufe conjon6lure: ^i'-a ic mm capio , tu capies me. On peut 148 ESSAY SUR LES peut dire, quil fut dans cette occadon le Juge i^ le Criminel, V Accufateur 13 le Bourreau, Sa faute fut d'autant plus grande, que Socrate ofa bien avouer , qu'il ne favoit rien; lui, que fOracle avoit déclaré le Sage par excellence. Pour finir cette longue Digrefïïon, je dirai qu il me paroit aufll clair qu'une Démonilration a'EucUde, que la Na- ture ne fait rien en vain. Si nous étions capables de fouiller dans fes tréfors les plus cachez, nous verrions, que le plus petit brin d'herbe, & les végétaux les plus méprifables en aparence, ont leur utilité particulière. Elleeit fur-tout ad- mirable,dans fes plus petites produérions. Le moindre ù, le plus vil des infectes en découvre le mieux YJrt^ s'il m'eft per- mis déparier ainii, quoi qu'il fcit fur , que prenant plaifir à varier fes Ouvra- ges, elle laiiTe VArî bien loin derrière elle , comme obferve parfaitement bien un Poëte. Naturam excellas furçâ , îamen upiue recurret. Il ell vrai , que les différentes Opinions des i FACULTEZ DE L'AME. 149 des Philoibphes ont répandu dans le Monde autant de maladies de lame , qu'il efi: forti de maladies du corps, de la Boete de Pauclcre; avec cette diffe- rence pourtant, quelles n'ont pas laiiTé Fefperance au fond. Si la Férue n'a pas quitté la Terre avec j^Jiyée , du moins efl-elle auiïï cachée , que la fource du A7/; & Ton ne fauroic la trouver que dans YUtopie. Je ne pré- tends pas par-là avancer une propofi- tion injurieufe pour les Sages de l'Anti- quité: ce feroit une efpece d'ingratitude î èc celui qui apelle un homme ingrat le charge de tous les vices imaginables. Ingratum fi dixeris^ omnia dicis. Mais, quand je devroispafler pour un Auteur, qui aime à débiter des Para- doxes, j'oferai foutenir, que ce qu'il y a de plus blâmable dans les Philofophes c'eit \ orgueil. Ipfe dixit ; en voila allez , pour obliger quelqu'un às'atacher aveu- glement à leurs idées. Quoique Diogene vécût dans un Tonneau, peut-être ca- choit-il autant d'orgueil , fous Tes Gue- nilles, que le Divin P/^/^;^ fous fa Robbe fuperbe. On t^'o ESSAY SUR LES • On nous raporte de ce Philofophe Cynique, que quand udlexandre\Q. vint voir, & lui promit tout ce qu'il vou- droit demander, il lui répondit ainfi : Tirez vous d'entre moiç^ le Soleil^ £5? ne rnotez pas ce que vous ne [auriez me dofk^ ner. Et par-là il fe montra audi extra- vagant , que cet autre Philofophe , qui jetta toutes fes richefles dans la Mer , en prononçant ces paroles remarqua- bles • • • • Qiielle difference ne remarque-t-on pas entre cet Homme , & cet Uliirier , qui , étant averti que Ton Fils dépenferoit tout ce qu'il avoit amafle , répondit : Il ne trouvera pas plus de plaifir a le pro- diguer y que je rien ai fenti en ï accumu- lant. Ces fortes de gens voient les fautes d'autrui, & font aveugles pour leur pro- pres défauts, qu'ils portent dans le fac qu'ils ont derrière le dos. Non videmus id niantic£ , quod in tergo eft. Je crains bien d'être cenfuré, pour la liberté de mes fentimens, parcesil/(y- rnus envieux , que les Auteurs adorent par un principe de crainte , comme les Indiens facrifient au Diable. Ils feront tous leurs efforts , pour donner autant de FACULTEZ DE L'AIME, i/i de playes à ma reputation , qu'on en voit à X image , qui eft placée au frontifpice de TAimanac. Maisjjeméprife leurs coups, & peut- être ces viles mouches voleront il long- tems autour de la chandelle , qu'à la fin elles y brûleront leurs ailes. Ils me le pardonneront bien, fi j'ofe leur don- ner cet avis , & fi je les prie de ne point inveftiver centre des chofes , qui font au- delîus de leur Sphere. Leurs critiques ridicules ne font que découvrir leur vile jalouzie , cette pafilon qui fe déchire elle-même , & qui furpafFe tous les tour- mens inventez par les tyrans, dont la cruauté a été la plus ingénieufe: Invîdià , S'icidi non invenêre Tyranni Tormcntu'ûi majus. Juv. Je ne crois pas me donner ici des airs, -en alTeurant mes Cenfeurs , & certains apprentifs Beaux - Efprits , qu'ils font auffi peu en état de juger de mes Ou- vrages 5 qu'un homme né aveugle eit caDable de diftin^uer les couleurs. J'ai toujours obferve, que les tonneaux vui- des faifoient le plus de bruit > & je me foucie des coups de fouet de pareilles gens, ïf2 ESSAY SUR LES gens, aufli peu que la mer iè mit en peine de ceux de Xcrxes. Je iai bien , que la plus grande faveur, qu'on puilTe atendre d'eux , ell celle que Polypheme promit à UliJJe , d'être dévoré le dernier. Ils s'imiaginent vaincre un Auteur à la manière de Céfar ^ ip^vunFeraj ^vidi ^ vici. J'avoue, que je fais un cas extraor- dinaire du jugement d'un petit nombre de gens fenfez , d'un Rhymer , d'un Deny s ^ d'un Welsh \\ mais, jçqmx dire mon fentiment des autres en fort peu de mots, je crois, qu'on peut alTeurer , que le vuide , dont les Phiîofbphes ont fi long- tems difputé , fe trouve dans le cer- veau de ces petits Efprits. Ils ne font que les Guêpes du Monde favant ; ils dévorent le miel, & ils ne veulent pas travailler eux-mêmes. Un Auteur ne doit pas s'en em.baraiTer d'avantage, que la Lune ne fe mzi en peine des ab- boïemens d'un Dogue. En dépit de leurs terribles rugilTemens, il efb facile de découvrir chez eux l'Ane fous la peau du Lion. J'en reviens à mon fujet. Qu'elle ell la t Auteurs médiocres. FACULTEZ DE L'AME, ry^ la premiere partie de l'Orateur ? deman- da quelqu'un à Demofthem. \J AEiion^ dit- il: la féconde? \ A^ïon \ la troifiéme ? XAciion\^ ainfi jufqu'à Tinfini. Ce Principe peut être veritable par raporc à X Art Oratoire \ mais , il efl certain , que la contemplation s'étend bien au de-là à^'^XA^ion. C^Xi pourquoi un homme fage n'ell jamais en meilleure Compagnie, que quand il ell ièul. Nunquain minus folus y quàm ctun folus. ArcJjîmede^ ce fameux Mathématicien, étoit fi attentif à fes Problèmes, qu'il n'apperçut pas feulement le Soldat, qui étoit venu pour le tuer. Je n'ai pas la moindre envie d'ôter quelque chofe à la Gloire, qui efl due aux Orateurs, & à leur Art ; mais. il eit bon de confidérer pourtant, que la Nature, qui nous a donné deux yeux pour voir, de deux oreilles pour écou- ter, ne nous a donné qu'une feule lan- gue pour parler. Il efl vrai que certai- nes gens favent donner tant d'exercice à cette petite partie du corps humain, que les ^irtuoft , qui ont fait tant d'ef- forts, pour trouver le mouvement per- Tome IL H petuel tf4 ESSAY SUR LES petuel 5 peuvent le découvrir là fans peine. Il y a des gens , qui ont une haute idée des Républiques , parce que les Orateurs y fleuriflent le plus , ôc qu'ils fe font toujours montrez ennemis jurez de hTyramie-^ mais, à mon avis, un feul Tyran vaut mieux qu uni^^entaine. Ces beaux-parleurs ne font qu'animer la multitude, dont pourtant la coleren'efl qu'un court accès de fureur : Ira furor hre'vis eft. Après tout, les Loixne font que des toiles d'Araignées , qui prennent les Mouches , & qui font brifees par les Guêpes. Cela foit dit en paiTant. Pour ce qui regarde l'habileté de FOraceur, il eil certain , que fon grand Art confifle à cacher TArt. y^rtîs cft celare arîera. Mais 5 ce talent ne s'acquiert qu'avec le tems, & à force de réfléchir , & de profiter de toutes les occafions qui fe prelentent. Si on ne s'en faifit point, on ne fait que travailler à la toile de Penelope, qui défaifoit pendant la nuit, tout ce qu'elle avoit tiflli pendant le jour. FxVCULTEZ DE L'AME, tf^ jour. Ce qui confirme encore ce que je viens d'avancer , c'efl Pobfervation que j'ai faite, que XOccafion efl repre- fentée chauve par derrière, & avec un toupet de cheveux au front. Cette Em- blème fignifie, qu'il faut la prendre aux cheveux , parce qu'on l'appelle en vain ^ quand elle efl une fois pafTée. Fronîe capilîata , pofi efl occaflo caîva. L'Ame humaine reflemble d'abord h une table rafe , s'il m'efl: permis de parler ainfi , ou à une cire, qui, pen* dant qu'elle efl molle , cil fufceptible de toutes fortes d'imprefTions ; elle con- tra6le peu à peu plus de confin:ance,& de dureté , jufqu'à ce qu'enfin la mort vient farrêter au milieu de fa carrière. Les plus grands Conquerans ont enfin fuccombé fous les coups de la Parque, qui n'épargne perfonne depuis le Scep- irejufqu à la Houlette. Mors omnibus ccmmums, • Toutes \qs Rivieres fe jettent dans la Mer, mais aucune n'en revient. Qiiand Xerxes fit h revue de fes Troupes in- H 2 nom- ï is6 ESSAY SUR LES nombrables, il pleura, en conflderant, que, de tant de millions d'hommes 5 per- fonne ne feroit en vie dans Tefpace de cent ans. Anacreon fut fufFoqué par un pépin de raifins > & Ton meurt de joïe , aufîi bien que de douleur. Rien n'efl confiant dans le monde , que l'in- conflance ; ce qui n'empêcha pas le di- vin Platon de foutenir, que, li la vertu paroiflbit aux yeux des humains , avec tous fes ornemens naturels , ils feroient tous charmez de fa beauté. Néanmoins, l'intérêt gouverne tellement le monde à préfent \ & ce que les Anciens apel- loient , aurea medïocritas , eil tellement méprifé parmi nous ; que nous ferions une fort mauvaife reception à Jupiter lui-même , à m.oins qu'il ne defcendit fur nous , comme une pluie d'or, de la même manière, qu'il trouva l'entrée ce la tour de Danaé. Les mortels , dans ce fiecle de fer,laiirent le Soleil couchant, pour n'adreffer leur Culte, qu'au Soleil qui fe levé. Dome eris f dis muïtos mimer ahis am: cos. Je mets ici des bornes à ma DifTerta- tien , que je n'ai entreprife, que pour obéir FACULTEZ DE L'AME. 1^7 obéir à vos ordres. Il me fall oie un motif de cette force , pour m'expofer aux cenfures de cet /Jge Critique. Si j'ai fatisfait à ma matière , ou non , c'eil ce qu'il faut laîllerà décider aux lumiè- res du Lefteur favant & judicieux. Quoiqu'il en fbit , je puis efperer da moins , que cet ElTay encouragera quelque Génie d'un autre ordre que le mien à traiter le même Sujet, avec plus de fuccès. II î DIS^ »i* *j* *.» ■»■.* ♦j** -♦j* ♦,% '^,* •»•,•» ♦,« -••.«► ♦■,*^ •»-,» •».♦> ♦,* »,* t -- C^^ Cp^ Cp^ C-A tpA C^ C'A C;/. 07- rp^ CrA C^^ C5A C^ Cp^ ^J* v* V-^ yV i^Çr fc^* «.-ir ^r^ V* &•> s,«V »T* v^ V* V^s' »?«- DISSERTATION OÙ l'on prouve Q.UE L^ABOLISSEMENT D U CHRISTIANISME E N ANGL. ETERRE pour oit 5 dans les Conjonctures pré- fentes^ engager nos Roïaumes dans quelques Inconveniens , £5? peut- être ne pas produire tous lesAvan^ tages qu'ion femble enatenâre. Cet Ouvrage a été fait Tan 1708. I^^^ME fai parfaitement bien , que p T p rEfprit humain ne donne ^.^ If jamais des marques plus fen- m^m^ flblesdefafbibleiîb, ^de^i préfomption , que lorfqu'il veut em- ployer Dijjh-tatlon contre , o^c. i f p ploier le raifonnement , contre les opi- nions généralement reçues , contre les modes , & contre les habitudes , qui ont pris le deUlis.Je me fouviens, qu'on a confidéré avec beaucoup deiuitice, comme une choie extrêmement favora- ble à la Liberté du Peuple , & de la Prêt- fe, ladefenie qui a été faite, de parler, d'écrire , ou de faire des gageures , Qon- ixtYUmon ^% avant qu'elle eut été con- firmée par le Parlement. .On menaça môme les transgreileurs d'une punition fevere , avec beaucoup de raifon : on ne fauroit confiderer ceux qui s'opofent au torrent des idées communes , que comme des Peturbateurs du Repos pu- blic. Sans parler de l'Extravagance, qu'il y a à former toutes fortes de pro- jets évidemment inutiles, il efl certain, que ces gens-là commettent un crime de Lèzc' Société ^tn péchant contre ce prin- cipe fondamental , la voix au Peuple cjl la voix de Dieu, Je crains bien , que , par Its mêmes rai- fons , il n'y ait de l'imprudence à argu- menter contre l'AboliiTement du Chrif- tianif- ♦ La famcufc Union de l'EcoiTe & de TAnglc- terre. II 4 i6o Di£hîatîon contre tianifiiie , dans une Conjoncliire , où l'on remarque , que tous les partis , & toutes les cliiTerentes Se6tes , y ont le Hicme panchant; comme il paroit clai- rement , par leurs Difcours , leurs Ecrits , Kk leurs Actions. Malgré cette confi- deration 11 forte , Ibit par une fingula- rité affectée , foit par la perverfité ordi- naire de la nature humaine , foit par une force fuperieure de ma deRinée, il m eil impoiî.ible d'être entièrement de cette opinion. J'avoue même, que quand je ferois far , que le Procureur-Général me pourfuivroit en juflice , je ne fau- rois m'empècherde foutenir^ que, dans la fituation préfente de nos affaires, il n y a pas une neceflité abfoluë de déra- ciner entièrement le Chriflianifme dans notre Patrie. Cette Propofition paroitra peut-être furprenante , dans un fiécle fi fage , & fi amateur mêmie des Paradoxes > &, pour cette raifon, je manierai ce fujet avec toute la délicateffe , & toute la précaution imaginable, en manquant, auffi peu qu'il me fera pofiible , au ref- pe6t qui eft du à la pluralité des 'voix, J'obferverai ici en paffant jufquhquel point le génie univerlel d'une nation eft fu- tMoUJfement du Chrijîianîfme, i6t fujet à changer en moins d'un demi- fiécle. J'ai entendu dire à des gens d'âge, qu'ils fe fouviennent d'un tems, où Je ientiment contraire à celui , qui ell à préfent généralement adopté , avoit abfolument la vogue , & où le projet d'abolir le Chriilianifme auroit paiFé pour auiïi abfurde , que le paroit à pré- fent la hardieiTe d'écrire contre une pa- reille entreprife. J'avoue ingénument, que "toutes le$ aparences font contre moi. Le Syfléme de TEvangile, aïant parmi nous la defli- née de tous les autres Syftémes, ell dé- crié généralement j & il efl trop vieux, pour conferver encore quelque relie d'Autorité. Toute la maffe mém.e du. petit Peuple , où le credit du Chriilia- nifme s'eit Ibutenu le plus long-tems, en a à préfent tout autant de iionte ^ que les perfonnes de naiiïance. Je nb m'en étonne pas; \q.s opinions, comme les modes , defcendent par cnfcade du noble jufqu'au bourgeois; de-là^ elles: tombent au miheu du vulgaire,. comme. dans un canal où] elles s'écoulent,. (Se diiparoilTent à la fin entièrement- Avant que d'entrer dans la tra^ation> de ma matière , je fuis obligé ^ pour II 5* oteir iCi Bïjfertafîon contre ôter toute ambiguïté , d'emprunter une dinftin6lion de certains Auteurs, qui font une difference entre l'rmtaires de Nom ^i^trinitaîres réels. J'efpere qu'au- cun Le6leur ne fera aflez injufle à mon égard , pour fe mettre dans Tefprit y que mon deiïein eft de défendre le Chrif- îiamfme réel^ qui, dans les premiers fie- cles , s'il en faut croire les Auteurs de ces tems-là, influoit fur les idées & fur les a6lions des hommes. Je conviens , que ce feroit-là le projet du monde le plus abfurde & le plus pernicieux. Ce feroit vouloir détruire d'un feul coup toute l'Erudition du Roïaume , tous les Arts, toutes les Sciences, & tous ceux qui les enfeignent. Ce feroit vouloir renverfer toute la Conflitution de notre Patrie , ruiner notre Commerce , & changer en Deferts la Cour & la Bourfe, Il y auroit la même abfurdité , que Ton découvre dans le Confeil , que don- ne Horace aux Romains , de fe tirer de leurs vices, & de la corruption de leurs mœurs , en abandonnant leur Ville , & en cherchant une nouvelle demeu- re , dans quelque coin reculé de l'Uni- vers. Quoique dans le fond cet avertifle- meoft T AboliJJement du Chrijlianifme, 1(^3 ment ne foit pas des plus néceflaires, j'ai trouvé bon de le faire, pour éviter toute chicane. Pour le Lecteur éclairé & bénévole , il comprendra facilement-, que le but de mon Difcours ne fauroit ctre , que de défendre le Clmftianifms (k Nom\ pLîifqu'il y adéjabiendutems, que le Chyïfiianifmc réel a été aboli, par un confentement unanime , comme abfo- lument incompatible avec nos Syftcmes; de RichelTe & de Grandeur. Mais, j'a- voue , qu'il m'ed impoiïible de com- prendre , qu'il doive fuivre de-lk nécenai- remuent , qu'il faut abjurer le nom de Chrétiens. Je vois que tout le monde s'y accorde \ mais , je ne laurois conve- nir de la foliditc àts raifons qui les y portent. Je fais bien que les Enfreprc^ jicurs de cette affaire prétendent, que la Nation recevra des Avantages conlide- râbles de la réiiiTite de leur projet, &: qifils font des Objections allez plaufi- b!es contre nos Syflèmes du Chriitia- nifme- mais, je crois, qu'il n'eil pas im- poilible de les réfuter. J'en fais ma ta- che aujourd'hui: je confidererai briè- vement la force de leurs Argumens, <& je promets de la mettre dans tout l mais , on peut y oppofer d'autres difficultez d'un poids tout aufll confiderable. N'efl-il pas aflez néceC- faire , par exemple , que dans chacun de ces territoires , qu'on apelle Paroijfes , il y ait du moins un feul homme, qui fâche lire, & écrire? De plus, il me femble , quon compte , comme on dit , fans [on hôte, quand on s'imagine, que les Revenus des Eglifes de toute notre Ile lèroient fuffifans , pour entretenir, de la manière dont les honnêtes-gens vi- vent dans nos jours , je ne dis pas deux cens jolis Cavaliers , mais feulement la moitié de ce Nombre. N'elt-ce pas tomber dans la dernière des abfiirditez, que de prétendre , qu'il y auroit-Ià de quoi les mettre à leur aife , felon le fens le plus moderne de ces expreilions? Il y a encore dans ce petit projèt-là, quelque ai- 170 Dljfertatîon contre aimable qu'il paroifTe à la premiere vue, un inconvenient caché, mais un incon- venient terrible. N'imitons pas, je vous en prie,rExtravagance de cette Femme, aflez imprudente pour couper la gorge à la Poule, qui lui pondoit tous les ma- tins un œuf d'or. Étendons un peu nos vues jufqu'à l'avenir, & fongeons à ce que deviendroient les races futures. Quel- le efpece de Poilerité pouvons-nous at- tendre de la mauvaife Conftitution de ces gens d'cfprit ^ de flaifir ^ qui, étant venus à bout de leur vigueur, de leur iànté , & de leur bien , font forcez de reparer leur fortune , par quelque maria^ ge désagréable, &de produire des En- fans héritiers de leurs belles manières iâ de leur fouriture ? Au lieu de ces Mefîîeurs-là , nous avons à préfent dix mille hommes, ré-* diiits par les fages Reglemens de Henry VIII. à un petit revenu , qui les force à conferver leurfanté parla diète, & par la continence. On leur feroit le plus grand tort du monde, fi on ne les reA pe6loit pas , comme le fond aiïuré & comme la bafe la plus foHde d'une Pol^ terité vigoureufe. II eil certain que , fans eux, tout leRoïaume deviendroit,dans deux VAholiJfement du Chrîfïïaynfme. 171 deux générations d'ici, un Hôpital uni- verfel. On propofe encore, comme un Avan- tage très^confiderable de l'Abolition du Chriftianifme, le gain clair d'un jour de la femaine , dont la perte rend à pré- fent tout le pais moins confiderable d'un feptiéme , pour le Commerce , les Af- faires , & les Plaifirs. On y ajoute que ^ par la Religion , le public perd tant d'édifices magnifiques qui font entre les mains du Clergé, & dont on pourroit faire à^^ Sales pour la Comédie^ desBour-^ fes^ des Halles^ desMaifom dePlaiftr^ (^ d'autres Edifices publics. On me le pardonnera bien, j'elpere, fi je prends la liberté de traiter cet ar- gument de chicane dans les formes. Je veux bien avouer , qu'il y a eu au tems jadis une coutume parmi nosCon^ citoïens d'aller tous à l'Eglife , les Di- manches ; & je crois que c'eft , pour en conferver la mémoire, qu'il y a encore des gens, qui, ce jour-là, ferment leurs Boutiques. Mais , quel obflacle imaginable trou- ve-t-on là-dedans pour les afiaires, & pour les plaifirs ? Eft-ce un Çi grand malheur , pour les gens qui favent vivre , de iji Dijfertation contre déjouer dans leurs maifons, unfeuljour delafemaine? LesCafFez, & les Caba- rets, ne font-ils par ouverts les Diman- ches, comme les autres jours ? Y a-t-il un tems plus convenable , pour prendre Médecine? LesFillesde Joie font-elles alors plus chiches de leurs faveurs que de coutume? N'ell-ce pas un tems très- utile au Négocians , pour ajufler les comptes de la femaine palTée \ ôc aux Gens de Robbe, pour préparer leurs Pie- ces? Par raport aux Eglifes, je ne com- prends pas comment on peut prétendre, que cefontàpréfent desbâtimens, dont le public ne tire pas le moindre ufage. Ce font les lieux du monde les plus propres pour les Rendez- vous amoureux. Les bancs , qu'on y a placez vis-à-vis de la chaire, font les endroits de l'Univers , ou un habit magnifique paroit le plus à fon avantage > & il n'y a point d'édifice dans tout le Roïaume , où l'on fafile de plus grandes afîàires, & où l'on dor- me mieux. Un Avantage infiniment plus confide- rable paroit devoir fuivre de l'Abolition du Chriftianifme : c'ell YExtin6lion gé- nérale de toutes nos Faftionsjenfiammees fur- T JhoUJfement du Chrijliamf?-ne, 17^ fur-tout, paries Noms odieux & effica- ces de Haute Isj Baffe Eglije , de JVhigs t5? de Toris , d'Anglicans (^ de Presbyté- riens. Tous ces Partis fervent à préfent d'entraves à nos compatriotes : ils bor- nent toutes leurs aélions, à chercher les avantages d'une telle faclion , &l'abaif- fement de telle autre , fans leur permet- tre défaire la moindre attention au bien public. Si j'étois fur que V Extirpation duChrif. tianifme calmât toutes ces animofitez pernicieufes , je me rendrois d'abord, &jenediroisplusun feul mot contre le projet en queftion ; mais , peut-on dire , que fi aujourd'hui un xVèle du Parle- ment chaflbitdu langage les mots, /»^/;7- Jarder, s'enyvrer, fourher^ mentir^ z^oler^ nous nous lèverions tous demain y^^^j-, temper ans ^ juftes^ integi'es ., amateurs de la 'vérité ? La confequence eft-elle bien exa6le ? Quoi ! il les Médecins nous dcfendoient de prononcer les termes de Goûte .^ de Graduelle , de Rheumatifme , &c. cet expédient feroit-il un Talisman aifez efficace, pour détruire toutes ces maladies mêmes ? L'efprit de parti & de faction fait dans les coeurs des im- pref- 174 Dljfertaîion contre prefTions trop fortes , pour être effacées fi facilement , par la fuppreiîîon de quel- ques termes empruntez de la Religion. Si ces expreiïlons odieufes perdoientpar- mi nous le droit de Bourgeoifie, ren- *uie , V orgueil , V ambition , £5? r avarice font des Diéiionaires allez complets , pour nous en fournir d'autres. En cas de ht^din^Heyduks^ Mameluks^ Manda-- rinsj Bâchas, ou quelque autre terme formé à tout hafard pourroient fervir à diflinguer ceux, qui font dans le Mini- ftere , d'avec ceux qui voudroienc bien y être, s'ils pouvoient. Qu'y a-t-il de plus aifé que de changer quelques Phrazes , & au lieu de parler de YEgli- fe, de propofer comme un Problème.» Ji le Monument eft en danger , ou non ? Si la Religion a été aflez officie ufe pour offrir la premiere à nos efprits fa6lieux quelques termes caufliques , s'en fuit-il que notre imagination n'efi pas affez ri- che, pour nous dédommager de leurs perte ? Suppofons que les Toris fe dé- claraffent pour la Signora Margarita ; les Whigs , pour Mademoifelle Tofts ; & les Modérez , pour Valent ini * : Marga- ritiens^ ♦ Aôrices , & Auteur , de l'Opéra de Lo?idr€s. T Jholijjment du Ch'ijïiànîfme, ijf riî'mîs^ I'd f tien s ^ &. Fakntinieris , n^ Ïq^ roient-ce pas d'affez beaux No?ns de Par^ ti? LaFa6liondes Prajini & àtsFeneti^ la plus turbulante qui ait jamais troublé V Italie , a tiré fon nom , fi je m'en fouviens bien , de quelques rubans de différente couleur. Eft-ce que chez nous le bleu & le *vert ne peuvent pas rendre le me-' me fervice , & partager aufil bien la Cour, le Parlement, & tout le Roïau- me, qu'aucune Dénomination emprun- tée de l'Eglife? Par confequent, cette Obje6lion contre leChriltianifme, mal- gré cette apparence plaufible dont elle nous éblouit d'abord, eft dans le fond peu de chofe- & l'Avantage, dont t\\Q nous flatte, n'efl qu'une pure chimère. Nos Entrepreneurs foutiennent enco- re 5 que c'eil une coutume d'une abfardi- té très-ridicule , de louer & de païex une troupe de gens, pour brailler, une fois par lemaine, contre les méthodes, dont on fe fert le plus communément , pourfe procurer de la Grandeur, de la Richeire,& duPlaifir. Cette Objection fait pitié : elle eft indigne , en vérité , des Lumières- d'un fiecle auffi éclairé , que le nôtre. J'en apelle au gout rafiné de tout tj6 ÏHJfertaÙGn contre tout Efpf'ft fort ; & je lui demande , il, en cherchant à fatisfaire quelque paf- fion favorite , il n'a pas toujours fend un merveilleux furcroit de plaifir, en longeant que ce qu'il faifoit étoit dé- fendu ? Cen'eft uniquement, que pour cette raifon , que la SagefTe de nos Legiilateurs prend un foin fi particulier de faire porter aux Dames des Etoffes défendues, & de faire boire à nos gour- mets du Vin dont on ne permet pas rentrée *. Il feroit à fouhaiter même , qu'on augmentât ces fortes de défenfes , pour donner de la pointe aux plaifirs des fujets; qui, faute de pareils expe- diens, commencent à tomber en lan- gueur, & à devenir de plus en plus ac- ceflîbles aux Maladies de laRatte. Gn propofe encore , comme un Avan- tage très- confiderable, que. fi on bannit une fois l'Evangile de nos Roïaumes , elle envelopera dans fa ruine toute Re- ligion en général , avec tous ces préju- gez pernicieux de Féducation, qui, fous les noms à^Fertu^ de Conjcience^ à' Hon- neur^ & de Jufiice , ne font que trou- bler * En faifantdes Edits contre les EtofFcs étran- gères, 6c contre les Vins de Fiance, rjhlijfement du Chrijîianifme. 1 77 bler le repos de l'homme, & que ce qu'on apelle 'veritable raifon ^ force d'ef- pit ell prefque incapable de déraciner pendant tout le Cours de la Vie. J'obferverai d'abord , qu'il edplus dif- ficile , qu'on ne penfe , de défaire le langage d'une phraze dont le public s'eil: une fûisentété ; telle eit cette expref- fion qiffi# Il fort en vogue , Préjugez de r Education, Il y a quelques années, que quand on voioit à quelqu'un un nez de mauvaife augure , on attribuoic cette de for mité aux Préjugez de VEdu^ cation. C'eil: de cette même fource , qu'on dérive toutes nos idées ridi- cules de la Juftice^ de h Pieté, de/'^* 9?wur de la Patrie^ de la Diviniié , d'une Fie future, d'un C/>/&d'un Enfer, iyc. Il fe peut bien , qu'autrefois cette pré- tention n'étoit pas fans fondement > mais, on a depuis peu tellement changé la méthode de l'éducation ^ on a eu 11 grand foin d'éloigner de l'Efprit de la jeuneiTe ces fortes de Préventions, que je dois avouer à l'honneur de notre âge, fi poli & fi éclairé , que les jeunes Ca- valiers, qui font àpréfent fur la Scene, ne paroiiJent pas avoir la moindre tein- ture de ces petitelTes d'efprit. Ces raci- Tome IL I nés ijo Dljfertatlon contre nés de crédulité , &de fuperltition, ne fe trouvent pas dans leurs cœurs ,& par confequent il n efl pas néceflaire d'abo- lir le Chrifiiaràfme de nom , pour les ex- tirper. Peut-être même pourroit-on nier, qu'il foit utile de bannir de Tefprit du vulgaire toute idée de Relidon. Ce n'eft pas que je fois du fentiwfltdeces Rêveurs, qui prétendent, qu'elle n'eit qu'une Invention ces Politiques , potir tenir le petit Peuple en bride , par la crainte de certaines puifTances invilibles. Si leur fentiment efl fondé , les hom- mes d'alors doivent avoir été bien dif- ferens de nos Contemporains. Je fuis perfuadé , que toute la maife de notre Peuple Anglois peut difouter aux per- fonnes de la premiere qualité le rang de l'Incrédulité , & de l'Irréligion. Ce qui me fait avancer le problème fufdit, c'eit que je conço's , que quelques no* lions vagues d'un Etre fuprcme peuvent fournir caesmoïensexcellens, pourapai- fer les Enfans qui font les mutins , & des Ueur^-coy^ràiuns aàrnirahks^ pour nous amufer pendant les ennuieufes foiréesde riiyver. Le dernier avantage, qu'on prétend tirer V AhoViJfcment du ChriJUainfme îj^ tirer de l'Abolition du ChrilUanirme , c'elt qu'elle contribuera beaucoup à réu- nir toutes les différentes parties du Corps Prctcfiarit , en faiuint main bafle fur tous les Syflémes de Théologie, & fur toutes les ConfeiTions de Foi. Par-là, dit-on 5 on donnera l'entrée à tous les Nonconformifies , qu'on éloigne à prefent, pour l'amour d'un petit nombre de Cere- monies, qui pailent pour indifférentes parmi les gens Teniez de tous les partis. C'eft le feuî moïen de venir à bout de cette Ujiion fi impraiiquable jufqu'à pre- fent; Si tout le mionde pourra entrer fans peine par la large porte, qui leur fera ouverte de tous cotez. A préfent , en marchandant & en cliicanant avec les NcnQcnformïJTes , fur un petit nom- bre de formalitez , on entr'ouvre ièule- ment un petit nombre de guichets, oiî "fon ne fauroit entrer, qu'un à un, non ians faire de violens efforts , 6c fans courir rifque d'étouffer. Je réponds à cette Objection fpecieti- fe , qu'il y a dans le coeur humain une -padion favorite , qui prétend avoir des liaifons étroites avec la Religion, quoi- que celle-ci ne foit, ni fi Mere , ni fa I 2 Ma- 1 go Dîjjerfaîion contre Maraîne, ni fa bonne Amie : cVfl: TEi^ prit de Contradi6lion , qui a été au monde long-tems avant le Chriflianifme , & qui peut aifement fubfiller fans lui. Examinons , par exemp]e,furquoi s'exer- ce rEfprit de Contradi6lion , parmi les Se^aires de notre Ile^ nous verrons que le Chriltianifme n'y influe en aucune manière. L'Evangile nous prêche-t-il un air morne , une démarche roide, un habilement particulier, un langage dif- ferent de celui des gens raifonnables ? Non , il prête feulement fon nom à ces fortes de fadaifes 5 & , s'il n'en étoit pas le prétexte, la fource, dont elles fe ré- pandent , fe jetteroit fur les loix du Roïaume , & troubleroit la paix publi- que. Il y a une doze d'Enthouliafme afiignée à chaque Nation , & fi on ne lui fournit pas des objets convenables , elle eil capable d'éclater, & de mettre tout en feu. Si l'on peut acheter le repos d'un Etat, en l'amufantpar quel- ques Cérémonies, & par quelque forma- litcz dans le culte , il me femble , qu'il eil d'un homme fige , de ne le pas né- gliger. Que les Matins fe divertiifent , & s'exercent fur une peau de mouton rem- V Aholljfement du Chrifiîanïfme, 1 8 1 remplie de foin , pourvu qu'on les dé- tourne de fe jetter fur le troupeau. L'intention des Couvents , qu'on trouve en fi grand nombre dans d'au- tres pais , n'elt pas fi deilituée de Sa- geile, comme on pourroit bien le croi- re. 11 y a fort peu de pafllons irregulie- res , & de penchans fougueux , qui ne puilTent trouver le moïen d'avoir leurs coudées franches , (Se d'éclater librement, dans quelque Ordre Religieux. Tous les Cloîtres font autant d'Afyles de Réi-etirs , de Mélancoliques , d'Orgueil/eux , de Grondeurs de profejffïon^ & de^^;^; àco7n^ plot. Ils font les Maîtres d'y évaporer \qs particules , qui feroient fi pernicieu- fes dans des membres ordinaires de la Société ; au lieu que, dans notre Ile , nous fommes obligez d'afîigner à chacu- ne de ces humeurs peccantes i^ dange- reufes une Se6le à part , pour les empê- cher de fe jetter fur l'Etat. Si jamais on aboHt le Chriftianifme, il faudra de ne- cefîlté , que les Legiflateurs trouvent quelque autre moïen, pour en détourner le cours. Qu'importe de quelle largeur foit une porte que vous ouvrez, il vous êtes fur , qu'il y aura un grand nombre de gens, qui fe feront un honneur, & I 3 un î8i JDiJftrtatlon contre un mérite, de n'y pas entrer, à quelque prix que ce foit. Aïant de cette manière confideré les Objt6lions les plus fortes qu'on peut fai- re contre le Chriftianijrrie en que fi ion ^ <& ]es principaux avantages , qu'on fe pro- met du projet de l'abolir, je vais à pré- fênt, avec la même foumiffion pour des gens plus habiles que moi , expofêr au jugement du public- un petit nombre d'InconvenienSjque cette Abolition pour- roit bien trainer après elle, & auxquels il femble que les Entrepreneurs n'ont pas fait alTez d'atention. Je fuis perfuadé que nos Gens d'Efprit & de Plaifir , nos jolis Gens y font fort fujéts à murm.urer, dès que leur vue ell choquée par quelque Ecclefiardque crot- té. Mais, ils ne confidérent pas, ces fa- g^s Réformateurs , quel avantage , quel- le félicité y c*ell pour de grands Efprits d'être toujours fuffifamment pourvus d'objets de mépris , & de raillerie. Rien n'efc plus propre h exercer & à aug- menter leurs Taîens , &. à détourner leur bile de leurs Compagnons & d'eux- mêmes. Tant qu'il y aura des Gensd'E- glife, ces beaux Génies auront dequoi turlupiner, & le favant Auteur du Livre intitulé les Droits de VEglife Chrétienne ^ qui ell: du même Caraftere que les beaux Ouvra- ges du grand Ttoland , s'elt reconcilié fous main avec l'Egli.^e Romaine , & continue toujours à en être le tendre Fils. Je pourrois en ajouter d'autres ; mais , la chofe efl hors de contefle : aufîi }e motif de leur conduite efl parfaite- ment bien raifonné. Ils font perfuadez, que /' MoViJfement du Chrïfnanifme. 1 87 que fi jamais le Chriftianifaie efl aboli parmi nous , le Peuple ne manquera pas de fe ménager quelque autre Culte \ ce qui ne peut que le jetter dans la 6'/-^- perfiitiofi^ & de-là dans le Pafifme, J'en conclus que fi, malgré tout ce que je viens d'alléguer, on s'obftine à propofer un jS/V, touchant rAboliflement du Chriflianifme , il fera bon d'y faire une légère corre6lion , & de m^ettre le mot de Religon ^ au lieu de celui de Cbriftiarîifme\ ce qui fatisfera beaucoup mieux aux véritables vues des Entrepre- neurs, Tant que nous foufrirons dans la nature un Dieu & une Providence , avec toutes les confequences que pou- ront tirer de-Ià certains raifonneurs cu- rieux , nous ne toucherons point à là racine du mal , quelque mxefurcs que nous prenions contre le Chriftianifme , tel qu'il efi: établi parmi nous. A quoi fert la liberté de la penféc^ 11 elie ne pro- duit point la liberté de fa^ion^ qui en ell l'unique but? Quoi qu'elle iemble n'a- voir rien à démêler avec les Objections qu'on fait contre la Religion Chrétien- ne , cette liberté de l'ucîion ne fau- roit jamais être complette , tant qu'il refiera, parmi les hommes, la moindre 1 6 idée 1 88 Dijfcrîatîon centre idée d'an Legillateur Souverain. Auflî les EJ prit s forts en veulent- ils réelle- ment à la Religion en général : ils la confidérent comnieun Edifice ^àoTïHou- tes les parties font fi fort dépendantes les unes des -autres , qu'il ne peut que crouler fur ïcs fondemens , dès qu'on en arrache le moindre clou. Leur penfée là-deiTus a été très-heu- reufement exprimée par un homme , qui, entendant énerver un PalTage fur lequel on prétendoit fonder la î";"/;?///, conclut par une longue fuite de Syllo- gifmes , que ft ce Paffage neprouvoit rien , // étoit permis de do'nner dans le crime 13 dans la débauche ^ fans fe mettre enpeine des in'-jeciives des Prédicateurs. Il n'efl pas néceilaire d'alléguer plu- fieurs autres preuves , pour faire voir évidemment 5 que l'intention des Efprits forts n'ell: pas d'ataquer quelque Arti- cle de la Foi Chrétienne, qui leur pa- roit de dure digeflion^ mais, de ren ver- fer toute la Religion, qui, refferantles actions humaines dans certaines bornes peu4: être confiderée comme l'ennemie de la liberté de pen fer , ^ d'agir. Si néanmoins on fonge à faire palTer ce BU fans y rien changer ,& qu'on en at' i T JhoUjffement du Chrijîianifme, 1 8^ attende de fi grands avantages pour l'E- tat & pour l'Eglife , je ferois du moins d'avis de le différer jufqu'à la Paix , afin de ne nous point brouiller avec tous nos Alliez , qui par malheur font tous CJorêtiens ^^ parmi lefquels ils s'en trouve , que les préjugez de 1 educa- tion rendent affez bigots , pour fe faire une gloire de porter ce nom. Ceux qui pourroient s'imaginer, quune alliance avec le 'Turc feroient propre à nous dé- dommager de la perte de nos confédé- rez , fe trompent grofhei-ement. Non feulement cette Nation efl trop^ éloi- gnée de nous , & prefque continuelle- ment en Guerre avec le Roi de Perfe\ mais, elle feroit encore plusfcandalifée de noixQ Force d' Efprît ^ que nos Voifms & nos Alliez eux-mêmes. Non feule- ment ces Infidelles reconnoiffent un Cul- te Religieux^ mais, qui pis efl , ils croient en Dieu, ce qui efl fort au de-là de tout ce qu'on exige de nous même dans le tems que nous portons encore le titre de Chretiens. Je finirai par la Remarque que voici. Quelques avantages, que ce projet ma- gnifique promette à notre Commerce, je fuis fur que, fix mois après que l'Aéle I 7 pour î^o DlJJertatkn contre i^c. pour TExtirpation du Chriflianilme fera pafTé, les Aélions de la Banque, & des Indes Orientales , tomberont du moins d'un pour cent j &, puifque la SagelTe de la Nation n'a jamais été d'humeur à bazarder la cinquantième partie d'une pareille perte, pour la Confervation du Chriilianifme , je ne vois pas pourquoi elle voudroit nousexpofer à cette perte entière, fimplementpour avoir le plai- fir de le détruire. PRO- ->t"*î. ere Pf*- c"* f«f îi2- i>*^ cy^ ijTc^i^ilj- cr»- 1££ -Sf-ff-^ré. A^^ — Î- --^, #■"*' .■"*" »!::^j iT*'- t"""*^- d^^ C^^- C*J tT»^ C*0 C^ «^*^ CTj «"^^ rT v ^Z i * * ^ ^ * * * ->*%*. ,-8- ^ >»>$.«.,. -"^ PROJET Four r Avancement de la Religion y ^ pour la Reformation des M O E U R S, AdrelTé à Madame la Comteffe de Berkeley. L\w 1709. M A D A xM E, P'I^^N plaçant le Nom de Votre Wi E ^^ Grandeur devant ce Difcours 5 Pi'/?'?ï5^S J^ ^'^^ ?'^^ l'intendon de vous M^i^^^^ prier de le protéger. Je croi- rois cette prière fort déraifonnable , puil^ que vous ne fauriez recommander, fans être foupçonnée de quelque partialité, un Ouvrage qu'on vous dédie, quoi- que ce foie fans votre aveu , & qu'il vienr I pi projet pour rjvancenknt vienne d'une perfonne qui ne fe nomme pas. Mon deflein veritable eft celui-là même , que j'ai fi fouvent cenfuré dans d'autres Préfaces \ & j'ai refolu de faire votre Eloge. Je ne m'arrêterai pas à Vo- tre NaiiTance, il y a d'autres perfonnes auiïï Nobles que Vous , ni à la gran- deur de votre fortune , il y- en a qui font bien plus riches encore • ni à cette charmante famille , image parfaite de ceux, à qui elle doit fa naiflance^ peut- être que d'autres fiécles , & d'autres pais , en ont produites de femblables. D'ail- leurs , aucun de ces avantages ne donne une perfe6lion réelle à ceux qui les pof- fedent^ ils ne font que donner plus d'é- clat au mérite réel. Ce queje veux louer en vous , Madame , c'eil la pieté , la candeur, le bon-fens , l'heureux natu- rel , l'affabilité , & la charité. Je vou- drois, que, parraport à toutes ces ex- cellentes qualitez, il y eut beaucoup de perfonnes, qui vous égalaflent, & qui vous furpaffaiTent même. Peut-être qu'en ce cas Votre Grandeur échaperoit a l'importunité de cette Epitre. Mais , puifque ces vœux font allez inutiles, je crois qu'il eft avantageux pour la Vertu , & pour la Religion, que tout le Roïau- me de la Religion, îp} me connoifTe votre Cara6lere, & qu'il fâche , que la politefTe la plus aifée Jointe h la pieté la plus folide , brille en votre Grandeur, d^un éclat auffi naturel, que celui qu'on admire le plus dans chacune de ces qualitez feparées, lorfqu'on les trouve dans le cara6lere d'autres perfon- nes. Malgré lestraverfes de la fortune, votre prudence a confervé la fplendeur de l'illullre Maifon, dans laquelle vous êtes entrée ; fplendeur, qui avoir été fi fort éclipfée , par la prodigalité excef- five de plufleurs générations. Vous vous acquittez avec toute l'exaclitude pofïïble des devoirs differens , que la Pro- vidence vous impofe ; témoin l'Educa- tion de vos deux incomparables filles , dont la conduite eft i\ généralement ad- mirée ; témoin ce ménagement judi- cieux, fi convenable à une époufe cir- confpedle, complaifante , & tendre; & ces foins exa6ls , qui s'étendent jufque fur le moindre de vos Domeftiques; té- moin enfin cette bonté, & cette charité pour les pauvres , dirigée par la raifon la plus fure. Il eft utile au public, dis-je, d'être informé de ces grandes qualitez , qui entrent dans le Caraftere de Votre Gran- deur ^ 1^4 Projet pour T Avancement dear: il lui feroit utile encore dele con- noicre entièrement; mais, par malheur, il ne voudroît pas ajouter foi à celui qui fe hazarderoit à l'en inflruire, & il le traiteroit ilms doute d'Adulateur. Pour éviter un reproche fi odieux, je declare que ceci nell pas une Dédicace, mais uniquement une Introduftion à-un petit Difcours , qui traitte de l'Avance- ment de la ReUgion ^ de la Morale: rien n'efl: plus- naturel , que d'entamer cette matière par quelques traits du Caraclere d'une Dame, dont lacondui* te à le même but, que ma DifTertation. Je remarque avec une grande mortifi- cation, que, parmi tous les plans qu'on a propofez au public, dans cet Age fi fé- cond en projets, il n'y en a pas un feul, qui concerne l'Avancement de la Reli- gion , & de la Vertu ; quoique , fans parler ici des confequences avantageufes d'un tel Projet pour la vie à venir, ce foit le moïen le plus naturel & le plus facile d'avancer le bonheur de tout l'E- tat , & la félicite temporelle de cha- que particulier. 11 ell bien vrai, que la foi &. les bonnes mœurs ibnt prodigieu- fement altérées parmi nous ^ ,& néan- moins je croi que, fans beaucoupde pei- ne, de la Religion. 19S ne,^on pourroic les mettre bientôt dans le plus haut degrù de perfe6ticn , où elles puiiient atteindre, dans Pefprit ëc dans le cœur de tout un Peuple. La méthode m'en paroitii aifée, que, pour la mettre heureufement en pratique, il fuffitj à m.on avis, d'en donner une idée à ceux qui y font le plus interef- lez, par l'Honneur^ far k Devoir , ^ par rj[/nour 'propre. Comm.e il leroit abfurde de propofer des Remèdes, avant que d'être afleuré qu'il y a des Maladies qui les deman* dent , & de s'effraïer , fans être con- vaincu de quelque danger; je commen- cerai par faire voir en general, que la Nation efl extraordinaireraenc corrom- pue, tant par raportà la Religion, que parraport aux Mœurs: enfuite, je tra- cerai d'une manière aufii abrégée, qu'il me fera pofTible , un plan de reforme , à ces deux égards. Je fais bien que les Plaintes des Théo- logiens ,fur la corruption dufiecle, ne p ilfent que pour des Phrafes favorites, deftituces de fens-, mais, je ne fuis nul- lement de cette opinion: àjecroi fort, qu'en comparant fans partialité les vices de nos compatriotes d'àpréfent, avec ceux I p6 Projet pour V Avancement ceux d'autres Siècles , & d'autres Na- tions, on ne fauroit que trouver ces plaintes très-fondées. Je n'alléguerai ici que des faits denuez de toute exaggeration , & de tous traits de Satyre ; & je croi que tout le mon- de m'accordera fans peine ce que je vais avancer. Il efl d'abord certain , que parmi nos Nobles, & nos Gens aifez , il y en a à peine un feul entre cent, qui paroiiTe reconnoitre la Religion pour le Principe de fa Conduite , & que la plus grande partie en efl tout prête à avouer naturellement , dans les converfations ordinaires , fon Irreligion , & fon Incré- dulité. Il en efl de même à peu près à re- gard du petit Peuple > fur-tout dans nos grandes Villes , où la profanation & l'ignorance des Artifans , des Marchands du plus bas ordre, (S: des Domeftiques, font montées au plus haut degré qu'on puiiTe s'imaginer. On remarque encore dans les Pais étrangers, qu'il n'y a pas dans tout l'U- nivers une Race de Créatures raifonna- bles 5 qui paroiiTe auiïi peu fufcepti- bles de Sentimens Religieux, que nos Soldats Anglois j & j'ai entendu afTeu- rer de la Religion, IP7 rer à des Officiers de diltiiKSlion, que parmi tous ceux de notre Armée, qu'ils avoient fréquentez, ils n'en avoientpas connu trois, qui, par leurs difcours, & par leur conduite, paruiTent croire un feul mot de l'Evangile. On peut hardi- ment avancer la même chofe , par raport à nos Forces Navales. Les Actions de ces Incrédules ne re- pondent que trop jufte à leurs Sentimens . On ne fait plus ce que c'eft que d'affe6ler du moins laSagefle, 6c de pallier les Vi- ces. On les expofe hardiment aux yeux de tout le monde, comme leschofes les plus indifférentes de la vie humaine, fans le moindre remord de confcience , & fans craindre de s'attirer par-là une mau- vaife reputation. Tout homme vous di- ra , qu'il a été ivre le jour précèdent , ou quilva s enivrer dans le moment même\ & même il vous le dira d'un airauiïî Cava- lier , que s'il vous difoit , qu'il va faire un tour de promenade. Il vous racontera, qu'il s'en va dans un lieu infâme, ouquil en eft revenu en fort mauvais état , avec la mcme indifference, dont il vousdébite- roit une nouvelle: vous l'entendrez ju- rer, renier, profaner, blafphemer, fans ctre animé par la moindre palTion. Il I p 8 Projet pour T Advancement Il eft vrai que le Beau-Sexe eflun peu plus refervé , &. qu'il ne renonce pas abfolument aux foins, qu'on doit avoir naturellement de la réputation \ néan- moins , ces foins n'inquiètent pas beau- coup nos Dames, cS^; elles ne paroiiTent pas trop convaincues, que la Vertu & la Sageflefoient des moïensneceffaires, pour gagner l'eftime du public. Elles n'ont pas grand tort, puifque l'on voit des Femmes galantes aufTi bien reçues par-tout, que celles, qui fe diilinguent par la SageiTe laplus auitere, & qui ne font pas aifez délicates , cependant , pour ne pas honorer les autres de leurs vi fî- tes. Cette manière d'agir n'eftà la mo- de parmi nous, que depuis peu d'an- nées ^ miais , oWt ell dune très-dange- reufe confequence : elle femble établir une efpéce d'accommodement & de Capitulation entre le \\zq , & la Vertu , & permettre aux femmes d'être vicieu- fes jufqu'à un certain point . pourvu qu'elles ne foient pas abfolument profti- tuées. On diroit, qu'il y a un certain -point fixe, où la Galanterie finit, & où 4'Infamie commence-, & que cinquante Intrigues criminelles font impardonna- bles de la Religion. 1 09 blés dans une femme, mais qu'on peut bien lui en paiTer une douzaine. Sans m'étendre d'avantage fur ces for- tes de Vices, qui s'arachent eftrcnte- m^ent le mafque a eux-mcmes, je prie le Lecteur dejetter feulement en paffant la vue fur les irregularitez 6: fur les ex- cès, qui fortent du Jeu comme d'un gou- fre, & qui fe répandent fur \q% femmes auiîl bien que fur les hommes. Parmi les derniers , il eft fécond en fourbe- ries, querelles, juremens, & blafphe- mes \ parmi les autres, il produit la né- gligence des affaires du m.enage , une liberté fans bornes,' des paffions indé- centes , & fort fouvent la débauche , quand la perfonne même ell réduite à la necedité de fuppléer aux défauts de la bourfe. Le Jeu, à cet égard, peut éD'e mis en parallèle avec la Juftice, qui a pour maxime, q^uod 7wn hcd^et in crumenà IdC.t iâ corpore. Mais, ce ne font-là que dQs Bagatelles , en comparaifon d'autres Crimes , qui font devenus fimiliers h notre Nation. Jettons les yeux fur les fraudes & fur les fourberies des Marchands ; fur la Juftice, cet abime d'injuftices & d'ex- torfions ) far le trafic ouvert , qu'on fait 200 Projet pour r Avancement fait des Employs Civils , & Militaires , & qui pourroit bien s'étendre en peu de tems aux Dignitez Ecclefiafliques ^ fur rinfame manière , dont on exerce toutes les Charges ; fur les abus déteftables , qui fe font glilTez dans l'Eleftion de ceux qui doivent reprefenter tout le Corps du Peuple , & fur les faftions & les brigues, qui femblent être l'uni- que objet de l'attention de ces Députez. J'ofe y ajouter l'Ignorance de quelques Membres du bas Clergé , la baflefle & le cœur fervil de quelques autres , & la conduite brufque & brouillonne de quelques jeunes Ecclefiafliques ridi- culement bourfoufîez d'un fot orgueil. Je lailTe-là d'autres particularitez trop odieu- fes , qui influent extrcmiement fur \q,s iîre- gularitez du Clergé, & qui ont attiré, quoiqu'à tort , les mépris du public fur tout l'Ordre. Voilà une efpece de Sommaire des Vices, qui fe font généralement répan- dus parmi nous j & je n'aurois jamais fait, fi je voulois entrer dans le détail. Néanm.oins, quelque profondes racines, qu'ils paroiilenc avoir jettées dans les âmes de nos Compatriottes, je fuis le plus trompé des homm^es , s'il n ell pas de la Religion, 201 pnspoiïibled'yaporter des remèdes effi- caces. Le Projet, que j'ai formé là-del^ fus , n'efî: pas vague , ou uniquemenc propre pour la fpéculation \ mais, je le crois fort aifé dans la pratique. Tant que le droit de difpofer de tous les Emplois refte ataché à la Couron- ne , il eil: au pouvoir du Souverain de rendre la Vertu & la Pieté à la ivlode, en les faîffit confidérer comme des Q.ua- litez neceilairesjpourla faveur, & pour l'avancement. Il eil évident, par une experience que nous faifons dans nos jours, que le feul exemple du meilleur des Souverains n'influé pas d'une manière fort efficace fur les mœurs àiti fujets, dans un fiécle extraordinairement corrompu. A-t-on jamais vu le Trône occupé par une Per- fonne plus excellente que notre E.eine, d'à-préfent ? Je ne m'étendrai pas ici, fur îbn talent pour le Gouvernement des Peuples , fur fa tendreffe pour fes Sujets , en un moi fur toutes fes Ver- tus purement Roïales. Je ne parle que de ia Pieté, de fa Charité, de fa Tem- perance , de fon Atachement pour fon Auguile Epoux , en un mot de toutes ces Vertus, qui relèvent le caractère d'un "Tome il. K par- 202, Projet pour TJvancement particulier , & dans lefquelles en peut dire fans fiaterie , que perfonne ne la furpafîe. Cependant, on peut avancer fans fe faire foupçonner d'un tour d'ef- prit malin , & fatirique , que notre corruption n'eft pas beaucoup diminuée depuis fon avènement à la Couronne; & qu'il n'y arrivera aucun changement avantageux , fi elle ne fe fert pas de mefures plus efficaces que foff^lxemple. Une preuve certaine de laperverllté de la Nature humaine , c'efl que le feul exemple d'un Prince vicieux entraîne- ra en peu de tems la mafle générale de les fujets y &. que la Conduite exemplaire d'un Monarque vertueux n cil pas ca- pable de les reformer , fi elle n'efl pas foutenuè d'autres expédiens. 11 faut donc que le Souverain , en exerçant avec vigueur l'Autorité , que les Loix lui donnent, faife en forte, qu'il foit de Hnterct, (Stderhonneur,dechacun, de s'atacher ci la Vertu & à la Pieté ; & que rinfamie & la difgrace fui ve toujours le Vice , & prive les vicieux de toute cfperance d'avancement. Pour établir ces utiles maximes avec fuccès, il de- vroit commencer parles introduire, dans fon Donieflique, & dans fa Cour. Ne pour- de la Religion, loj pourroic-on pas , par exemple , obliger les Donielliques , & les Officiers fubalter- nes de Sa Majellé , d'affilier une fois par femaineau Service divin, avec des manières décentes, de communier qua- tre fois par An , d'éviter les impréca- tions & les difcours profanes , & de fe conduire , du moins en aparence , avec Sobriété, & avec Sagefle? Nepourroit- on pas les afflijettir à ces devoirs, en punilTant les Transgrelleurs , par la fuf- penfion, ou parla perte, de leurs Em- plois \ Ôc en établilTant des Officiers honnêtes gens, pour prendre garde de près à leurs aftions ? Pour les perfonnes d'un rang plus élevé , qui exercent les Emplois Do- meiliques de la Cour , & qui aprochenc Sa Majeilé même, ne peuvent-ils pas recevoir de pareils commandemens de fa propre bouche ; & ne recevoir des marques de fa bonté , qu'à proportion qu'ils lui obéïirent exaélement à cet égard? Elle pourroit d'ailleurs ordon- ner aux Evêques , & à dautres per- fonnes d'une Pieté reconnue , d'être at- tentifs à la conduite de fes Officiers , & de l'avertir de leur libertinage , tant a K z l'égard 2,04 Projet pour V Avancement regard des fentimens , que par raport aux actions. Déplus, ceux, qui entreroient dans les charges domefliques de la Reine, pourroient erre obligez de faire un fer- inent parallèle à celui dont on impofe la necetlité aux perfonnes', qu'on hono- re de quelque Emploi Eccleliartique, rien ne leur eft plus aifé. Il fuffit, que tout le monde m'acorde, que le mal, dont il s'agit, eflréel, 6c d'une trcs-dange- reufe confequence ; qu'il exige de prompts remèdes^ & que tous ceux, qu'on yaapiiquezjufcju'àpréfent, n'ont produit aucun efîet fenfible. Cqs veritez inconteftables autorifent fuffifamment un Amateur de fa Patrie , & qui n'a pas d'autre but que le bien public , à communiquer à la Nation iQS penfées fur un fujet fi important. Notre Reine eft une PrincelTe auffi refpeélable par i^ts vertus , qu'aucun Souverain qui ait jamais rempli le Trône. De quel nouvel éclat ne brille- roit pas fon admirable cara6lere aux yeux de ies contemporains , & de la poflerité la plus reculée , fi Elle em- ploïoit toute Ion autorité à communi- quer une partie de fcs vertus aies fujets trop abâtardis, pour devenir meilleurs, par fon feul excir.ple ? Qu'il me foit permis de dire 5 avec toute U vénération ele la Religion, zjp que l'on doit à cette Princefle incom- parable , que les efforts qu'elle peut faire, pour parvenir à ce grand but, font une partie efTentielle de les devoirs, de fon intérêt, & de fa gloire. ApréfentjUnhomme croit avoir tout le mérite neceilaire , pour prétendre aux plus éminentes Dignitez, pourvu qu'il ait crié phifieurs fois contre ceux, qui forment de pernicieux defleins contre le Gouvernement. 11 eft vrai que c'eft un homme dévoué à Tes plaifirs, & un Ef- prit fort ^ c'eft-à-dire un Débauché dans les formes, & un Ennemi de la Reli- gion. Qu'importe , c'eft un hom- me utile , propre à foutenir le Parti qu'il a embraffé \ il en mérite toute la confiance. Il eft vif Defenfeur de la Liberté & des Droits du Peuple : il déclame contre le Papiime , contre le Pouvoir Arbitraire, contre les Fourbe- ries du Clergé , & contre la Haute £- glife ; en voilà affez : c'eft un Perfon- nage dûment qualifié , pour quelque charge que ce foit , à la Cour , dans l'Armée , dans la Flotte , ou dans la Politique ; & bientôt il fe voit en état de pouflèr , jufqu'aux derniers rafine- mens 5 1^0 Projet pour V Avancement mens, les Fourberies, la Fraude, la Cor- ruption 5 rOppreiîion , l'Injuflice , & tous les Crimes, qu'il eipere de pou- voir commettre avec impunité. Faut- il s'étonner, que de pareilles genss'ata- client 11 fort à un Gouvernement, où \^ Liberté eil fi excelhve, & où les Su- jets font fi furs de la Propriété de leur Bien, de quelque manière, qu'ils Paient acquife? Ils ne pouroient jamais choifir une autre Conjiitution , fans y perdre con- fiderablement. Une exacte Fidélité pour un Gouver- nement établi efl en effet le moïen principal de le défendre contre les en- treprifes des ennemis de dehors^ mais , Il elle n'eil acompagnée d'autres ver- tus, elle ne préviendra jamais les vi- ces , qui en fappent les fondemens , & qui ruinent pi us furement un Etat , que ne fait l'Ambition des Princes voi- lins. Si mes Propofitions , qui tendent à ré- former leRoïaiime, font les plus fen- fées , & les plus convenables ^ c'ell ce qui peut être traité comme une Quef- tion problématique: mais , il ell incon- t^Itable , qu'une telle Réforme eil: abfo- lumenL de la Religion, 241 lument néceŒiire ^ parce qu'on peut conclure de ia nature des chofes mê- mes, que des abus, auxquels on n'a- porte point de remède efficace, s'aug- mentent de jour en jour , jufqu'à ce qu'ils aient renverfé entièrement la So- ciété. Comme il n'eft pas pofTible , qu'il n'y ait dans le cœur des hommes desfemencesde Ccrruption^' il faut dans un Etat bien réglé, que ceux, qui font armez du pouvoir d'exécuter les Loix , s'ocupent continuellement à s'opofer à Tes progrès , y à réduire tout à fes pe- miers Principes^ comme s'exprime Ma^ chiaveL Ils ne doivent jamais permettre , que les abus vieilliflent , & fe multi- plient, d'une manière à rendre les remè- des inutiles. Celui , qui veut empêcher la ruine de fa maifon , doit prendre garde à chaque fente , & la boucher dans le moment. A moins d'y veiller fans re- lâche , le tems feul la fera crouler , fans le fecours des orages , & des trembîeir-ens de terre ; il fera dans un danger perpétuel d'etre envelope fous les ruines de cet Edifice. Il n'eil plus tems de fonsjer à l'ctaïer , & à le t^t Prajet peur T Avaticement , £5?^. le raffermir : il lui en coûtera moins à l'abbatre , & k en contraire un nouveau, qui ne fera peut-être, ni 11 ferme , ni fi commode , que celui qu'il a lalifé dépérir par fa négli- gence. PRE- ■^ -2;* -^ -^ • -^ ^ ^ v^ vS y^ -^ vS * -r^ v*i y^ -^ «^ PREDICTIONS Pour l'Année M. DCC. VIII. Où les grands Evenemens font raportez felon leur ordre 5 avec les Noms des Perfonnes^ & le Jour du Mois ; Publiées^ pourprécaiitîonner laYl^L- tion Angloife contre les Impojlu^. res des Faijeurs d' Almanacs : PAR ISAAC BICKERSTAF , Ecuïer. i A IPrès avoir long-tems & meu- I rement confideréPAbuSjqu'on ^ fait de VJjlrokgie dans ce ^ Roïaume, j'ai va évidemment, qu'au lieu d'en accufer Y Jrt même, il ne faut s'en prendre, qu'à ceux qui le pro- 244 PREDICTIONS profefTent. Je fais , que des perfonnes: très-éclairées one prétendu prouver , que toute cette célèbre Science n'eft qu'une Fourberie complette & qu'il eft du dernier abfurde de fe mettre dans l'Efprit , que les Etoiles puifîent avoir la moindre influence fur les Penfees, les Penchans , & ks Allions des Hom- mes. J'avoue que ce Sentiment efl très- excufable dans des perfonnes, qui n'ont pas tourné leurs études de ce côté-là > fur- tout quand ils obfervent^ comment cet Art fi noble eft manié par quel- ques idiots. Ces miferables prétendent avoir établi une efpéce de Négoce dans le Monde Planétaire \ & ils n'en rap or- ient toutes les années , qu'une ample Cargaifon de Galimathias , de Menfon- ges, & d'Impertinences, qui, bien loi» de venir direclement des Aftres, ont tout l'air de ne defcendre pas de plus haut , que de leur impertinente Imagination. J'ai refolu de publier bientôt une A- pologie détaillée de cette célèbre Scien- ce, où je tire toutes mes preuves des principes inconteftabîes de la Raifon. Tout ce que je dirai à préfent, pour en donner une idée avantageufe^ c'ellque dan& DE Mr. BICKERSTAF. 24; 6c je permets à Partrige , & à tous ceux de ia bande , de m^e décrier comme le dernier des Impofteurs , fi je me trompe ici, dans la moindre particu- larité de quelque importance. Je m'i- magine que ceux, qui voudront bien lire cette Brochure , me fuppoferont pour le moins autant de Lumières , & de Pro- bité 5 qu'à un Faifeur d'Almanacs. Je ne me cache pas: je fuis un homme de quelque Réputation dans le mondes & j'ai mis ici mon Nom tout du long, afin qu'il me foit une marque éternelle dln- famiie, fi j'en impofe au Public. Au relie , j efpere , qu on ne trouvera pas mauvais, que je parle avec ménage- ment des Affaires Domefliques de la Na- tion. Il eit indifcret & iuiprudent de dévoiler les Mifferes d"Etat; & il y a du danger pour ceux , qui font affez étourdis, pour vouloir fe fignaler par-là: mais, je me donnerai carrière fur des particularitez , qui n'ont rien de com- mun avec le Gouvernement \ & la fu- reté de mon Art paroitra, avec tout au- tant d'éclat à l'égard de ces Evenemens ordinaires j^qu'à Tégard des Revolu- tions DE Mr. BICKERSTAF. i;i tions de la plus grande confequence. Pour ce qui doit fe pafler de plus re- marquable hors de la Patrie, comme en France , en Flandre , en Italie^ & en Efpagne ^ je ne me ferai pas le moin- dre icrupule d'en parler ouvertement, (Seen termes clairs 5 & je me fais fore de ne me jamais tromper fur les Dates. Afin que le Lecteur puifTe me rendre jullice là-defTus , je l'avertis , que je me fervirai par-tout du Vieux Stile ; & je prie le public de s'en fouvenir , en voïant dans les Gazettes les Evénemens, que je pronoflique ici. Je fai , qu'on peut me faire une Objec- tion , qui n'eft pas fans fondement , & qui mérite toute mon attention. Une Perfonne, dit-on, peut-être difpofée, par la force d'une Planète dominante, à la Volupté 5 à la Colère, ou à l'Ava- rice j & vaincre par fa Raifbn cesmau- vaifes Influences , comme fit autrefois Socrate. Les Aftres inclinent , mais ne forcent point, la volonté des hommes; &,par conféquent, on a beau fuivre les Règles les plus certaines de l'Allrologie, il eTt impofiible d'être parfaitement fur que les Evénemens répondront jufle aux Prédiétions, J'avoue que cette Objec- M z tiojx if2 PREDICTIONS tion efl très folide par raport à tel, oti à tel individu humain 5 mais , comme les grandes révolutions dépendent d'or- dinaire des dilpofitions d'un grand nom- bre de perfonnes , il efl impoffible de croire , qu'elles s'acorderont toutes à s'opofer à leurs penchans , & à les dé- tourner d'un deflein général , qui eft confoime à leurs inclinations. D'ailleurs, l'influence des Etoiles s'étend à un grand ïiombre d'Evenemens , qui font indé- pendans de la Raifon, comme les Ma- ladies , la Mort , & en un mot tout ce qu'on apelle dans le m.onde Accidens. J'ai commencé mes Prédirions par îe tems que le Soleil entre dans le Bé- lier ^ ce que je prends pour le veritable commencement de l'Année naturelle \ & je les ai pouflees un peu plus loin que le tems , auquel il entre dans le ^i- gne de la Balance-, c'ell-là précifement la Saifon des grandes Affaires. Je n ai pas encore arangé ce qui regarde le refte de l'Année; parce que j'en ai été détourné par plufieurs occupations, qui n'ont rien de commun avec le Public. D'ailleurs , j'ai déjà infinué , que ce n'eft ici qu'un Echantillon d'un grand nombre de Pronoftics , que je prépa- re DE Mr. BICKERSTAF. 2^3 re pour les Années fuivantes , fi l'on veut bien me le permettre , & m'en- courager à réxécucion d'un fi grand deflein. Ma premiere Prédiction n'eft qu'une Bagatelle , &je ne la donne ici, que pour fiiire voir l'Ignorance des préten- dus AUroiogues , dans les chofes qui les regardent directement eux-mêmes. Elle a pour objet Parts i^ , le FaïCeur d' Almanacs, j'ai faitfon IlorûiCope fe- lon ma méthode particulière^ &je trou- ve qu'il mourra infailliblement d'une Fièvre chaude le 2p. de MARS environ à onze heures de nuit. Je le prie d'y fon- ger , & de micttre ordre à fes afraires. Le Mois d' AVRIL ferajemarquable par la mort de plufieurs perfonnes du premier rang. Le Cardinal de NoaïUes mourra le 45 & le 1 1. le Prince des Afin- ries , Fils du Roi Philippe, Le 14. un des premiers Pairs de ce Roïaume mourra à fa maifon de Campagne. Le 15). l'Angleterre perdra un vieux Laïque diltingué par fa grande Erudition \ 6c le 23. on verra m.ourir un fameux Ban- quier'demeurantdans la Rue du Lombard. J'en pourois nommer un plus grand M 3 nom- 2^4 PREDICTIONS nombre de ce Pais , & d'autres, û je ne ' croïois pas ces fortes de cas particuliers peu interefians pour le Le61eur. Pour ce qui regarde les Affaires publiques, il y aura le 7. une Emeute dans le jDau- pbiné ^ caufée par rOppredion du Peu- ple \ & cette Affaire ne fera pas apaifee de plufieurs mois. Le I y. Il y aura une violente Tem- pête, fur les Côtes de France , qui re- gardent le Sud-Eli. Elle détruira beau- coup de Vaiffeaux dans les Ports mê- mes. Le ip. fera célèbre par la Révolte de tout un Roïaume , à l'exception d'une feule Ville ; ce qui donnera un tour très-avantageux aux Affaires d'un des Princes Alliez. Le Mois de MAY fera contre toutes les aparences fort flérile en grand évé- nemens: il ne fera remarquable que par la mort du Dauphin , qui arrivera le 7, après une courte maladie , & de vio- lentes douleurs caufées par une Retention d'Urine, Il meurt plus regreté par le Roïaume ^ que par la Cour, Le 5). Un Maréchal de France fe caf- fera la jambe , en tombant de fon Che- val^ DE Mr. BICKERSTAF. if^ val. Il m'a été impoiTibie Je découvrir ^ s'il en mourra, ou non. Le II. On commencera un Siège de grande importance , qui attirera les yeux de toute l'Europe. Je n en prédi- rai point les Particularitez. Plufieurs Raifons, qu'on devinera aifément, m'o- bligent à ne pas m'étendre beaucoup far des Aifaires,qui touchent de Ci près les Hauts - Alliez , & par conféquent ce Roïaume. Le ly. On recevra la Nouvelle d'un Evénement le plus farprenant , à: le moins attendu , qu'on puiiTe s'imagi- ner. Le i^. Trois grandes Dames de ce Roïaume fe trouveront enceintes con- tre leur attente , à la grande fatisfaction de leurs Epoux. Le 15. Un fameux Boufon de la Co- médie mourra d'une Mort comique, très-bien aflortie h fa Profedion. JUIN. Ce Mois iera illuftre par la Déroute de certains Enthoufiailes ridi- cules connus fous le nom de Pciùs Fro- fjhctes. Elle fera caurée,par l'arrivée du Tems où leurs Prédictions devroient être vérifiées, & par la découverte de leurSottife, ou deleur Fouberie. C'efl M 4 une 2f^ PREDICTIONS une choie admirable, qu'il y ait des Im- poiteurs aflez extravagans , pour pré- dire des chofes, qui doivent arriver en peu de tems , ëc pour s'expofer à être fiflezpar tout le monde, dans Tefpaçe de quelques mois. Ces gens-là font moins prudens encore, que les Faifeurs d'Al- manacs,qui ontlafinelTe des'enveloper d'épaifiës ténèbres , & de ne parler que par Enigmes , en laiflant au Lec- teur le foin de Flntreprétation. Le premier de ce Mois, un Général François fera tué d'un coup de Canon tiré a tout hazard. Le 6. il y aura dans un des Faux- bourgs de Paris un grand Incendie , qui conllimera plus de mille Maiibns , & qu'on pourra confiderer comme l'avant- coureur d'une Nouvelle , qui étonnera toute l'Europe, vers la fin du mois fui- vant. Le 10. il fe donnera une grande Ba- taille, qui commencera à quatre heu- res après diner , & durera jufqu'à p. heures du foir, avec beaucop d'opiniâ- treté, fans que la fin en foit fort déci- five pour toute la Guerre. Pour les Raifons déjà dites, je ne nomm.erai pas l'Endroit qui fera le Champ de Bataille; mais j DE Mr. BICKERSTxVF. 2^7 îtiaisje dirai que,de côté & d'autre, ceux qui commanderont l'Aile gauche fe- ront tuez. Je vois des feux de joye, & j'entends des coups de canon , qui an- noncent une Victoire. I.e 14. lî fe répandra un faux bruit de la mort du Roi de France. Le zo. Le Cardi:ial Porto- Carra a finira fes jours par une Dyffentene ; non fans foupçon d'être empoifonné : mais, on trouvera, que tout ce qu'on au- ra débité de fon Dellein de prendre le Parti du Roi Charles eft abfolument faux. JUILLET. Le 6. de ce Mois, un cer- tain Général recouvrera, par une Aétioa des plus glorieufes , la Réputation qu'il avoit perdue par quelques mauvais fuc- ces. Le 12. Un Chef d'Armée mourra Prifonier parmi fes Ennemis. Le 14. On découvrirai DefTein in- fime d'un Jéfuite François d'empoi- fonner un Général étranger; &, quand il fera apiiqué à la Qtieltion, il déclare- ra les chofes les plus furprenantes. En un mot, ce îvîois fera fécond en grands Evénemens , dont il ne m'eft. pas permis de détailler toutes les parti- cularitez, 2^8 PREDICTIONS, Dans le Roïaume,un vieux Sénateur de grande Réputation mourra à fa Mai- Ton de Campagne, exténué par l'âge, Ck par les maladies. Mais , ce qui doit rendre ce Mois a jamais fameux , c'eft la Mort du Roi de France , Louis quatorze , qui finira fa vie à Marli , le 26 , environ à ^ix heures du foir , après une Mala- die d'une Semaine. Ce fera , felon tout ce que j'en puis découvrir, d'u- ne Goutte rern ont ée , fuive d*un Flux de Sang. Trois jours après , M. de Cha- miliar à fuivra fon Maître , en mourant d'Apoplexie. Dans le même Mois , un Ambaffa- deur mourra à Londres ; mais, je n'en faurois dire précifement le jour. AOUT. Les Affaires de France paroitront pendant quelque tems ne pas foufrir la moindre altération , fous le Régne du Duc de Bourgogne-^ mais 5 le Génie , qui animoit toute la Machine , étant difparu , elles fe- ront fujettes à des Révolutions ex- traordinaires l'Année fuivante. Juf. qu'ici le jeune Roi lailTe à peu près tout fur le même pied , dans le Mini- Itere , & dans les Troupes , mais , les Li' DE Mr. BICKERSTAF. 1^9 Libelles & les Satyres , qui fe répan- dent contre fon Grand-Pere , & qui volent , pour ainfi dire , aurour de fon Palais même , mortifient cru vile- ment le nouveau Monarque. Je vois un Courier fort emprefle, & les yeux pleins de vivacité & de joye, arriver au point du jour le 2.8. de ce Mois, aïant fait un Voïage prodigieux, par A'Ier & par Terre , en trois jours de tems. Vers le foir j'étends les C!o- ches , & les coups de Canon; les illu- minations, (Se les feux de joye, font pa- roitre la Ville en feu. Un jeune Admirai, d'une très-noble extraction, acquiert ce même Mois une Gloire immortelle, par une Action des plus héroïques. Les Affaires de Pologne font entière- ment réglées, jiugujîe renonce à fes Prétentions, qu'il avoit voulu pendanc quelque tems faire valoir de nouveau. Sta}jf,:is eft paifible PolTefTeur de la Couronne , & le Roi de Suéde fe dé- clare pour l'Empereur. Je ne faurois pafTer fous filence un Accident particulier , qui doit arriver dans ce >lois à Londres \ c'ed qu'à la Foire de St. Barîhelcny , un grand dé- M 6 fallre 26o PREDICTIONS fallre fera caufé par la chute d'une Tente. SEPTEiMBRE. Ce Mois commen- cera par une Gelée extraordinaire dans cette faifon : elle durera près de 1 2. jours. Après que le Pape aura langui long- tems, le Mois palTé, les enflures de Tes jambes crèveront , la Gangrene s*y met- tra, & il finira fes jours le 1 1. Trois fe- maines après fa mort , il fera fuccédé , par îe moïen des Brigues les plus violent tes, par un Cardinal de la Faélion Im- périale , né en Tofcane, & âgé à pré- fent de 61. ans. L'Armée des François fe tient a pré- fent entièrement fur la défenfive, & el- le fe retranche jufqu'aux dents. Le jeune Roi envoie des ouvertures pour la Paix, par le moïen du Duc de Afa^- toiles mais, comme c'eit-là une Affiii- re d'Etat , qui touche de près notre Gouvernement , je n'en dirai pas d'a- vantage. Je n'ajouterai encore qu'une Prédic- tion , en termes millérieux. Elle eft comprife dans ce PalTage de Virgile 1 AU DE Mr. BICKERSTAF. 261 j^Iter erit turn T'iphys , i^ altera qu.-e vehat Argo Dek^îos Heroas, Le 2f. de ce Mois, tout le monde verra cette Prédiclion , parfaitement accomplie. Je n'ai pas poufTé plus loin mes Cal- culs pour l'Année préfente. Je ne pré- tends pas , que ce foient-là tous \qs grands Evenemens, que nous verrons; mais , je prétends que ceux , dont je Amiens de parler, arriveront infaillible- ment. Peut-être m'accufera-t-on enco- re, malgré les raifons que j'ai alléguées avant que d'en venir à mes Pronoltics, de ne m'étre pas plus étendu fur nos Affaires Domeltiques , & fur le Succès de nos Armes. Je conviens que Jétois le Maitre de donner là-deffus des Lu- mières fort fures ; mais , notre IMiniftere éclairé ne trouve pas à propos, qu'on entre dans les Mifleres d'Etat \ &je ne fuis pas homme à lui donner le moindre mécontentement. Tout ce que j'ôfe prendre la hardief- fe de dire, c'efl que cette Campagne fera trcs-glorieufe pour \q^ Alliez, & JM 7 que z62 PREDICTIONS que les Forces Britanniques par Mer, & par Terre , auront une bonne part dans les Lauriers, dont la Vi6loire couronnera la grande Alliance ; que la Reine Anne continuera de vivre en fanté , & en profpérité j & qu'il n'arrivera aucun defailre aux premieres têtes du Roiau- me. Pour ce qui concernelesEvénemens dont j'ai fait mention, le Public verra par leur AccomplifTement , fi je dois être mis de niveau avec lesAllrologues ordinaires , qui , par leur pitoïable Jar- gon , & par certaines Figures tracées à tout hazard , fe font trop long-tems jouez de la Crédulité du Vulgaire. Mais , il ne faut pas méprifer un habile & fage Médecin , parce qu'il y a des Charlatans dans le Monde. Peut-être croira-t-on , que je ne fon- ge ici qu'à me divertir , aux depends des Sots ; mais , on me fera tort. J'ai quel- que efpece de Reputation dans le Abon- de, que je ne hazarderois pas volon- tiers, uniquement pour fatisfaire à un caprice de cette nature. J'ofe me flat- ter encore, que tout homme fenfé, qui lira cet Ecrit, n'aura garde de le con- fondre avec les miferables Brochures , qui DE Mr. BICKERSTAF. 2^5 qui font les Délices da petit Peuple. lieureufement pour moi, je fuis au-deil fus du fort de ces miferables Ecriv^ains , qui font obligez d'infulter le Bon-Sens, pour fe procurer dequoi vivre. Ma Fortu- ne fait que je n'ai pas befoin d'un gain fi mince , ôc mon naturel me le fait mcprifer. Qiie des gens éclairez ne condamnent pas , avec trop de précipitation , cet Eifai deftiné à rendre fon ancienne Ré- putation h un Art , qui n'efl tombé en dif- grace,que par rignorance5& par la Four- berie, de ceux qui le profellent. Un court efpacedetems décidera, fi je me fuis trompé moi-même, ou fi j'ai vou- lu tromper les autres ; & ce n'ell pas , ce me femble, exiger quelque chofe de fort déraifonnable , que de prier le Pu- blic de vouloir bien fufpendrefon Juge- ment , pendant un petit nombre de Mois. Autrefois , je me fuis vu confondu avec les habiles gens , qui méprifent toutes les Prédi6lions fondées fur les E- toiles; & j'étois encore de leur Opinion l'An 16S6, quand un Homme de Quali- té me fit voir dans fon jilbum une Dé- claration du très-éclairé iVilronome le 264 PREDICTIONS. Capîta'mc /f. . . , par laquelle ce grand Homme aflliroit , qu'il ne croiroit jamais rien des Influences des Aflres , s'il n'ar- rivoit pas en Angleterre une très -célè- bre Révolution l'An i(588. Depuis l'AccompliiTement de ces Pronoftics , je me fuis tiré de mon Erreur: &, après une Etude aiTidue de dix-huit ans, j'ai trouvé la veritable Méthode de parvenir à cette Science j &, par-lk, je me crois paie avec ufure d'une Application fi longue , & fi pénible. Pour n'arrêter pas le Lecleur plus long-tems , je fini- rai, en TalTeurant, que les Prédiclions, que j'ai deiïein de lui communiquer, pour les Années fuivantes , comprendront les principales Affaires de toute l'Euro- pe-, &, fi Ton ne me veut pas permet- tre de les rendre publiques dans ma Pa- trie, j'apellerai de cette rude Sentence au Monde Savant, en les donnant en Latin , & en les faifant im.primer er^ Hollande. w LAC . ^ i- * Î-, * -i; Î-, ^, -■*, . .-*, , *. , î-, 3>, ; . j: . ?■. »; 7/j, *^-'-::;V^:--t:->:;y::r,;:>^5ir; -rr^^V- -.:: ,.r- ..:■ -.:, ;:o ^S*^ '^-£•'3^ ^ ^ ^J; '^- •?' "4- V • %' %' "^ V •--*■ "•« ^ Vi^^ L'ACCOMPLISSEMENT de la premiere Prédidlion DE M. BICKERSTAF^ OU Lettre à une Perfonne de Qualité, contenant la RELATION CIRCONSTANCIE'E de la Mort de M. PARTRIGE, Faifeur d' Almanacs, arrivée le ip de Mars 1708. MILORD, pJSiSSOur obéir aux Commande- p P fxS mens de Votre Grandeur , ^^ ^gf^' auiTi bien que pour fatisfaire '^m^t-i.^ ma propre Curiolité, je me fuis conflamment informé ces jours paf- fcz; l66 l' A C C 0 M P L I s s E M E N T fez de la fitnation, où fe trouvoit M. Partrige F.iifeiir d^Jlmanacs , qu i , fel o n les Prédi6tions de M. Bickerftaf ^ pu- bliées il y a un mois, 'dévoie mourir d'une Fièvre chaude le 29. environ à 1 1 . heures de nuit. Je l'avois vu quelque- fois, pendant que j'étois emploie dans les Affaires; parce que toutes les années il me faifoit préfent de fon Almanac , dans l'Efperance d'une petite gratifica- tion, felon fa conduite ordinaire !ivec les gens, qui étoient dans les Emplois. Je le rencontrai par hazard deux ou trois fois, dix jours à peu près avant fa mort; & j'obfervai, qu'il tomboit extrêmement, quoique , à ce que j'apris alors , fes amis ne le crufTent pas en danger. Ce n'efl que depuis trois^ jours , que fe trouvant fort mal, il s'efl retiré dans fa chambre. On l'a mis au lit, & on a fait venir le Médecin , & l'Apoticaire , pour lui ordonner des remèdes. Sur cette Nouvelle, j'ai envoyé, deux ou trois fois par jour , un Laquais chez lui, pour m'informer de fa fanté; & hier , ejiviron à quatre heures après midi , on m'apprit , qu'il étoit aban- donné des Médecins. L^-defTus, pouifé par la Pitié, & fur-tout par la Curiofitc, DE LA I. Prediction. i6y je pris la réfolution de l'aller voir. Il me reconnut parfaitement bien , parut furpris de ma condelcendance, &men témoigna fa gratitude, autant que fa foi- blelTe pouvoit le lui permettre. Ceux , qui étoient autour de fon lit , me di- rent, qu'il avoit été en délire quelque tems auparavant 5 mais, il étoit alors dans fon Bon-Sens, s'il le fut jamais, (Se il avoit la parole libre & forte. Après lui avoir exprimé mon chagrin de le voir dans un Çi trille état, Ck dit plufieurs autres chofes obligeantes , je le priai de me dire naturellement, fi les Pré- dictions , que i\I. Bickerjîaf avoit pu- bliées touchant fa mort, n'avoient pas opéré fur fon Imagination avec trop de force ? Il m'avoiia , qu'il les avoit eues fort fouveut dans l'efprit , fans en être extrêmement effraie j mais , qu'il y avoit quinze jours, qu'elles avoient commen- cé à faire de profondes imprelTions fur fon cerveau 3 qu'elles s'en étoient entiè- rement emparées 5 & qu'il croyoit, que c'étoit-là effectivement la veritable Cau- fe de fa Maladie. Je fuis trh-perfuade ^ pourtanî , continu a- t-il , que M. Bicker- fiaf ria parlé que par Conjecïure , (y ^îiil ne fait pas r/jieux ce qui doit arriier dans 26S l'Accomplissement ^am le Cours de cette /hmée , que mot- même. Je lui dis , que fon Difcours me furprenoit, & que je ferois ravi que fa fanté lui permit de me communiquer les Raifons, qui le convainquoient de l'Ignorance de M. Bickerftaf, HeUs ! Alonfieur , me répondit-il , je ne fuis qu'un pauvre Idiot , ék'vé dans le Mé- tier le plus has'^\ viaib ^fai ajjïz de bon- fens ^ pour [avoir ^ que toutes les Préten- tions des Jftrologues fur l'Avenir ne font que des Chimères, La raifon en eft évideyi- te \ toutes les perfonnes éclairées , i^ ja- 'vantes , qui font feules capables de connoi* ire le fort (^ le foible de cette Science , s'accordent unanimeynent à la méprifer , (^ à la tourner en ridicule. Il n'y que ri- gnorant Vulgaire ^ qui y donne \ i^ cela ^ fur la Foi de Gens comme moi , (§ 77ies Cama- rades , trop ignorans pour favoir bien lire, £5? écrire. Je lui demandai là-delTus , s'il n'a- voii jamais tire fon propre liorofcope, pour voir s"il s'accorderoit avec le Pro- noilic de M. Bickerftaf, Monfeur ^ Mon- fieur ^ me repliqua-t-il, en iècouant la tête i * Il avoit été Scivetier, DE LA I. Prediction. 169 tête : il ne s'agit pas de railler à préfent , T/iais de me repentir de ces petites Fourbe- ries 5 comme je le fais du fond de mon ame. Ainfidonc, repliquai-je, ces Obfer- vations, & ces Prédidlions, que vous avez fait imprimer dans votre Almanac , ne fervoient qu'à duper le fot Peuple. SU n'en étoit ainfi , repartit-il , fen fe- rois moins coupable devant Dieu^ C5* de^ vant les Homme !i. Nous avons une Métho- de générale pour toutes ces chofcs, A l'é- gard de notre ^naniere de prédire le l'ems , nous en laijfons le foin aux Imprimeurs , qui ne font que copier à tout ha fard quel- ques vieux Almanacs, Les Predictions d'u- ne autre nature et oient de ma propre In- vention^ 13 ne tendoient qua faire ven- dre mon pauvre Calendrier, Je n'avois pas d'autre moïen de gagner du pain,, pour moi , £5? pur ma Femh;e ; car , ceft un Métier bien maigre ^ que celui de rappetajjer de vieux Souliers, Helas\ ajouta-t-ii en foupirant, heureux encore ! fi 7nes Remè- des n'ont pas fait plus de mal aux Hoyn- rnes , que mes Pronojlics. Il eft vrai que favois hérité quelques bonnes Recettes de ma Grand-Mere ^ ^ que f ai eu foin que l'^ô l' Accomplisse MENT jfue , clam mes propres Cor/ipofttïons , il nen" tràt aucim Ingrédient dangereux. J'eus encore avec lui quelques autres Difcours, dont je ne me fouviens pas. Le mal n'eft pas grand , & peut-être mon Récit ennuïe-t-il déjà votre Grandeur. J'ajouterai feulement à ce que je viens de dire, que dans fon Lit de Mort il s'efl déclaré Non-conformifte^ & qu'il avoit un Miniflre fanatique pour Confolateur & pour Guide fpirituel. Après une demi-heure de Converfa- tion, je pris congé de lui, à moitié é- touffé par l'air renfermé de fa petite chambre. Perfuadé , qu'il n'en avoit pas pour long-tems, j'entrai dans un petit Cafféprcs de-là, après avoir laifTé chez le Malade un Laquais , avec ordre de me venir avertir de finllant de fa 3Iort le plus éxadlement, qu'il leroit pofTible. Il m'en vint aporter la nouvelle deux heures après: &, tirant ma Montre , je vis, qu'il étoità peu près fept heures & cinq minutes ; ce qui fait voir claire- ment, que M. Bicker ft af s'eft trompé dans ion calcul de quatre heures. En recompenfe , fa Prédièlion efl fort exac- te, par raport aux autres Circonftances de cette Mort. La DE LA I. PREDICTÏOK. 27I La quemon eu s'il n'a pas été la Cau' fe de cet Evénement, auln bien que le Prophète, Quoiqu'il en foit, la chofe efl affez extraordinaire, foit quelle foit un effet du Ilafard, ou de la Force dl- magination du pauvre Partrige : & , quoique je fois des plus incrédules fur ces fortes de matières, j'attends avec impatience la Réulfite de la féconde Pré- diction de notre Aftrologue. Elle nous annonce , que le Cardinal de Noailles doit mourir le 4. d'Avril > &, fi ce Pro- nollic ell vérifié auffi exaftement que Ta été celui qui concernoit Partrige ^ je vous avoue que j'en ferai dans une gran- de furprife , & que je ferai très-porté à attendre FAccompliffement de toutes fes autres Prophéties. JUS- 57) (^1 ^v- ^ 'Si^ JUSTIFICATION D E M. BICKERSTAF, Eaïkr, contre ce qui lui a été objedlé par M. P A R T R I G E dans fon ALMANAC pour l'Année courante 1709- Par le dit ISAAC BICKERSTAF, Eaiïer, MWMM Parîrige a trouvé bon, il y ^M fe a quelque tems, de me trai- & ' ^f| ter de la manière du monde ^•^'^^"^'^ la plus rude , dans l'Ecrit , qu'il apelle fon almanac pour V Anyiée p-é fente. Un pareil Procédé ne con- vient en aucune manière à des Gens de Lettres , & ne contribue rien à la dé- cou- JUSTIFICATION &c. 275 couverte de la Vérité , qui doit être le grand But de toutes les DiiputesdesSa» vans. Il me femble , qu'un homme de Té- ducation de M. Partrige devroit fon- ger un peu à polir fon Itile , & ne point donner à un homme, dont tout le cri- me coniiile à différer de lui dans un point de pure fpéculation , les noms- odieux de fou , de faquin , &, d'impii^ dent. J'en apelle au Monde favant, (Se je lui demande , li , dans mes Prediclions de l'Année pr-flée , je Tai traité d\ine manière à m'attirer de pareils Epthetcs. Les Philofophes ont eu des Difputes dans tous les Siècles; m.ais, les pluspo- hs dcntr'eux ont toujours difputé en vrais Fhilofophes. La fougue , & les ma-^ nleres harangeres , dans la Controverle, ne font rien à la queilion , & ne font: tout au plus , qu'un aveu tacite, (ju'on fe défie de la bonté de fa caufe. Ce qui me touche le plus dans cette- affaire, ce n'elt pas ma propre Réputa- tion , c'eil le Bien général de la Répu>- blique des Lettres, que le Sieur Par- trïge a bleffée à travers mon flanc. Si des gens, qui travaillent pour le bien pu- blic, doivent être traitez d'une maniera Tma IL NE 274 JUSTIFICATION fi indigne , comment peut-on efperer, que les Sciences les plus utiles faffent jamais des progrès confiderables? M. Partrige auroit certainement hon^ te de fa Conduite peu généreufe à mon égard , s'il favoit ce qu'en penfent les Univerfitez étrangères; mais, je m'in- terefletrop à la Réputation d'un fi illuf^ tre Compatriote , pour rendre public tout ce que je fai là-delTus. Cet Ef^ prit d'Envie & d'Orgueil , qui fuffoque en leur naiflance tant de beaux Génies, qui fans elles s'éleveroient dant notre Pais 5 n'eft pas encore extrêmement en vogue parmi les Savans étrangers ; & la néceffité de faire mon Apologie m'excufera , ii j'ofe déclarer ici au Lec- teur , que j'ai reçu plus de cent Let- tres de felicitation fur mon EJfay /Jflro' logique^ de différentes Parties de l'Eu- rope , jufqu'à la Mofcovie inclufivement. J'ai même lieu de croire , qu'aux Bureaux^ on en a retenu , & ouvert , un bon nombre d'autres. J'avoue que Ylnquifi- îion de Lishone a trouvé à propos dé brûler mes Prédiélions , & de condam- ner à!Herefe l'Auteur , & les Lefteurs. Mais , j'efpere , qu'on voudra bien s'en prendre au trille état où les Bel- les DE Mr. BICKERSTAF. lyf les Lettres font réduites dans ceRoïau** me. Jofe dire même, avec tout le pro- fond Refpecl qu'on doit aux Têtes Cou- ronnées , que Sa Alajefté Portugaife au- roit bien fait d'emploïer fon Autorité , en faveur d'un Savant de quelque nail^ fance , Sujet d'une Souveraine , avec laquelle ce Prince efl fi étroitement al- lié. En recompenfe , les autres Roïau- mes & Républiques de l'Europe m'ont comblé d'Eloges ; &, fi je voulois faire imprimeries Lettres Latines, que j'ai reçues des Pais étrangers fur le fujet en queilion , elles feroient un volume dans les formes , propre à détruire ab- Iblument tout ce qui peut m'étre ob- je6lé par M. Partrige, & par fes com- plices les Inquifîteurs Portugais , qui font les feuls Antagonifles , pour le dire en paflant, que mes Prédictions fe Ibient jufqu'ici attirez. Mais, le Sujet eft trop délicat, & trop fcabreux , pour rendre public les fentimens , qu'ont là-deflus mes illujîres Correfpondans, J'efpere pourtant , qu'ils ne trouveront pas mau- vais , que, pour me défendre contre mes Adverfaires,je copie ici quelques Paflà- ges de leurs Lettres. Le très-do6le M. Leibnits m'adreffe ainfi fa troifiéme Let- N 2 trc 27(5 JUSTrFICATIO:\ tre, lUuftriffima Bickerflaffio yîflrolcgîce. Infiauratori ,, i^c. M. k Clerc. , en ci- tant mes Prédirions ,- dans un Traité qu'il a mis au jour Tan pafle, a la bonté de dire , lia nuper Bickerfiajjius , magnurfk iJJucl Anglic Sidus, i^c. On autre Pro- fefleur d'une grande Réputation fe fen- de ces termes en parlant de moi : Bic- kerftaffius , nobilis Ang'ius , .iflrologormn hujufce feculi Princeps, Et le Signor. MagliaheccJn , Bibliothécaire du Grand Duc^ m'a écrit une grande Epitre tou- te remplie de Complimens & d'Eloges* 11 eft vrai , qu'un fameux Savant d'L^* i;T^/;/, Profeilem* en Aftronomie , femble différer de moi dans im point; mais, il s'exprime avec toute la Modeftie, qui; eit naturelle à un vrai Philofophe : Pace. tanti Viri dixerim : & , page y y , il paroit rejetter toute la faute fur l'Imprimeur , en quoi il a raifon : 'uel forfan Error T'y^- pgraphi , cum alioquin Bickerjîajpus Vit Si M. Partrige avoit fuivi cet exem- ple y il m'auroit épargné la peine de faire mon Apologie d'une manière il publique. J^ puis dire , fans vanité» que je fuis l'homme du monde le plus prec à reconnoitre mes Méprifes , & le plus. DE Mr. BICKERSTAF. 177 plus reconnoiflant envers ceux qui me les découvrent, quand on s'y prend d une manière honnête. Mais ,11 femble que le fameux M. Partrige ^ au lieu d'ê- tre charmé des progrès de Ton Art, re- garde tous ceux, qui veulent y contri- buer 5 comm.e à^^ Ufurpateurs. II eft vrai, qu'il a étéalTez prudent , pour ne rien obj celer contre mes Prcdiclions , fi Ton en excepte le feul Article qui le regarde. Mais, pour faire voir dans quel Aveuglement I'Efprit de Partialité jette ceux qui en font polTedez 5 je protefle ici Iblemneîîenient , qu'il ell le feul homme au monde , qui foit en- tré là-deiTus en difpute avec moi. Cet- ^e feule Confideration fuffit, ce me fem- ble , pour énerver toutes fes Preuves. Je n'ai jamais pu découvrir que deux ■Objections , qui ont été faites contre mes Prédirions de l'An paiTé. La premiere e(t d'un François , qui trouve bon d'a- vertir le public , de ce que le Cardinal de Noaiïles eft encore en vie , nonobitanc le prétendu Prcnollic de ]\J. Bickcyftaf: mais, je lailTe à juger au Lecteur béné- vole &: impartial , Il un Frayicois , un Papifie , & un Ennemi , doit être cru dans fa propre Caufe , aux dépens d'un K 3 Pro^ 278 JUSTIFICATION Protejîant Anghis , qid eft du Parti du Gowjernernent. La féconde Obje6tion eft le trifle Sujet de la préfente Difpute. Elle roule fur un Article de mes Prédirions , felon lequel M. Partrige devoit mourir le 2p. de Mars 1708. Il a le front de foutenir dans fon Almanac pour l'Année préfen- te , que ce Pronoflic eft abfolument faux ; & il le foutient , comme je Tai déjà dit, de cette manière rude & bru- taie , qui fiéd ^i mal à une perfonne de quelque naiffance. Il déclare ouverte- ment dans le fufdit Ouvrage , que non feulement il eft en vie à préfent , mais quil têtoit encore le même 2p. de Mars , que javois fixé four fa Mort, Voilà préci- fément l'état de la Queftion •, & j'ai re- folu de la traiter, avec toute la briève- té, toute la clarté, & toute la tranquil- lité pofîîble. Je fuis perfuadé, que cette Difpute s'attirera l'attention de toute l'Angleterre , & même de toute l'Eu- rope : les Savans de chaque Nation ne manqueront point fans doute de prendre parti , & de fe déclarer pour ce qui leur paroîtra le plus vraifemblable , & le plus folide. Sans entrer ici dans un examen criti- que DE Mr. BICKERSTAF. 179 que de l'heure précife de la mort du Sieur Partrige , je me contenterai de prouver, qu'il n'ell pas au nombre des 'vivans^ &de le faire voir par l'Autori- té d'un prodigieux nombre de Témoins irréprochables. Plus de mille perfon- nés de nailTance , qui ont acheté Ton Almanac, uniquement pour y voir les Inve6lives qu'il vomit contre moi , s écrient à chaque ligne , en levant les yeux au Ciel , & en crevant, moitié de rire , & moitié de dépit , qu'ils font pcrfuadcz , q^ui jamais homme ^vivant nécri'-cit de pareilles Fadaifes, Je fuis convaincu même , que perfonne au monde , qui foit au fait , puiiTe en par- ler autrement. Par confequent , M. Partrige^ preile par un Dilemme formU /M/^,doit, oudefavouer fon Almanac, ou bien convenir, qu'il n'eftpas un Imn^ me vivant. Je veux bien croire, qu une certaine Figure inanimée fe donne les airs de cou- rir les rues fous le Nom de Partrige : mais, /. ^/V/^(?r/?^/ ne s'en croit pas ref- ponfable ; & il foutientque ladite Figu- re n'a pas eu le moindre droit d'étril- ler le pauvre Garçon, quicrioic, enpaf- fant par devant lui, La véritable ^ éx^ N 4 acîe 28o JUSTIFICATION afle Relation de la Mort du Docteur Par- trige. ^ D'ailleurs , M. Par trige fe mêle de dire la bonne Avanture, (k de faire re- trouver les Hardes volées. Or, tout Ion voiiinage aileure , qu'il le fait par le moïen du Diable , & des malins Efprits , qu'on ne fauroit fréquenier, de l'aveu de tous les gens éclairez, que lorfqu'on n'efl: plus en vie. En troidéme lieu, je prétends prou- ver fa Mort par fon Almanac même , & par ce mêmePaflage, qui fert à nous faire croire qu'il vit encore, il dit , qu'il n'ejî pas feulement en vie à préfent ; r/iais quil ï et oit encore le mêiiie 29. de Mars ^ que fa^jois fi^é pour faMort, Par- la 5 il fait entendre évidemment , qu'un homme peut-être en vie à l'heure qa'il eft , quoi qu'il ait été mort , il y a douze mois. Et voilà précifement ce qu'il y a de Sophiftique dans cet ce Pro- pofition. Il n'ofe pas afTeurer , quil a été en vie depuis le 29. de Mars : il déclare feulement, quil vit à préfent ^^ qu il viv oit ce jour-là, La dernière par- tie de fa Déclaration eft hors de con- tefte ; car , il ne mourut que le foir , comme il paroit par une Relation de fon Dé- DE Mr. BICKERSTAF. 281 Décès dam une Lettre à un Lord. S'il a vécu depuis ce tems-ih, c'eil ce que je lailleh décider au Public. En vérité, ce font-là de pures Chicanes , & j'ai honte de m'y arrêter. En quatrième lieu, j'en apelle h M. Partrigc lui-même, <& je lui demande s'il eil probable, que j'aie étéaiïez im- prudent, pour commencer mes Prédic- tions parla feule FaulTcté, qu'on leur aie reprochée jufqu'ici? Eil-il vraifem- blable, que je me fois trompé, par ra- port à un Evénement, qui devoit arri- ver, pour ainfi dire, fous mes yeux, & par raporc auquel il m'étoit infini- ment plus aizé d'etre exact, qu'à l'é- gard de tout le refle? Ed-ilnattirerjque, prefque de propos délibéré , j'aie vou- lu donner un tel Avantage fur moi à un Homme de l'Efprit & de l'Erudition de M. Partrige^ qui, s'il lui a voit été pof- fible de faire encore quelqu'autre Objec- tion contre mes Pronoitics, ne m'au- roit certainement pas épargné ? Je faifis ici l'occafion de réfuter TAu- teur de la Relation de la Mort de M. Par- îrige , dans une Lettre à un Lord. 11 s*eft donné les airs de m'acufer de m'être N j trom- 282 JUSTIFICATION trompé , à l'égard de cet Evénement, de quatre heures entières. J'avoue que cet- te Critique avancée d'un air de triom- phe , par un Auteur grave , £5? judi- cieux , touchant une Matière , qui me touche de fi près , m'a mortifié de la manière la plus cruelle. J'étois hors de la Ville, lors de cette Mort, & j'étois fi convaincu de la julleiTe -de mon Cal- cul, que je ne daignois pas feulement y penfer un moment. Cependant , plu- lieurs de mes Amis, qui, pour fatisfaire leur Curioflté , n'ont rien négligé pour en être inflruits à fond , m'ont afTeu- ré que je ne me fuis mépris que d'une petite demi-heure. S'il m'elt permis de parler naturdknient . il me femble que cette Méprife n'eil pas d'une natu- re, à m'attirer des Cenfures il pleines de Vivacité & d'Amertume. Cet Au- teur me permettra de lui dire , qu'une autrefois il ne feroit pas mal d'avoir plus d'égard pour fa propre Réputation, en ménageant d'avantage celle de fon Prochain. Je fuis bien heureux , que dans mes Prédi6lions il n'y ait pas d'au- tres Erreurs de Calcul. S'il y en avoit , il ell a préfumer que ce Critique bilieux me DE Mr. BICKERSTAF. 285 me les reprocheroit du même ton cava- lier. J'ai vu encore des Gens, qui font une autre Obje6lion contre la vérité de la Mort de M. Partrige , mais ils' ne la propofent , que d'une manière timide. Ils s'imaginent, qu'il doit être encore en vie , parce qu'il continue à faire des Almanacs. Mais , il faut faire peu de réflexion far ce qui fe palTe fous nos yeux, pour propofer une pareille Diffi- culté. Cell un Privilege très-commun à tous les Faifeurs d' Almanacs. Gad- hurt , Robin , Dove^ & fVing , ne p ublient- ils pas tous les Ans leurs Almanacs , quoi qu'ils aient été déjà morts , avant la Révolution *. Voici la Raifon véritable d'un Phénomène , qui paroit d'abord fur- prenant. Tous les Auteurs peuvent vi- vre après leur Mort , excepté unique- ment les Auteurs des Almanacs. Leurs Ouvrages ne roulent que fur les minu- tes , à mefure qu'elles palTenc , & ils de- * La même chofe arrive auffi en Hollande , où tous les ans on voit éclore des Almanacs fous le nom à' Antonio Magino ; & l'on dit qu'il y a dcja cent ans 5 que ce Nom y brille* i84 JUSTIFICATION deviennent abiolumenc inutiles, quand l'Année ell finie. Pour les en dédom- mager, X^Tems^ dont cesMefiieurs font les Régi [1res vivans , leur accorde la Pré- rogative de continuer leurs 'journaux , après leur mort. J aurois épargné au Public , & à moi- même , cette Apologie , 11 pîuileurs Per- fonnesnes'étoientferviesde mon Nom, fans que j'aie jamais eu la moindre in- tention de le leur prêter. 11 y a un homme, par exemple, qui m'a voulu faire adopter malgré moi, depuis peu, un bon nombre de fades Prédidlions , dont je ne fus jamais le Père. A lui parler franchement, ce ne font pas-là des chofes à fervir de Piaifanterie , & de fimpie Amufement. Elles font très- ièrieufes ; & j'avoue même , que j'ai, été touché au vif, quand j'ai vu mes Prédirions , qui m'ont coûté tant de travail & de veilles , criées dans les Rues, & être débitées indifféremment au Peuple ; au lieu que je ne les avois deftinées qu'à la réflexion des Perfon- nes les plus graves. Cette efpece de Proftituîion a tellement prévenu le Pu- blic d'abord, que plufieurs de mes A- mis i>E Mr. BICKERSTAF. igf mis ont été aflez mal avifez, pour me demander trcs-lerieufement , i\ mon unique But n avoit pas été de badiner avec mes Lecteurs? Je me contentai de leur répondre froidement, que !'£- vaiement les m ïnftruïroit. Certainement, je leur en aurois voulu du mal , fi je n'avois pas fu, que c'efl le grand ta- lent de notre Siècle , '& de notre Nation , détourner en ridicule les chofes du plus grand poids. Lorfque la fin avoit vérifié toutes mes Prédirions , voilà l'Almanac de Partrige , qui ne ièmble fortir de la Prefle , que pour me difputer l'Article de la Mort de fon Auteur ; & , par-là j'ai le Sort de certains Héros de Roman ^ qui étoient obligez de tuer deux fois de fuite leurs Ennemis reflufciiez par des Enchanteurs. Si le Sieur Partrige a été aflez ha- bile y pour fe rendre un pareil Servi- ce à lui-même , grand bien lui flifTe : mon Pronoilic n'en efl pas moins vé- ritable. Je crois avoir prouvé par des Demonftrations en forme , qu'il ell mort une demi-heure avant le tems » que j'avois fixé pour foa Décès , ce q[ui i26 JUSTIFICATION, &c. qui defabufera le Public, de ce qui lui a été débité effrontément par l'Auteur de la Lettre à un Lord , qui ne pré- tend que je me fuis trompé de qua- tre heures , que pour me décréditer , en m'accufant d'une Erreur fi grof- fiere. F I N. TABLE TABLE DES MATIERES DU TOME SECOND. ^$^^^$^1 ssERTATiON fw forme de Lettre ^ *|? /«y l'Opération M e c h a n x* ^ D ^ Q^UE ^e l'Esprit. ^ ^ L*Auteur eft embaraiTé du choix ^'i'-^^ d'un Titre : il prend celui , qui eft le plus en vogue , favoir > Lettre à un Ami : p. I. X* Excufes modernes propres à obtenir grace pour les fautes de Méthode , & de Stile. 3. 4. SECTION I. Fantâifie de Mahomet de vouloir être porté au Ciel par un Ane: elle eft imitée par un grand nombre de Chrétiens, fur- tout dans la Grande-Bretagne. j» Grandes Vertus de cet Animal , & fa relation étroite avec 1 homme. Son talent de porter fou Cavalier au Ciel eft le veritable fujet de cette Differtation. 6 Au lieu à^Ane^ & dç Çavafier^ l'Auteur trou- ve T A BLE ve a propos de fe fervir des termes SynonimeS de Docieur Illuminé^ & à.\4uditûire Fiinati- Une Teinture d'Enthoufiafme fe diftingue dans tous les Hommes, & dans .toutes les Sciences ^ mais elle domine le plus dans les matières de Religion. 8. 9^ Definition & Divifion de l'EnthoLifiûfme. ihid^ L'Auteur ne s.^attachc qu'à rEnthoufiafme Mechanique, & Artificiel. 10 L'Art devient fouvcnt une féconde Nature; cette Maxinre cil confirmee par r*;^:cmp]e des îéies longues parmi les anciens Scythes , & diis têtes rondes fî fameufes dans la Grande-Breta- gne. II. 11. T3.. Pour faciliter l'opération de CQttii forte, il- faut impofer filence aux Sens, &à la Raifon. 14 Din^rence elTentielle entre l'Efprit qui vient de dehors,. & celai qui vient de dedans, if. j6 La m.etKcde dont fe fert utilement l'Aflem- blée pour contribuer à l'opération de l'Efprit en queib'on. 17. 18. 15?. 20^ SECTION IL Diffcrens Cultes adrcifcz par les Hommes a un Etre fouverainement bon, & à un Etre fouverainement mauvais. zr Ces deux Cultes diftinguez exaélement par les Païens,. &' confondus indignement par plu- iîeurs Chrétiens. 22. 23 Vanité ridicule de pluiîeurs Chrétiens , qui crovent la Divinité intereflee dans leurs adions les plus viles. 24. 2f - Malheureufe perte du Plan general de toute rOperation Mechanique de l'Efprit. ibid, Grande utilité de certaines Calottes mate- kiTées ^ DES MATIERES. îaflecs, propres à retenir au dedans du cen-^au les Vapeurs de l'Efprit. 26 Le cerveau eft compofé d'un grand nombre de petits animaux dont les différentes morfu- rcs produifent les diiferens tours d'Efprit. 27.2,8 Dans l'Opération de TEfprit comme dans la Mufîque y le Son cft d'une plus grande efficace que le Bon-Sens. 25» Une mémoire , chargée de Phrazes Thcologi- ques > fait la partie eiTentielle de ce qu'on ap- pelle Lumière inférieure. ^O L'Eloquence fpirituelle extrêmement rehauf- fée par une voix trainante, & par l'art de fe moucher, & de rotter à propos. 31. 33 L'Auteur promet un EiTay fur la Declama- tion Spirituelle. ibiif. Grande Vertu du Nafilîonemefit-^ fon origine dérivée d'un Combat entre l'Efprit & la Chair. 33. 3+. 3r- l^ Comparaifon entre la vertu du Nafillonne- ment, & l'Empire des Ferfes acquis par Darim Fils d'Hyfi.ifpe. 37 Les P^aijeaux injpirez comparez à des Lan- ternes , qui plus elles font illuminées en dedans, plus elles font fales par dehors. 3S Fanatifme dérivé des Orgyes , & des Bâcha- villes des Anciens /Egyptiens, 7,^. jufcfues 44, L'Amour pour le Beau Sôxe eft le centre du Fanatifme , la chofe paroit évidemment dans la conduite des Anciens Fanatiques & des In- ipirez modernes. ^.f. 46. 47. 48. 4p. fo La Bataille des Livres donme dans la BîBLiOTHEQjjE ^e S/. James. fî AiertiJJement du Libraire , qui contient les particularitez qui ont été l'origine de cette pie- ce ; favoir une fameufe Difpute fur les An- cif^ns & fur les Modernes ^ entre Ig Chcralier Tvme 1 ;. O Tsm» T ABLE Terûpk & le Comte à'Oi-ery d'un cote 3 & Wof" ton 3c Eetitley de l'autre. 5-2. 5-3. 5-4. Preface de l'yîuteur. 5-^. ^6 La Guerre & les Invanons , Filles du Befoia réel ou imaginaire; elles s'étendent la plupart du tems du Nord vers le Sud, de la Pauvreté vers la RichefTe. 5'7« f8 Exemple tiré de la République des Chiens. Les Modernes envoient une Ambafiade aux Anciens , pour leur demander de céder la plus haute Colline du ParnafTcjOU de permettre qu'el- le foit mife de Niveau avec la Colline ocupée par lefdits Modernes. 60. 61 Les Anciens le refufent, mais en recompen- ie ils offrent aux Modernes leur fecours, pour élever la Colline la plus baiTe à la même hauteur que celle qu'ils poiTedent. Cette propofition eft rcjettée par les Modernes. 6a La Guerre s'enfuit,' on y répand des fleuves entiers d'Encre, chaque parti célèbre Ces triom- phes en fe dreffant des Trophées ; ce que c'eft que les Livres de Controverle. 63.64. 65* Les Livres de Controverfe font hmtez de cer- taiiîs efprits fort turbulens , quoique les Livres mêmes foient d'ordinaire enchainez dans les Bi- bliothèques. 66. 67. 68 Le mépris qu'on a fait d'un Confeil de l'Au- teur pour les tenir en paix , caufe une fanglante Bataille dans la Bibliothèque de St. James. 69 Le Douleur ^fw//^ y Bibliothécaire, ennemi ju- ré des Anciens , réuiTit mal dans une entrepriîè qu'il a formée contre eux; fa haine en devient plus implacable. JQ. 71 Les Modernes font la revue de leurs forces > fe trouvent cinquante -xmlie Combatans , & £eTS DES MATIERES. fiers de rette fuperioTite ils maltraitent les An- ciens de paroles. 72. 73, 74. Temple découvre leurs brigues à fes bons amis ks Anciens. 7f Epifode: Difpute entre une Araignée & une Abeille fur la fuperiorité du mérite. "jC. jufuv.a Efope fait une Harangue , peur appliquer ces deux plaidoiers à l'affaire en queftion. 83. 84. 85-. 85 Les deux Armées fe rangent en bataille. Les Modernes ont bien de la peine à s'accorder fur le choix de leurs Commandans ; ils en convien- •nent à la fin j les noms de leurs GéneVaux. 87 83. 8p. ça Les Œefs ^z^ Andens. pr Jiiipter aflemble le Confeil àcs Dieux, con- fulte le Livre des Deftinces , & fait defcendre fur la Terre les Génies Exécuteurs de fes Or- dres. p2. p3 Momtti Frctecteur des Modernes vole vers le Palais de la Dcefe CHti^ue. Defcription de cette Divinité, de fon Palais, & de Ççs Courtifans; Harangue de Mordus ^ pour animer la DéefTe i la défenfe des Modernes. p^. pj". p5. P7 Elle vole vers la Bibliothèque de St. Jâmes^ & en chemin faifant elle répand par tout Tes ma- lignes influences, &fur fon iîls IVottoti-i qu'elle encourage au combat. p3. pp. i03 Defcription de la Bataille; Paracelje combat Galicn ; Arijloîe lançant \on Javelot à Bacoji , le manque, & tue Z)fj-C«i'fé';. 101. lOZr- Ho»:ey^ JQttc par terre Gondicert ^ tue Denbam ^ JVeJtley , Perrault, &P Fofjtevelles. 105 Rencontre de Virgile & de Dryden^ qui par fes flateries appaifc fon ennemi & troaue fes O i * Ar- TABLE Armes contre celles du Héros Ancien. 104. lOf. 106 Combat de Z/za-î/w 5 &de BLïckmore ; de Crecb, oc de l'Ombre d'Horace. 107. 108. J09 De Pi-adcrre & de Co-zviey. j i o. m Les Bataillons des Modernes commencent à chanceler. Entreprife de ^p/;//^)/ & de IVottoyi-, ils font comparez à deux Chiens Domeftiques, qui fortent enfemble pour trouver quelque Cha- Togne. 112. jttfqiies 116 Les deux Compagnons fe feparent, Bentley fe faifit furtivement des Armes d'Efope , & de Vhalaris. 117 Wotton attaque Temple Qn vain. 118. 119. 120 Boyle le pourfuit, & le voïant joint à Bentley y il les perce tous deux du même Javelot. 121. jufques 11 f Reflexion fur un Bal a y comparé à l'Homme. 126. 127. J28. 12-9 Pense es détachées Morales, Ô' Di- vertissantes, i-i^o. jiifquà A^-^ Essay djim le Go-ut h plus Moderne , fur les Facultez de l'A m e, &c. 14.4.. jufqu'j. Dissertation contre l'A ko lisse- M E N T du Christianisme en A n g le- TERRE. 15-8 Imprudence qu'il y a à fe déclarer contre les Dpiiiions ge'néralement reçues chez toute une Nation. is'9. 1^0 ^ Elle n'empêche pas TAuteur de dire fon fen- timent fur le fujet dent il s'agit. 161 L'Auteur pofe l'Etat de la Queftion ; il dif- tingue entre Chriftianifue réel , & Chriftianif- me de nom ; il eil: quellicn du dernier 5 puif- qu'il y a dcja long-:em3 que l'autre n'eiî plus en vogue. 162. 1^3 Ob- DES M A T I E^ E S. Objcdion contre le Chriftianifoie tirée de 1 'Intolerance. 164. Réfutée. i(5f. 166 Objedion contre le Chriftianifme tirée de la difficulté de certains Dogmes; Refutation. 16'. Autre tirée de l'inutilité des Ecclefiaftiques , du revenu defquels on pourroit entretenir deux cens Petits-Maitres : Réponfe tirée de l'utilité des Prêtres pour donner à la Nation une Pcfte- rité vigoureufe. 169. 170 Objedion tirée de la perte d'un dei fept jours de la femaine, & de l'inutilité d'un grand nombre de Bàtimens nommez Eglifes ; folution, 17T. 17s Objedion tirée de TEfprit de faction animé parle Chriftianifme; réponle. 173. 17-4. Objctlion tirée de Fabfurditc de louer exprès certaines gens pour brailler contre les Vices; folution. i7f. 17^1 Objection fondée fur les préjugez que le Chriflianifme nous donne par raport aux Vices 9 & aux Vertus; refutée. I77« 178 Objeflion fondée fur ce que le Chriflianifme empêche l'union de tout le Corps Proteftant: folution. 179. 180. 181 Inconvcniens , qui (iiivroient l'Abohlfement du Chriftianifme; fans le Chriftianifme les Ef- prits-forts n'auroient pas dans les Eccleiîafti- ques un objet commode de mépris , & de rail- lerie. 1 8 z Autre inconvenient, l'AboliiTement du Chrif- tianifme priveroit les Efprits-forts du feul fujet qui les rends grands hommes & beaux-efprits. i8j L'aboli.'Tement du Chriflianifme mettroit l'E- gîife en danger. 18-I- iSç» O 3 R.i- TABLE 'Rameneroit les Anglois au Papifme , & f;- roit dangereux pour leur Conftitution Politi- que. i86. 187, 188 Scandaliferoit les Alliez de la Nation, & mê- me l'empécheroit de faire une Alliance avec le grand Turc. 189 Feroit baifTer les Aélions. 190 Projet pour l'A v a n c e m e n t de la R e- LiGiON , & pour la Reform ATI ON des Moeurs. Efpece de Dédicace à la ComtefTe de Berkeley, Caraftere de cette Dame. 191. 192. Stérilité de projets fur cette matière. ipj. Tableau Général des \ ices qui fe font ré- pandus 5 & qui font montez au plus haut degré, dans la Gr. Bretagne , deforte qu'ils ont gagné é- galcment toutes les Claffes différentes du Peu- ple. i9f. i9<5 Sentimens d'irréligion , ou les actions ré- pondent exaâ:ement. 197 Défaut de délicatelle fur le veritable honneur, dans le beau-Sexe même. 198 Excès par raport au jeu égal chez les deux Sexes . ] ^ Fraudes, corruption , trafic des Emplois. 2co Le Souverain efl capable de remédier à tous ces excès. Son exemple ne fufnt pas. 201 Il faut qu'il y ajoute des réglemens utiles, qu'il fafie confidercr la Vertu comme la route des honneurs , & le Wioz comme un obftaclc invincible ,• il doit commencer par les Officiers de fa Maifon. 202. 203. 204.. 20;' Ufage qu'on pnurroit tirer de certains Cen- fèurs en titre d'office , qu'on obligeroit à par- courir tout le Roiaume. 106. 207 La réforme de la Capitale efl propre à réfor- mer tout le Pâïs. 2c3 La DES MATIERES. La réforme dans l'Armée ne diminueroit la bravoure, ni des Officiers, ni des Soldats. 2cp. 210 On pouroit déraciner l'Ivrognerie en empê- chant les gens de qualité qui y donnent, de pa- roitre devant le Souverain , & devant les Mi- niftres. Il feroit bon d'agir de même avec les joueurs. 211. 212 NeceÏÏlté de réformer les Univerfîtez ; & les feminaires de jeunes Jarifconfultes. 213. '.14. La PclitefTe , la bonne conduite du Clergé , & fon Commerce avec les gens du Monde avanceroit beaucoup la reforme générale. 2 1 f. jufcjUji 2 10 Comme auiTi le bon choix des CommifTaires, ou des luges de Paix- 221. 22a Necefllté de reformer le Theatre , qui en- courage les crimes, loin de les montrer de leur coté ridicule. 223.224. Objeftion tirée de ce que ces reglemens de la Cour augraenteroient le nombre des Hypo- crites ; refutée. ii<^. 116 Une pareille réforme eft excellente même par raport à la Politique. 227. 228. 22p. 230 Cette réforme eft de facile exécution. 231 Sur-tout û le Pouvoir Legiilatif foutenoit les mefures de la Cour. 232, En réglant les Cabarets & les Auberges , & en prévenant les fraudes par de bonnes Loix exécu- tées avec feverité. 233. 234. En reprimant le libertinage de la PrelTe. 23^ En augmentant le nombre des Eglifes & des Miniftres. 236. 237 Raifons plus particulières qui doivent poulTer le Souverain à entreprendre fortement cette ré- forme; 238 Fauïïes idées , qu'on a du Mérite fuffifant pour TABLE DES MATIERES. Pour remplir les Charges. 239. 2^9 La réforme des Mœurs comparée à la répa- ration d'une mv^ifon. 24.1. 24.2 Prk DICTIONS pour Tjînnée 1708. ôcc, par IsJAAC BicKERSTAF; prognoftiquant entre autres chofes la mort de Partrige Faifeur d' Alma- nacs, lâ^i, jttfqu'à 16^ Lettre à une Perfonne de Qualité, conte- nant une Relation de la Mort de M. Partrige 265-. jufqu'à 271* Justification de M» Bickerstaf, contre ce qui lui a été objefté dans l'Almanac pour l'Année 1 7 op. i"^!, & fuivantes* F I N. ^f' IS^